Cependant, « Edgar Rice Burroughs Inc. » a réédité en mars 1948 dix-sept ouvrages (dix Tarzan et les sept premiers volumes du cycle de Mars) dont neuf avaient paru chez « Mc Clug » ou « Metropolitan Books ».

Son activité d’éditeur n’apparaît pas cette fois comme un simple dérivatif au travail de romancier ; Burroughs la considérait avec beaucoup de sérieux et il en avait réglé lui-même l’organisation. Le volume de sa production ne lui permettant pas de disposer d’une diffusion autonome, il l’avait concédée pour chaque grande région à un distributeur éprouvé ou à un puissant confrère, tel, à Chicago, son ancien éditeur A.C. Mc Clurg and Co., et ailleurs : American News (filiale de son second éditeur, Metropolitan Books), Baker Taylor, Bluckwell-Weilandy, J.K. Gill Co. et, au Canada, George J. Mc Leod. Pour rendre plus efficace sa propagande sur la côte Est, il avait ouvert un bureau à New York, au 286 de la Cinquième Avenue.

La fabrication d’un livre lui était familière dans ses moindres détails, si l’on en juge par une étude qu’il publia en mai 1937 dans la revue « Writer’s Digest » sous le titre « Mr. Burroughs describes his publishing methods ». Il y répondait à un article paru dans le « Los Angeles Times » qui affirmait que n’importe quel auteur pouvait s’éditer lui-même à raison de cinq cents dollars par livre. Ce que contestait Burroughs, révélant que chacun de ses livres, avant la mise sur machines, revenait à 1056 dollars exactement, compte tenu de la composition, des illustrations, etc… et que le prix du papier, de la reliure, du vernissage s’ajoutait ensuite à cette somme, ainsi que les droits d’auteur. Et Burroughs remarquait : « Pourquoi j’édite mes livres ? La réponse est simple : cela me rapporte plus. » Mais il reconnaissait avec franchise que sa cupidité, lorsqu’il était édité par d’autres, avait joué contre lui.

« Je mesure la faible marge de bénéfice revenant à un éditeur, maintenant que je le suis moi-même, » disait-il. « Je m’aperçois que les droits que je réclamais ne laissaient pratiquement aucune marge à mon éditeur dont le bénéfice dépendait de la revente de ses droits à des collections de livres bon marché. Naturellement, il avait perdu tout intérêt à exploiter ses propres éditions. Si je m’étais satisfait de la moitié de mon pourcentage, il aurait gagné beaucoup d’argent avec lequel il aurait fait plus de publicité, tout en conservant un substantiel profit. Il en serait résulté une élévation des ventes des éditions originales et donc de mes droits. »

Et Burroughs décrivait ses propres méthodes de travail, en ce qui concerne la publicité, la détermination des dates de sortie des livres et le choix des illustrations, principalement celle de la couverture. Ainsi avouait-il avoir rejeté les jaquettes de PIRATES OF VENUS, LOST ON VENUS et TARZAN AND THE LION MAN qu’il trouvait adorables, mais que ses représentants et distributeurs jugeaient d’une portée commerciale insuffisante.

À partir de février 1937 (THE OAKDALE AFFAIR), et jusqu’au dernier paru en mars 1948, les treize livres écrits et édités par Edgar Rice Burroughs ont été illustrés par son fils cadet. « Mon dernier livre THE OAKDALE AFFAIR AND THE RIDER a été illustré par mon fils John. C’est un jeune artiste récemment sorti de son école ; parce qu’il commence sa carrière et, bien sûr, parce que c’est mon fils, je lui ai offert une chance. Mais j’aurais refusé son travail s’il ne m’avait pas satisfait. » C’est également John Coleman Burroughs qui, en 1940, réalisa en bandes dessinées, pour une publication interrompue après deux numéros, « Hi-Spot Comics », DAVID INNES OF PELLUCIDAR, d’après le roman AT THE EARTH’S CORE que son père adapta et dialogua lui-même à cette occasion. La collaboration du père et du fils devait se renouveler lors de la publication dans une quinzaine de journaux, de JOHN CARTER OF MARS. Cette bande distribuée par « United Features Syndicate » dudécembre 1941 au 3 avril 1943, n’a malheureusement pas survécu au départ d’Edgar Rice Burroughs pour le Pacifique.

