Il a cessé de boire quand il s’est mis à se droguer.

— Classique.

Elle poursuivit :

— Il faisait des vers. C’était sa passion et, autant que je sois qualifiée pour juger, il n’était pas trop mauvais poète. Ce qui l’inspirait surtout, c’était la mer. Il adorait la mer...

Callaghan fronça le sourcil.

— Peut-être qu’il s’est jeté à l’eau ?...

— Certainement pas !... Il n’était pas homme à faire ça !... Je suis sûre qu’il est quelque part. Le tout est de découvrir où !

Ses beaux yeux bleus cherchèrent ceux de Callaghan.

— Vous comprenez, j’aime Lionel. Il faut que je le retrouve !

— Mais pourquoi ne parlez-vous pas de ça à la police ?... Les personnes disparues, c’est une spécialité où elle ne se défend pas mal !... Si j’avais quelqu’un à retrouver, c’est à la police que je m’adresserais. Et puis, c’est gratuit !

— Ça ne servirait à rien, et je vais vous dire pourquoi. Lionel s’est mis à fréquenter de drôles de gens... Des gens pas très recommandables.

Je venais d’obtenir de lui qu’il renonce à boire quand il les a rencontrés. C’est un faible... Il les a suivis et ils l’ont initié aux stupéfiants...

— Ces gens, vous ne les connaissez pas ?

— Non. Je ne sais d’eux que ce que m’a dit Lionel. Il m’en a parlé tout de suite après avoir fait leur connaissance. Il les trouvait amusants et très forts. Et puis, je crois qu’il y avait dans la bande une femme très séduisante...

Callaghan remplit le verre de Doria. Elle le vida sans même s’en apercevoir.

— Je ne saurais dire pourquoi, mais je crois que c’est eux qui retiennent Lionel. J’imagine qu’ils ont un plan, une idée de derrière la tête... Pensez-vous que vous pouvez tenter quelque chose ?

— Je peux toujours essayer.

Il alla jusqu’à un secrétaire qui se trouvait dans un angle de la pièce et revint avec une feuille de papier et un stylo.

— Donnez-moi son nom et son adresse, la dernière que vous lui ayez connue. D’ici un jour ou deux, je vous ferai signe et je vous dirai ce que je pense de l’affaire.

Se servant du large bras du fauteuil comme d’un pupitre, elle écrivit les renseignements demandés et remit ensuite papier et stylo à Callaghan, qui les posa sur le manteau de la cheminée.

— Je vous enverrai demain un chèque de cent livres, déclara-t-elle, se levant. Ça suffira ?

— Pour le départ, c’est honnête.

Il la dévisagea en souriant.

— Je rentre. Vous n’oublierez pas de m’apprendre ce qu’il en est, n’est-ce pas ?

Il promit, finit son whisky et l’accompagna dans le vestibule. Elle parut surprise de lui voir prendre son chapeau et son pardessus.

— Je vous reconduis. Où habitez-vous ?

— J’ai une gentille petite maison dans Wilton Place, à Knightsbridge. Ce n’est pas trop loin ?

Ils trouvèrent dans Berkeley Square un taxi attardé, qui les emporta. La lune s’était cachée et la ville était plongée dans le noir absolu du black-out. Callaghan avait légèrement mal à la tête. Il se demandait s’il n’avait pas un peu forcé sur les liquides au cours de la journée.

Doria, tassée dans un coin de la voiture, ne disait rien.