Le capitaine m’envoie le rechercher. Dans la grange, je furète et j’appelle, j’appelle derrière la maison. Rien – je rends compte au colonel et je prends avec Gautier la route de Fresnes.
Nous trouvons une voiture qui nous amène à Fresnes. Nous cantonnons dans la même grange qu’il y a 3 jours mais, depuis, le bombardement a redoublé – notre toit crevassé – des obus non éclatés sont dans la paille et les maisons plus loin sont fort abîmées. Bien reposé tout de même – au petit jour, nous conduisons la section dans la cave voûtée qu’occupe déjà la 3e. Reçu encore deux lettres le soir.
Jeudi 5 novembre
On est tassé comme harengs en caque dans la cave dont j’occupe l’entrée avec Oudin, Dastis, Guillonneau et Braconnot. J’ai trouvé une chaise et un Molière. Je fais ma correspondance et relis mes classiques. Pour charmer les heures, les hommes chantent et plaisantent. Hier à la revue de vivres de réserve, un poilu venant du dépôt a avoué ingénument s’être gouré et mangé sa boîte de singe pour sa boîte de sardines. Un autre de la 3e section, Desrozeaux [illisible] dans un terrier – seul a mangé les sardines de l’escouade : égoïsme et lâcheté.
Nous n’avons pas été bombardés, c’est miracle, mais Riaville, nous l’apprenons en arrivant, a reçu encore une quarantaine d’obus. En entrant dans les tranchées, rafale de balles au-dessus de nous. À certains endroits, on enfonce jusqu’à mi-jambes.
On s’installe, il ne fait pas froid, vive fusillade vers 10 h. Auparavant, causerie avec Legouis au sujet des nominations de ss-lieutenants et d’adjudants.
Vendredi 6 novembre
Jours brumeux. J’ai un bon terrier où je repose tranquille quelques heures sans avoir à souffrir du froid. Les hommes mangent, dorment comme d’habitude – les lettres sont arrivées hier soir à Riaville et Weiss nous les apporte – nouveaux malades à la Cie. Chaudoye pourtant très dur les reconnaît. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce n’était pas Chaudoye qui était à la gare de Verdun et rudoyait les blessés. Les hommes décédés de typho à l’hôpital ont été enregistrés comme morts d’embarras gastrique fébrile… Vers 4 h, fusillade et bombardement – les feuillées puent, les hommes pissent à l’entrée et j’en pince un à qui je fais tout nettoyer. La relève se fait attendre car la 1re Cie doit enlever une tranchée ennemie. Vers 8 h, l’opération a lieu sans grande fusillade et nous regagnons Riaville. Mais ma demi-section s’arrête à l’entrée, car nous sommes de garde aux issues. Nous passons la nuit dans une bergerie sans incidents.
Samedi 7 novembre
Je fais nettoyer la rue, qui est vraiment dégoûtante, et curer des fossés d’écoulement de l’eau. Mais vers 9 h le bombardement commence et nous sommes arrosés copieusement de shrapnels et de marmites dans notre coin. Le toit de la bergerie est crevé et la maison d’en face percée de plusieurs trous. À la soupe, les hommes se plaignent que la 9e escouade qui a pu arracher des pommes de terre n’ait pas partagé et a tout bouffé à elle seule, alors qu’à Manheulles, eux ont tout donné pour la section.
Des soldats du génie, qui ont tué un cochon et tiennent sans doute absolument à le bouffer, sortent à chaque instant malgré les obus, pour aller à la fontaine chercher de l’eau. Le soir, mes deux sentinelles au pont tirent sur quelqu’un qui se sauve. Le soir également, au départ, le capitaine m’attrape parce que la rue n’est pas dégagée. Qu’est-ce qu’il lui faut, grands dieux !
Dimanche 8 novembre
La nuit dans la tranchée a été douce, le jour plus froid – les Boches tirent continuellement – sur quoi ? – problème ! Rentrée à Manheulles. En passant à Riaville nous apprenons que le bombardement a fait 4 blessés et 2 morts.
Lundi 9 [novembre]
De Barge est nommé adjudant à la Cie et Poincenet passe ss-lieutt.
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