Avant même que n’intervienne John Coleman, le nom de Burroughs avait déjà réuni sur une même couverture les trois titres de : auteur, éditeur et illustrateur, ce dernier appartenant à Studley Oldham Burroughs, fils de Henry, le second frère d’Edgar. Le romancier-éditeur alliait à un certain sens pratique, un esprit de famille tout aussi développé. Il aimait à se sentir entouré, dans le travail par l’affection des siens. Ainsi James H. Pierce devenu son gendre peu après avoir incarné l’homme-singe en 1927 dans « Tarzan et le lion d’or », a répété – ou plutôt récité pour la première fois – ce rôle dans un serial radiophonique de même titre, diffusé vers 1929, et dans lequel Jane était jouée par Joan, la propre fille de Burroughs.

À la composition de trois romans par an en moyenne, à une activité d’éditeur et à celle résultant de la négociation des droits subsidiaires de ses livres, Burroughs ne résista pas au plaisir d’ajouter, à partir de 1935, de nouvelles occupations. Piqué de voir sa collaboration repoussée par les fabricants de faux Tarzan et assez mécontent de voir ce personnage défiguré au point de paraître un imposteur, il lança une maison de productions de films la « Burroughs-Tarzan Enterprises ». Sa première réalisation est en 1935, un serial en douze épisodes « The new adventures of Tarzan », suivi en 1938 de « Tarzan and the green goddess », dont la vedette Herman Brix demeure parmi tous les interprètes de Tarzan le plus fidèle au modèle et le plus sympathique. Il est dommage que cette compagnie ait disparu sans avoir donné suite à certains projets annoncés : l’adaptation de TARZAN, SEIGNEUR DE LA JUNGLE, l’une des meilleures aventures de la série, deux films tirés de THE MAD KING[3] et THE OUTLAW OF TORN, ainsi que MURDER AT THE CARNIVAL d’après un scénario original de Burroughs. D’autant que quatre bandes sans rapport avec l’œuvre de celui-ci ont été produites par « Tarzan-Burroughs Enterprises » : The dragnet, Tundra, The phantom of Santa Fe, Three wise monks. En dehors des Tarzan, plusieurs de ses livres ont inspiré des productions cinématographiques diverses : The lad and the lion (Produit par Selig-Polyscope Company, 1917) ; The lion man (remake du précédent, 1937) ; Jungle girl (serial en 15 épisodes produit par Republic, 1941).

Pour les biographes et exégètes d’Edgar Rice Burroughs, le journal de son œuvre, qu’il a tenu sans interruption de 1911 à 1946, offre une abondance de renseignements irremplaçables. Ce document récemment compilé et publié par son fils Hulbert, permet de suivre au jour le jour, la naissance et l’évolution de chacun des écrits de l’auteur, depuis le choix d’un titre de travail et la mise au point du thème original, jusqu’à l’aboutissement final. Son déchiffrement a provoqué la découverte de nombreux inédits et projets abandonnés.

Ce journal est précieux jusque dans ses silences, car ils témoignent en filigrane de drames intimes assez graves pour troubler l’activité d’un écrivain aussi prolifique. Ainsi, du 16 décembre 1933 au 19 janvier 1935, ses pages ne portent-elles trace que d’un seul livre – TARZAN’S QUEST – au lieu des trois ou quatre habituellement conçus au cours d’un tel laps de temps. C’est la conséquence de son divorce en 1934 d’avec sa femme Emma, au terme de trente-quatre ans de vie commune.