Tu vas t’occuper d’un certain jeune homme, nommé Lionel Wilbery, qui avait un appartement meublé à Roedean House, près de Shepherd Market. Récolte tout ce que tu peux sur lui !
— D’accord. Rien d’autre ?
— Si. Il me faut aussi des renseignements sur sa famille. Lui, c’est un poète ou quelque chose d’approchant. Il a des dettes qu’il laisse vieillir. Autrefois, il buvait. Maintenant, il se drogue...
— Un personnage intéressant !
— Tâche de m’avoir quelque chose pour cet après-midi.
— Entendu, Slim.
— Ne raccroche pas !... J’ai tout de même un tuyau qui peut peut-être te servir. Essaie de savoir si on n’a pas vu rôder autour de Roedean House un type qui pourrait être un Cubain, un Brésilien ou un Chilien. Il doit avoir autour d’un mètre soixante-quinze. Il a le teint olivâtre, le visage maigre et de tout petits pieds. Avec ça, il est un peu trop bien habillé. Tâche d’apprendre s’il y a un rapport quelconque entre ce type-là et Wilbery.
Il posa le récepteur et alla à la fenêtre, écarta le rideau noir de la défense passive et regarda au-dehors. Par cette froide journée de février, triste et grise, Berkeley Square était presque désert. Il bâilla et, traversant la chambre à coucher, gagna la salle de bains. Après s’être brossé les dents, il revint dans le studio pour se verser quatre doigts de whisky, qu’il avala d’un trait. Il se secoua, alluma une cigarette, puis s’occupa de sa toilette.
A midi, il descendit. Dans la première pièce, Effie tapait à la machine. Elle tourna à peine la tête à son passage. Il lui demanda de commander un peu de thé et entra dans son bureau pour examiner son courrier.
Le thé arriva bientôt. Il en but une tasse et appela Effie.
— Effie, voulez-vous téléphoner à Gringall, à Scotland Yard, pour lui annoncer que j’aimerais le voir ? Demandez-lui s’il peut me recevoir à deux heures et demie.
Cinq minutes plus tard, elle revenait dans le bureau.
— M. Gringall sera très heureux de vous voir cet après-midi.
Il ralluma une cigarette, s’allongea dans un fauteuil et resta là, les yeux au plafond, fumant et réfléchissant. A deux heures et quart, il se leva et quitta Berkeley Square. Il prit un taxi et se fit conduire à Scotland Yard. Quelques minutes après son arrivée, on l’introduisait dans le bureau de l’inspecteur-chef.
Gringall le salua d’un bonjour cordial.
— Il y a une éternité qu’on ne s’est vu !
— C’est vrai. Et c’est d’autant plus gentil à vous de vous être souvenu que c’était hier mon anniversaire !
Tout en allumant sa pipe, Gringall protesta :
— Il n’y a pas de mérite. Je l’avais inscrit sur mon agenda.
Callaghan sourit, sceptique.
— Et nous sommes beaucoup dont les anniversaires sont ainsi portés dans votre agenda ?
— Non. Mais le vôtre, je tiens à ne pas l’oublier. Bien que vous soyez rudement embêtant la plupart du temps, je suis bien obligé d’admettre que vous m’avez rendu service une fois ou deux !
Il y eut un silence.
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