Mobile et vivante.

— Et maintenant, demanda-t-elle doucement, qu’est-ce qu’on fait ?

— Ce que vous voudrez. J’ai un appartement dans Berkeley Square. Il y a un bon feu, deux bouteilles de Champagne, une douzaine de flacons de whisky, canadien ou bourbon au choix, du cognac et du gin. Si ça peut vous intéresser...

— Au fait, vous êtes détective, n’est-ce pas ? Détective privé ?

De la tête, il approuva.

— Comment le savez-vous ?

— C’est Ferdinand qui me l’a révélé. Il paraît que vous êtes presque célèbre...

— Si je suis connu de Ferdinand...

Il souffla quelques ronds de fumée et ajouta :

— Indépendamment de ça, c’est mon anniversaire aujourd’hui.

— Alors, c’est tout différent. Ce Champagne, ce whisky, ce gin, ce cognac, tous ces liquides, quand les voit-on ?

Sans répondre, il ouvrit la porte. Passant devant lui, elle commença une phrase, mais s’interrompit dès les premiers mots.

Callaghan lui mit la main sur l’épaule. Il nota l’éclair de surprise qui passa dans ses yeux, l’espace d’une seconde. Mais son regard s’adoucit tout de suite et gentiment elle lui tendit les lèvres.

Il l’embrassa.

 

V

 

Callaghan ouvrit la porte de son appartement, alluma l’électricité dans le vestibule et dans le studio, avant d’inviter Doria à entrer.

Elle passa devant lui. Il la suivit de l’œil. Son regard la détaillait, critique et connaisseur à la fois. Rien à reprendre. Les vêtements, les bas, les chaussures, tout avait coûté très cher, tout était parfait.

Il accrocha son chapeau et son pardessus au portemanteau et rejoignit la jeune femme dans le studio. Elle s’était arrêtée devant la cheminée.

Il alla directement au buffet.

— Si vous voulez vous repoudrer le bout du nez, tout en décoiffant une bouteille de Champagne, vous n’avez qu’à traverser la chambre à coucher. La salle de bains est au fond.

Elle accepta et prit un minuscule nécessaire de cuir dans son sac, qu’elle posa sur un guéridon, au coin de la cheminée, et s’en alla vers la chambre à coucher.

Elle avait à peine disparu que Callaghan, se déplaçant sans bruit, traversait la pièce à grandes enjambées. Il ouvrit le sac et examina l’intérieur. C’était un sac en crocodile, assez grand, et qui contenait des tas de choses : d’abord, le matériel ordinaire – un petit flacon de parfum, un mouchoir de dentelle, un revolver automatique de 28, marque espagnole – un « Guernica » – et trois petites ampoules de verre, portant des étiquettes couvertes de caractères japonais et contenant, les deux premières, de la morphine, la troisième de la cocaïne.

Callaghan ferma le sac, le remit en place et retourna près du buffet. Il versa du Champagne dans les coupes et poussa deux fauteuils au coin du feu.

Quand Doria revint, il était debout, le dos à la cheminée. Il lui désigna du geste un fauteuil, lui présenta un verre, leva le sien en son honneur et le vida d’un trait. Puis, il s’en fut chercher la bouteille et l’emplit de nouveau.

— Vous êtes sans doute, dit-elle, un détective qui se fait payer très cher...

— Très, très cher...

Il but son second verre et ajouta :

— Dommage, hein ?

Il la regarda boire et remplit sa coupe quand elle l’eut vidée.

Elle le dévisagea longuement. Il remarqua que ses yeux semblaient embués.

— Je parle très sérieusement, fit-elle, et c’est pourquoi je suis ici...

Il eut une grimace.

— Je me doutais bien qu’il y avait un os quelque part !... Enfin !... Parlez-moi de votre petit ami... Il s’est engagé ?

Elle secoua la tête.

— Il ne pourrait pas. Les majors ne voudraient pas de lui.

— Allons-y ! Racontez-moi tout !... Ça m’intéresse beaucoup.

— Je ne sais pas si vous me prenez très au sérieux, mais je vais tout de même tout vous expliquer. Ensuite, vous me direz combien vous voulez pour m’aider...

Elle but une gorgée de Champagne et commença :

— Il s’appelle Lionel Wilbery et il est poète. C’est un de ces jeunes gens bien habillés et très comme il faut qui paient leurs cravates une guinée et qui ne savent jamais très bien d’où leur vient leur argent. Je croirais d’ailleurs assez volontiers que Lionel a pas mal de dettes...

— D’après ce que vous me dites, ça ne m’étonnerait pas. Est-ce qu’il boit ?

— Non. Autrefois, j’aurais répondu oui, mais, maintenant, c’est fini.