Il se sentit mieux, posa ses pieds sur son bureau et, fumant des cigarettes, il attendit.

A cinq heures vingt, Nikolls entra.

— Alors ?

Nikolls jeta son chapeau sur une chaise, s’installa près du feu dans un large fauteuil, tira de sa poche un paquet de « Lucky Strikes » et loucha vers le verre gradué. Callaghan lui passa la bouteille.

Désaltéré, Nikolls répondit :

— Ce Wilbery est un drôle de client. Il a eu un appartement à Roedean House pendant dix mois. Sa mère lui versait une petite rente mensuelle. Elle habite une villa appelée Deeplands, à Norton Fitzwarren, dans le Somerset, et, d’après ce qu’on m’a dit, elle est pourrie de fric. Le père est mort. Quant au Lionel elle lui a coupé les vivres deux ou trois fois après avoir entendu parler de sa conduite en général et de ses soûlographies en particulier.

— Vu. Qu’est-ce qu’il fabriquait ?

— Des vers... tu te rends compte ?... Il y a quatre ou cinq mois, il s’est mis à fréquenter une drôle de clique et je crois que c’est à ce moment-là qu’il a commencé à se droguer. Pour ce qui est de ses habitudes, il rentre chez lui ou il n’y rentre pas, ça dépend !’ Il lui est arrivé de disparaître pendant des semaines entières. Il doit cinq mois de loyer et, s’il n’y avait pas sa famille, il y a longtemps que le propriétaire aurait vendu ses affaires !

— Bien travaillé, Windy. La femme de chambre était jolie ?

— Ce n’était pas une femme de chambre. C’était la gérante... et je te prie de croire que c’est un très joli châssis... Une femme qui a des hanches qui disent bien ce qu’elles veulent dire et des chevilles qui descendent leur bonhomme à tout coup !

— Passons... C’est tout ce qu’elle t’a confié ?

— J’aurai rendez-vous avec elle un de ces jours. J’ai l’impression que ma bobine lui revient. Peut-être que je pourrai en sortir autre chose...

— Ne te tracasse pas pour ça !... Tu disais que la mère habite dans le Somerset ?

— Oui.

— Prends le téléphone et tâche de l’avoir à l’appareil. J’ai besoin de lui parler.

Nikolls s’administra une nouvelle rasade de whisky et se leva :

— En fin de compte, Slim, cette affaire, c’est secret... ou bien est-ce que je saurai un jour de quoi il s’agit ?

Callaghan alluma une cigarette.

— J’ai rendu visite à Gringall cet après-midi.

— Conclusion ?

— Conclusion : Gringall tenait à me voir aller chez Ferdie hier soir. Quand je suis arrivé là-bas, j’ai trouvé le patron un tantinet trop aimable. On lui avait annoncé ma venue...

— Compris. L’histoire de la jolie dame qui était ton type, c’était seulement pour être sûr que tu irais chez Ferdie.

— Gringall tenait absolument à ce que je rencontre Doria Varette hier soir.

Callaghan aspira une longue bouffée de tabac :

— Je vois la dame, je lui propose de prendre un verre chez moi, elle accepte et, à peine entrée, elle me demande de lui retrouver son Lionel. Coïncidence, je veux bien, mais tout de même un peu bizarre... C’est pourquoi je suis allé chez Gringall cet après-midi. Nous avons parlé et il m’a laissé entendre que la famille serait peut-être ennuyée de me voir chargé par une étrangère de retrouver son rejeton. Il m’a laissé entendre que je devrais entrer en rapport avec ladite famille, laquelle serait très probablement ravie de recourir à mes bons offices.

— Mais si la disparition de ce Wilbery inquiétait sa famille, est-ce qu’elle ne se serait pas adressée à Scotland Yard ?

— C’est évident, mais elle n’a pas bougé. Rompant avec ses habitudes, Gringall a été assez bon pour me faire savoir que les Wilbery ne se sont pas manifestés à Scotland Yard...

— Tout ça est bien mystérieux.