– C’est moi qui ai la surveillance de moi-même, que je dis, et il est probable que je resterai un moment. Faites-vous beaucoup de loteries par ici ? – Qu’est-ce que ça vous fait ? qu’il dit. – Rien à moi, que je dis, mais beaucoup à vous, car parbleu, je pense que vous tirez de cette chaise à porteurs une bonne moitié de votre revenu. C’est toujours comme ça que vous la mettez en loterie ? » que je dis. Et là-dessus je m’approchai d’un coolie pour lui poser des questions. Les gars, cet homme s’appelle Dearsley, et il y a déjà neuf mois qu’il met en loterie mensuellement cette vieille chaise à porteurs. Chaque coolie du secteur prend un billet… ou sinon il leur donne congé… une fois par mois le jour de paye. Chaque coolie qui la gagne la lui redonne, car elle est trop encombrante pour l’emporter, et il sacquerait l’homme qui essaierait de la vendre. Ce Dearsley est devenu riche comme Crésus, avec son infâme loterie. Deux mille coolies frustrés une fois par mois !

— Zut pour les coolies ! Toi mon gars, tu as pris de l’amusement ? dit Learoyd.

— Attends. Après avoir découvert cette étonnante et formidable escroquerie commise par le Dearsley, je tins conseil de guerre ; il essayait tout le temps de m’induire au combat par son langage outrageant. Jamais cette chaise à porteurs n’a pu appartenir de droit à un contremaître de coolies. C’est la chaise d’un roi ou d’une reine. Il y a de l’or dessus et de la soie et toutes sortes d’ornements. Les gars, ce n’est pas à moi de proposer un méfait quelconque… car je suis le plus vieux… mais… enfin il l’a eue neuf mois, et il n’oserait pas faire de raffut si on la lui prenait. Huit kilomètres de distance, ou peut-être neuf…

Il y eut un long silence, et les chacals hurlèrent joyeusement. Learoyd releva sa manche et contempla son bras au clair de lune. Puis il hocha la tête tant pour lui-même que pour ses amis. Ortheris se tortillait d’émotion rentrée.

— Je pensais bien que vous verriez que c’est raisonnable, reprit Mulvaney. J’ai déjà pris la liberté d’en dire autant à notre homme. Il était pour une attaque de front immédiate… infanterie, cavalerie et artillerie… et tout cela pour rien, vu que je n’avais pas de moyens de transport pour emmener la machine. « Je ne discuterai pas aujourd’hui avec vous, que je dis, mais subséquemment, mossieu Dearsley, mon jolie faiseur de loteries, nous en reparlerons tout au long. Ce n’est pas de bonne morale que de frustrer des négros de leurs émoluments gagnés à la sueur de leur front, et à ce que je viens d’apprendre (c’était l’homme du chariot qui me l’avait raconté) vous avez perpétré cette malversation depuis neuf mois. Mais je suis un homme juste, que je dis, et sans tenir compte de la présomption que ce canapé là-bas avec son dessus doré ne vous est pas venu par des moyens honnêtes (là-dessus il devint vert-de-ciel, aussi je compris que les choses étaient plus vraies qu’il ne pouvait l’avouer), je consens à fermer les yeux sur votre crime, moyennant votre gain de ce mois-ci. »

— Ah ! Ho ! firent Learoyd et Ortheris.

— Ce Dearsley se précipite au-devant de son destin, reprit Mulvaney, hochant gravement la tête. Ce coup-là, l’enfer entier ne lui fournit pas de nom assez mauvais pour moi. Parole, et il m’a appelé voleur ! Moi ! moi qui lui épargnais la honte de persévérer dans ses mauvaises voies sans même une remontrance… et chez un homme de confiance une remontrance peut changer l’allure de sa vie. « Quoi que vous soyez, mossieu Dearsley, que je dis, ce n’est pas à moi de discuter, mais de ma main je vais éloigner de vous la tentation que représente cette chaise à porteurs. – Pour cela, qu’il dit, il vous faudra vous battre avec moi, car je sais bien que vous n’oserez jamais vous plaindre à personne. – Et je me battrai, que je dis, mais pas aujourd’hui, car je suis affaibli par le manque de nourriture.

— Vous êtes un vieux bonhomme qui ne manquez pas d’audace, qu’il dit en prenant ma mesure du haut en bas, et nous aurons une jolie bataille. Mangez donc et buvez, et faites à votre guise. » Là-dessus il me donna de la briffe et du whisky… du bon whisky… pendant que nous parlions de ci et de ça.

« À présent, que je dis en m’essuyant la bouche, c’est dur pour moi de confisquer cet objet mobilier, mais la justice est la justice.