Alors quoi de neuf ?

— L’inspecteur-chef Gringall a téléphoné, il y a cinq minutes, pour demander si vous ne pourriez pas aller le rejoindre dans une boîte de Bruton Street, qui s’appelle « Chez Ferdie ». Il n’a pas dit pourquoi. J’imagine que vous n’irez pas...

— Et vous avez raison, Effie. Je n’irai pas. Rien d’autre ?

— M. Gringall a ajouté qu’il y a dans ce cabaret une femme – une chanteuse, — qui est une créature magnifique, « tout à fait votre genre ».

Elle ajouta, d’un ton acide :

— Il croyait sans doute que ça vous déciderait !

Il eut un sourire ironique.

— Sans blague ?

— Alors, s’il retéléphone, Nikolls lui répond que vous n’irez pas ?

Il la regarda.

— Je ne sais pas. Je verrai ça... Bonne nuit, Effie !

— Bonne nuit !

Elle se dirigea vers la porte. Il la rappela :

— Effie !

Elle se retourna.

— Effie, vous avez des chevilles ravissantes.

Elle haussa les épaules.

— Ça m’avance bien ! Nikolls m’a affirmé tout à l’heure que j’étais gentiment roulée. Je dois être dans un de mes bons jours !

— Je suis heureux de vous voir contente, Effie. Bonne nuit !

 

IV

 

Callaghan quitta son fauteuil et commença à se déshabiller. A mesure qu’il les retirait, il jetait ses vêtements sur le parquet. Quand il se trouva en caleçon, il passa dans la salle de bains, emplit le lavabo, plongea sa tête dans l’eau froide et l’y maintint jusqu’à ce qu’elle commençât à lui faire mal.

Il s’essuya le visage et s’inonda le crâne d’eau de Cologne. Puis, le flacon à la main, tout en se frictionnant vigoureusement le cuir chevelu, il revint dans le studio. Il s’assit, décrocha le téléphone intérieur, porta le récepteur à son oreille et attendit. Au bout d’un instant, il entendit la voix de Nikolls.

— C’est toi, Windy ? Monte, veux-tu ?

Il posa le flacon d’eau de Cologne par terre, passa dans la chambre à coucher, choisit une chemise, un col, une cravate et un veston, et commença à s’habiller.

Nikolls entra, cigare au bec.

— Bonne fête ! Tu finis ou tu recommences ?

Callaghan, sans répondre, enfila son pantalon et rejoignit Nikolls dans le studio. Il alla au buffet et se versa quatre bons doigts de whisky, qu’il engloutit d’un trait.

— Qu’est-ce que Gringall me voulait ?

Nikolls écarta les mains dans un geste d’ignorance.

— Je crois qu’il s’agissait d’aller le retrouver dans une boîte de Bru ton Street, « Chez Ferdie ».

— Très bien. Passe au bureau demain matin vers onze heures, veux-tu ?

— D’accord.

Il sortit là-dessus et, peu après, Callaghan entendit se fermer la grille métallique de la cage d’ascenseur.

Callaghan finit de s’habiller, endossa un pardessus léger, mit un chapeau mou et descendit à son bureau pour chercher dans l’annuaire des téléphones l’adresse de Ferdie.

Trois minutes plus tard, il traversait Berkeley Square pour gagner Bruton Street. La lune était sortie des nuages et la pluie avait cessé. On entendait quelque part, très haut, le bourdonnement d’un bombardier allemand.

A l’angle de Berkeley Square et de Bruton Street, il s’arrêta pour allumer une cigarette. Il pensa à Audrey Vendayne, ce qui l’amena à évoquer d’autres visages de femmes : celui de Thorla Riverton et bien d’autres...

Il entra dans Bruton Street, trouva la maison, descendit les marches et frappa à la porte. Ferdie vint ouvrir.

— Je m’appelle Callaghan. M. Gringall m’a appelé de chez vous, tout à l’heure. Est-il encore là ?

— Non, monsieur Callaghan. Il est parti.

— Je ne suis pas membre du club, mais j’aimerais prendre un verre...

Ferdie s’empressait.

— Mais, comment donc, monsieur Callaghan !... Les amis de l’inspecteur-chef...

Le petit homme montrait le chemin.

Callaghan laissa son pardessus et son chapeau au vestiaire et gagna la salle. Il y avait toujours beaucoup de monde. Des gens qui dansaient, mangeaient et buvaient.

— Monsieur Callaghan, dit Ferdie, commandez ce que vous voulez. Ce soir, vous êtes l’invité de la maison.