Au printemps 1918, il achète à 25 miles au nord-ouest de Los Angeles, aux confins de la petite ville d’Encino, en un lieu-dit Réséda, un domaine de 550 acres ayant appartenu au général Harrison Gray Otis, héros de la guerre des Philippines et fondateur du journal « Los Angeles Times ». Dès son retour à la vie civile, il s’installe sur ses terres et, hormis en 1941, il n’en bougera plus, superposant à une existence de plus en plus calme, une vie rêvée toujours plus effervescente.

Ermite tôt retiré d’une réalité médiocre, Edgar Rice Burroughs n’a pas seulement composé quarante-neuf de ses soixante-huit livres dans son refuge californien, mais il devait y créer aussi une société destinée à commercialiser les brevets et licences relatifs à son œuvre, une maison d’édition, me compagnie de production de films. Enfin il a, sinon fondé, du moins baptisé la commune de Tarzana. Lorsque Burroughs y arrive en 1919, le territoire de Réséda conserve encore l’aspect champêtre qui était le sien au temps où il dépendait de la mission de la Vallée de San Fernando. Seuls les noms ont changé. Trois cents personnes vivent entre les collines, s’adonnant à l’élevage et à la culture des agrumes. La propriété de Burroughs (qu’il a baptisée Tarzana Ranch) et le ranch Runymède III deviennent les deux pôles de cette contrée idyllique. La population s’accroît avec l’extension de l’importante société d’élevage du ranch Runymède. La vallée se garnit d’ensembles résidentiels. Les éleveurs éparpillés dans les épigones du ranch forment bientôt une ligue d’amélioration préoccupée d’aductions d’eau, de gaz et d’électricité. Le territoire compte six mille habitants lorsque, en 1927, l’« Improvement League » demande la création du bureau de poste. Pour obtenir satisfaction, elle tient à prouver l’autonomie de Réséda par rapport à la ville d’Encino et demande à Burroughs l’autorisation de donner à la nouvelle communauté le nom de son ranch. Il accepte et Tarzana naît officiellement le 20 juillet 1928. Le bureau de poste est ouvert le 12 décembre 1930, sur Ventura Boulevard. Dans la salle réservée au public, une très belle peinture d’Allen Saint John représentant Tarzan rappelle les origines de la commune. À cet édifice se sont ajoutés, au fil des ans, deux banques, une bibliothèque, plusieurs écoles et églises.

Tarzana est aujourd’hui une charmante cité résidentielle de seize mille habitants, s’étendant sur douze kilomètres carrés. Edgar Rice Burroughs passa les trente-deux dernières années de sa vie dans ce cadre aimable où il conçut la presque totalité de son œuvre.

Par fidélité au souvenir de certain ranch de l’Idaho et peut-être par imitation de ses voisins, il se consacre d’abord à l’élevage. Il invoque le manque d’eau comme motif d’un rapide renoncement. Au vrai, il a mieux à faire. Mais l’élaboration d’une œuvre littéraire ne saurait épuiser son exceptionnelle énergie vitale, entièrement disponible désormais. Simple dérivatif, les quelques opérations immobilières réalisées après l’abandon du rôle de gentleman-farmer. Une étendue appréciable de ses terres est cédée à un club de golf dont il récupérera les installations plus tard pour créer un golf public qu’il exploitera lui-même.

Il se découvre bientôt une acceptation plus solide et plus durable. Le personnage de Tarzan a inspiré plusieurs films et prêté son nom et son prestige à d’innombrables projets. Soucieux de conserver le contrôle de cette exploitation commerciale, Burroughs accorde l’exclusivité de délivrer licences et brevets de fabrication, de négocier droits de traduction et d’adaptation, bandes dessinées et, plus tard, télévision, à une société anonyme « Edgar Rice Burroughs Inc. » qu’il fonde à Tarzana le 16 mars 1923. Il en est lui-même président, sa femme étant vice-présidente et Cyril Ralph Rothmund secrétaire-trésorier, ce dernier devant assumer la direction générale jusqu’en 1962[2].

Pour abriter les bureaux d’« Edgar Rice Burroughs Inc. », il fait bâtir au bas de l’une des collines de sa propriété, en bordure du Ventura Boulevard, un petit ensemble immobilier qui porte encore le N° 18354. Parallèle à la rue dont il est séparé par une cour ombragée d’un très vieux noyer, s’allonge un bâtiment bas, sans étage, où trois ou quatre bureaux se côtoient à l’ombre d’une galerie couverte. À l’extrémité gauche, ce bungalow se complète d’une construction à usage de magasin et de service d’expédition orientée perpendiculairement au boulevard. Cet entrepôt a été ravagé le samedi 3 mai 1958 par un incendie qui prit naissance dans la réserve de films contenant des copies inflammables et détruisit la plus grande partie des stocks de livres qu’il abritait.

Car Burroughs, toujours aussi pratique et aussi infatigable, s’est institué, à partir de 1931, son propre éditeur, ajoutant ainsi un département nouveau à l’activité de sa société. Les seuls livres qu’elle ait publiés sont les siens, vingt-cinq au total, du 20 novembre 1931 (TARZAN THE INVINCIBLE) au 26 mars 1948 (LLANA OF GATHOL). Il ne s’est attaché qu’à publier ses nouveaux titres, dont il ne faisait jamais de second tirage, ayant concédé à Grossett et Dunlap le droit de les réimprimer dans une présentation différente et sans illustration, au fur et à mesure de leur épuisement.