Il la guettait du coin de l’œil et remarquait qu’elle était devenue très réservée, ce qui, malgré le bref épisode qui s’était déroulé dans la loge, ne laissait pas que d’être assez significatif.

Il paya le chauffeur au coin de Knightsbridge et de Wilton Street. Ils firent quelques pas dans la rue, puis tournèrent dans une impasse, au fond de laquelle il y avait une petite villa. La porte extérieure n’était pas fermée à clef. Doria la poussa et monta les quelques marches d’un escalier qui, partant sur le côté, conduisait à une autre porte, celle de son appartement. Resté sur le seuil, Callaghan l’éclaira avec sa lampe de poche jusqu’à ce qu’elle eût introduit sa clef dans la serrure. Ils échangèrent de loin un dernier au revoir, Doria remercia Callaghan encore une fois et rentra chez elle.

Callaghan regagna Wilton Street et il commençait à marcher en direction de Knightsbridge quand une auto, qui stationnait un peu plus loin dans la rue, traversa la chaussée et se mit à avancer doucement le long du trottoir. Callaghan entendit un bruit de freins. Il s’immobilisa, s’aplatit contre le mur et attendit. La voiture s’arrêtait et quelqu’un en descendait, qui entrait dans l’impasse.

Callaghan revint vivement sur ses pas. Au fond de l’allée, la lumière d’une lampe électrique se promena un instant sur la porte extérieure, puis disparut.

Après avoir patienté quelques secondes, Callaghan s’avança sans bruit jusqu’à la maison, poussa la porte et passa la tête dans l’entrebâillement. Il aperçut, en haut des marches, dans l’encadrement de la porte de l’appartement, la silhouette de Doria. Un homme était devant elle, éclairé par la lumière du vestibule.

Il n’avait pas de pardessus. Son veston était admirablement coupé. On aurait dit que celui qui le portait avait été coulé dedans. Les épaules étaient carrées et le torse descendait harmonieusement sur une taille d’une finesse remarquable. Le pantalon, un peu large, tombait avec élégance sur des souliers dont le vernis étincelait. L’homme se tourna à demi. Sur la chemise de soie, la cravate était piquée d’un rubis en forme de cœur dans un cercle de diamants.

L’homme parlait bas et Callaghan ne pouvait rien saisir de son discours. Doria le regardait, mais ses traits ne laissaient rien deviner de ses sentiments. Elle ne bougeait pas. Soudain, au milieu d’une phrase, elle claqua la porte au nez du visiteur.

L’homme ricana doucement.

Callaghan, quittant son poste d’observation, alla s’adosser au mur, au coin de la rue. Une minute plus tard, l’homme sortait de la maison. Sa lampe électrique posait sur le sol un petit rond jaune clair qui se déplaçait devant lui.

— Un instant ! ordonna Callaghan, quand il arriva à sa hauteur.

L’homme s’arrêta. Callaghan lui projeta le faisceau lumineux de sa lampe électrique sur la figure. Il vit un visage mince et allongé, avec une bouche aux lèvres si étroites qu’elle apparaissait comme une simple fente horizontale. Le teint était olivâtre.

— Quand nous sommes arrivés, j’ai aperçu votre voiture, garée un peu plus loin dans la rue. Vous attendiez miss Varette ?

— Oui.

L’accent était très prononcé. Callaghan se dit que l’homme devait être un Cubain.

— Si vous vouliez lui parler, pourquoi n’avez-vous pas profité de l’occasion à ce moment-là ? Est-ce que vous vous imaginiez que vous nous auriez dérangés ?

L’homme eut pour Callaghan un sourire de pitié.

— Señor, veuillez croire que vous n’avez rien à gagner, absolument rien, à vous occuper de la señora Varette. C’est une femme qui ne sait pas ce que c’est que la vérité et qui fait faire des bêtises aux gens. Je crois bien, señor, qu’aujourd’hui, c’est votre tour...

— Possible.