Elle m’aime avec une passion, une jalousie qui la font sangloter, lorsque je caresse un autre enfant.
Il hocha la tête, en répétant :
― Oui, oui, délicate, nerveuse, jalouse... C’est le docteur Bodin qui la soigne, n’est-ce pas ? Je causerai d’elle avec lui. Nous arrêterons un traitement énergique. Elle est à l’époque où la santé d’une femme se décide.
En le voyant si dévoué, Hélène eut un élan de reconnaissance.
― Ah ! monsieur, que je vous remercie de toute la peine que vous avez prise !
Puis, ayant élevé la voix, elle vint se pencher au-dessus du lit, de peur d’avoir réveillé Jeanne. L’enfant dormait, toute rose, avec son vague sourire aux lèvres. Dans la chambre calmée, une langueur flottait. Une somnolence recueillie et comme soulagée avait repris les tentures, les meubles, les vêtements épars. Tout se noyait et se délassait dans le petit jour entrant par les deux fenêtres.
Hélène, de nouveau, demeurait debout dans la ruelle. Le docteur se tenait à l’autre bord du lit. Et, entre eux, il y avait Jeanne, sommeillant avec son léger souffle.
― Son père était souvent malade, reprit doucement Hélène, revenant à l’interrogatoire. Moi, je me suis toujours bien portée.
Le docteur, qui ne l’avait point encore regardée, leva les yeux, et ne put s’empêcher de sourire, tant il la trouvait saine et forte. Elle sourit aussi, de son bon sourire tranquille. Sa belle santé la rendait heureuse.
Cependant, il ne la quittait pas du regard. Jamais il n’avait vu une beauté plus correcte. Grande, magnifique, elle était une Junon châtaine, d’un châtain doré à reflets blonds. Quand elle tournait lentement la tête, son profil prenait une pureté grave de statue. Ses yeux gris et ses dents blanches lui éclairaient toute la face. Elle avait un menton rond, un peu fort, qui lui donnait un air raisonnable et ferme. Mais ce qui étonnait le docteur, c’était la nudité superbe de cette mère. Le châle avait encore glissé, la gorge se découvrait, les bras restaient nus. Une grosse natte, couleur d’or bruni, coulait sur l’épaule et se perdait entre les seins. Et, dans son jupon mal attaché, échevelée et en désordre, elle gardait une majesté, une hauteur d’honnêteté et de pudeur qui la laissait chaste sous ce regard d’homme, où montait un grand trouble.
Elle-même, un instant, l’examina. Le docteur Deberle était un homme de trente-cinq ans, à la figure rasée, un peu longue, l’œil fin, les lèvres minces. Comme elle le regardait, elle s’aperçut à son tour qu’il avait le cou nu. Et ils restèrent ainsi face à face, avec la petite Jeanne endormie entre eux. Mais cet espace, tout à l’heure immense, semblait se resserrer. L’enfant avait un trop léger souffle. Alors, Hélène, d’une main lente, remonta son châle et s’enveloppa, tandis que le docteur boutonnait le col de son veston.
― Maman, maman, balbutia Jeanne dans son sommeil.
Elle s’éveillait. Quand elle eut les yeux ouverts, elle vit le médecin et s’inquiéta.
― Qui est-ce ? Qui est-ce ? demandait-elle.
Mais sa mère la baisait.
― Dors, ma chérie, tu as été un peu souffrante... C’est un ami.
L’enfant paraissait surprise.
1 comment