À la 1re demande je serai proposé pour ss-lieutt. Lettres et colis – fatigue, mal à la tête. Interrogatoire et déposition Malatré qui passera au Conseil de Guerre pour abandon de poste. Mal mangé – nuit atroce, indigestion, vomissements, diarrhées. Dans la nuit, un des poilus couché au-dessus, pisse sur place – flemme de descendre. Réveil en sursaut de Renaud et de Chirat qui veulent « poisser le mec ».

Leur pain a été compissé en même temps que leur personne, donc fureur. Après recherches, le nommé Maillot est convaincu du crime et Oudin l’envoie dans la nuit et sac au dos prendre la faction à la porte. Renaud lui confisque son pain et son foin pour remplacer celui qui a été avarié. Vers 4 h comme le pisseur est transi, on l’autorise à rentrer. Les autres camarades ont tous été eux aussi indisposés comme empoisonnés – renvois et vents soufrés.

Mardi 10 [novembre]

Je me colle à la diète, ça re-va, le soir je suis tout à fait remis pour reprendre la place dans les tranchées – dans l’après-midi avec les revues obligatoires et assommantes, exercices. Comme si on n’était pas déjà assez fatigué. De Barge revient de Verdun, il n’y a blague que pour lui. Dieu sait si sa conversation est relevée et amusante. Hier et aujourd’hui reçu quantité de colis de Delphine, de Rocher [23] et Persky et moult lettres aussi.

Mercredi 11 [novembre]

Retour à Riaville et dans le boyau qui conduit a la paral[lèle] 2. Éternelles rouspétances des hommes au sujet des distributions de sardines, pâté et fromage, qu’ils voudraient toujours, en goinfres, consommer immédiatement. Nuit assez fraîche. Aménagement du boyau. Au jour, nous tirons et les Boches qui ripostent font jaillir de la terre jusque sur les pages de mon carnet [24]. Un homme de la 4e, un caporal, est tué d’une balle au ventre. Le soir, le vent se lève – violent combat de nuit, fusillade, projecteurs, fusées, pluie – à 10 h, retour par le boyau. Machu qui est en tête s’égare, et nous tombons dans un trou. Une grosse heure d’attente sous la pluie et le vent à la sortie de Riaville – marche sur Fresnes, route détrempée, arbres tombés – il pleut dans le cantonnement. Rincés, on dort tout de même de 1 h à 7 h du matin.

Jeudi 12 [novembre]

Au jour, dans la cave. Je peux me sécher à la cuisine. Les obus allemands arrivent, mais les deux tiers n’éclatent pas. Deux cuisiniers boches prisonniers passent, ils se sont trompés de tranchée en portant le jus. Départ de bonne heure. Marchéville flambe – on redoute une attaque des Boches qui ont reçu des renforts – marche et contre-marche dans la nuit. Retour à Riaville – nuit dans une sorte de chambre à four / écurie – au petit jour de garde aux issues. Toute la nuit, la canonnade a été intense.