Je n’ai jamais eu un détective à une de mes soirées !... Convenez que c’est très intéressant !

Il répondit qu’il était mal placé pour en juger mais qu’il avait un jour été invité à une soirée où il y avait deux otaries savantes.

Elle éclata de rire.

— Vous vous moquez de moi, monsieur Callaghan !... Et, d’abord, comment trouvez-vous ma robe ?... Tout le monde me dit qu’elle est terrible ! -

Il protesta qu’elle était très bien, précisant :

— Je n’en ai jamais vu de comme ça !

— Vous me faites plaisir. Venez !

Callaghan la suivit. Il pensait entrer dans un salon surpeuplé, mais il se trouva dans une sorte de petite antichambre, séparée par une porte, dont les volets multiples avaient été repliés, d’une grande pièce où l’on apercevait des invités nombreux, qui devisaient, le verre en main.

— Je suis Mme Martindale, dit la dame en rouge, et je ne me sens pas très bien. Voulez-vous aller me chercher une fine à l’eau ? Le bar est là-bas.

Elle désignait d’un geste vague un point imprécis, quelque part de l’autre côté de la porte.

Callaghan partit dans la direction indiquée et, passant dans les salons, alla vers le coin où le bar était dressé. Évoluant derrière une longue table supportant un impressionnant assortiment de bouteilles, deux personnages en veste blanche servaient à boire. Callaghan pensa que la soirée devait coûter cher à quelqu’un.

Il demanda une fine à l’eau, dans un grand verre, et, se frayant, non sans difficulté, un passage à travers la cohue, regagna l’antichambre. Mme Martindale s’était endormie sur le divan. Sa bouche était grande ouverte et Callaghan remarqua qu’elle avait de fausses dents. Il but le verre qu’il apportait et retourna vers le salon. Il s’arrêta près de la porte et regarda.

Il y avait là, formant une société assez mêlée, une trentaine de personnes. Quelques hommes étaient en kaki. Les autres n’avaient rien de remarquable. Les femmes paraissaient avoir plus de classe. Minces, bien habillées, elles étaient plutôt agréables à voir.

Comme un quadragénaire chauve et replet passait à côté de lui, Callaghan l’arrêta pour lui demander s’il pouvait lui montrer miss Wilbery. L’homme la lui désigna du doigt. Elle était à l’autre bout du salon, nonchalamment allongée sur un canapé ancien. Callaghan l’examina de loin.

Il lui donna vingt-sept ans et la trouva charmante. Une brune, à la silhouette élégante et aux chevilles admirables. Il se dit qu’elle n’était pas seulement jolie, d’une beauté très particulière, frappante même, mais qu’il se pourrait qu’elle fût aussi intelligente. Il aurait été plus affirmatif si les yeux de la jeune femme, qui à ce moment-là regardait dans sa direction, ne lui avaient parus fixes et vitreux. Son bras droit, d’un galbe délicat, reposait avec grâce sur le dossier du canapé, mais le verre qu’elle tenait à la main s’écartait dangereusement de la verticale et laissait couler un mince filet de liquide qui posait une tache noirâtre sur le beige du tapis.

Callaghan traversa le salon et alla la saluer.

— Miss Wilbery, je m’appelle Callaghan. J’ai besoin de vous parler... et le motif est si urgent que j’ai cru pouvoir vous retrouver ici. J’espère que je ne vous dérange pas ?

Elle ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Il eut l’impression qu’elle essayait de parler et qu’elle ne pouvait pas. La seconde tentative fut plus heureuse.

— Monsieur Callaghan, je suis terriblement contente de vous connaître. Il n’y a qu’une chose...

Elle hésita.