Et disparu d’où ?
— Il a effectivement disparu, et ce qui m’a décidé à vous téléphoner, c’est que mon agence ne tient pas autrement à se lancer dans des recherches qui ne lui sont pas demandées par les plus proches parents de la personne manquante.
Il y eut un silence. Puis, Mme Wilbery parla avec une froideur glacée.
— Monsieur Callaghan, êtes-vous sûr que mon fils a disparu et pouvez-vous me dire quelle est la personne qui le considère comme disparu ?
— Très volontiers. Hier soir, une jeune femme, miss Varette – miss Doria Varette – nous a demandé d’enquêter sur la disparition de Lionel Wilbery. Elle nous expliquait qu’on ne l’a pas vu depuis des semaines et qu’elle était fort inquiète, et parce qu’il avait des habitudes regrettables – celle de se droguer, par exemple –, et parce qu’il avait des relations assez suspectes. Elle nous offrait, pour faire les recherches, une somme considérable. Comme il était naturel avant de rien entreprendre, nous nous sommes adressés à Scotland Yard, où l’on nous a appris que vous n’aviez nullement signalé la disparition de M. Lionel Wilbery.
Mme Wilbery répondit, sans que son ton trahît la moindre émotion :
— Ce que vous m’apprenez, monsieur Callaghan, m’intéresse vivement. Il est évident que je veux savoir ce qui est arrivé à Lionel, en admettant qu’il lui soit arrivé quelque chose.
Une grimace de satisfaction tordit le visage de Callaghan.
Il reprit :
— J’imagine, madame, que ce que je vous apprends ne vous surprend pas plus que de raison. Après tout, vous étiez au courant des fréquentations douteuses de M. Wilbery ?
La voix de Mme Wilbery se chargea d’ironie.
— Vraiment, monsieur Callaghan ?... Et peut-on savoir ce qui vous autorise à penser ça ?
— Ne lui avez-vous pas coupé les vivres ?
Il y eut un nouveau silence. Puis, la voix revint, très calme toujours.
— Il ne me semble pas, monsieur Callaghan, qu’il faille parler de cela au téléphone. Je vous répète que, s’il y a quelque raison de croire que Lionel a disparu, je tiens absolument à ce que tout le nécessaire soit fait pour le retrouver. Mais je ne vois pas en quoi la chose regarde miss Varette. D’ailleurs, qui est miss Varette ?
— J’ai cru comprendre que miss Varette est – ou était – la fiancée de votre fils. Vous ne le saviez pas ?
— Non. J’ignorais même son existence. Il est vrai que mon fils a beaucoup d’amis qu’il ne m’a jamais présentés.
Callaghan laissa passer quelques secondes.
— Il ne me reste, madame, dit-il ensuite, qu’à vous prier de m’excuser de vous avoir dérangée...
Elle lui coupa la parole.
— Un instant, monsieur Callaghan. J’imagine que, si vous entreprenez des recherches pour le compte de miss Varette, rien ne s’oppose à ce que vous nous représentiez également ?
Callaghan se tourna vers Nikolls, debout dans l’embrasure de la porte, lui fit un clin d’œil et répondit :
— Rien ne s’y oppose, en effet.
— Fort bien !... Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous venir me voir ?... Je ne vais que rarement à Londres et j’aimerais vous parler.
— Je pourrais vous rendre visite demain.
— Peut-être, auparavant, pourriez-vous passer chez ma fille, qui habite Londres. Il se peut fort bien qu’elle ait eu des nouvelles de son frère, qui est malheureusement un garçon bien extraordinaire. Vous la verrez et vous me ferez part demain de ses impressions.
Callaghan trouva l’idée excellente, nota l’adresse de miss Léonore Wilbery, 15, Claremont House, Welbeck Street, murmura quelques hâtives formules de politesse et remit l’appareil en place.
— Joli travail, dit Nikolls. Une enquête, deux clients !
Callaghan ne répondit pas. Il se demandait si Léonore Wilbery serait aussi jolie que la voix de sa mère permettait de l’espérer.
III
Callaghan et Nikolls étaient au Royal, dans Dover Street, au bar du premier étage. Perchés sur de hauts tabourets, ils buvaient du whisky dans des verres de dimensions respectables.
— Toute cette histoire, dit Nikolls, ne me paraît pas catholique. Cette poupée, la Varette, en somme, tu ne sais rien d’elle... et elle ne m’a pas l’air d’être très régulière.
— Comment ça ?
— Dame !... Est-ce qu’elle t’a envoyé les deux cents livres que tu devais recevoir aujourd’hui ?
— Tu as raison, Windy.
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