– Vous ne le tenez pas encore, qu’il dit, entre vous et lui il y a le combat.

— Bien sûr, que je dis, et un bon combat. Pour le dîner que vous venez de m’offrir vous aurez la fleur de la meilleure qualité de mon régiment. » Alors je suis venu dare-dare vous trouver vous deux. Tenez votre langue, l’un et l’autre. Voici ce qui va se passer. Demain nous irons là-bas tous les trois, et il aura le choix entre moi et Jock. Jock est un lutteur qui trompe, car il a l’air d’être plein de graisse, et il a les mouvements lents. Moi, au contraire, à me voir je suis tout muscle, et j’ai les mouvements vifs. À mon compte le Dearsley ne me choisira pas ; ce sera donc moi et Ortheris qui veillerons au combat loyal. Jock, je t’assure, ce sera un fameux combat… à la crème fouettée par-dessus la confiture. Après l’affaire ce ne sera pas trop de nous trois… Jock sera très mal en point… pour emporter cette chaise à porteurs.

— Ce palanquin, fit Ortheris.

— N’importe ce que c’est, il nous faut l’avoir. C’est le seul objet de valeur vendable à notre portée que nous puissions nous procurer à si bon marché. Et qu’est-ce que c’est qu’un combat ? Il a volé les négros, malhonnêtement. Nous le volerons honnêtement.

— Mais qu’est-ce que nous ferons de ce sacré machin quand nous l’aurons ? Un palanquin c’est aussi gros qu’une maison, et pas commode du tout à vendre, comme disait Mac Cleary la fois où vous avez volé la guérite de la sentinelle des Curragh.

— Qui est-ce qui va être chargé de se battre ? fit Learoyd.

Et Ortheris se tut. Sans prononcer un mot, tous trois s’en retournèrent aux casernes. La dernière interrogation de Mulvaney réglait l’affaire. Ce palanquin était un objet de valeur, vendable, et qu’on pouvait se procurer de la façon la moins embarrassante. Il se muerait probablement en bière. Grand était Mulvaney.

L’après-midi suivant trois hommes se formèrent en cortège et s’enfoncèrent dans la brousse dans la direction de la nouvelle voie de chemin de fer. Learoyd seul était sans souci, car Mulvaney interrogeait sombrement l’avenir, et le petit Ortheris craignait l’inconnu.

Ce qui se passa lors de la rencontre dans le solitaire hangar de paye voisin du talus en construction, seuls le savent quelques centaines de coolies, et leur récit, assez confus, est le suivant :

— Nous étions au travail. Trois hommes en habits rouges arrivèrent. Ils virent le Sahib… Dearsley Sahib. Ils firent palabre, et particulièrement le plus petit des habits-rouges. Dearsley Sahib aussi fit pa-abre, et usa beaucoup de gros mots. Après ces discours ils s’en allèrent ensemble en terrain découvert, et là le gros homme en habit rouge se battit contre Dearsley Sahib. Ceux d’entre nous qui n’eurent pas peur virent ces choses durant tout juste le temps qu’il faut à un homme pour cuire son repas de midi. Le petit homme en habit rouge s’était emparé de la montre de Dearsley Sahib. Non, il ne 1’avait pas volée. Il la tenait dans sa main, et à certains moments lançait un appel, et les deux cessaient leur combat, qui était pareil au combat du printemps des jeunes taureaux. Les deux hommes furent bientôt tout rouges, mais Dearsley Sahib était beaucoup plus rouge que l’autre. Voyant cela et craignant pour sa vie… parce que nous l’aimions beaucoup… une cinquantaine d’entre nous se hâtèrent de courir sus aux habits-rouges.