Dans la tranchée ça [illisible] le 75 tape dans les lignes allemandes à 5 ou 600 m de nous. Départ à 7 h. Arrivée à 8 h à Fresnes – fatigué – les 4 sections dans 2 granges mitoyennes – jus le soir.
Samedi 31 [octobre]
Repos ou semi-repos – bombardement à craindre. Déjeuné café et cacao offert par Guillonneau – attente vaine du vaguemestre – écrit à Descaves [21], à Delphine – déjeuner à 10 h, beurre de Gautier, sardines et haricots – au moment où nous finissons, un obus éclate dans la cuisine de la maison d’à côté, défonçant le toit de la hutte à cochons mitoyenne et nous couvrant de gravats et de poussière – on rassemble les hommes – nouveaux obus à côté et en avant : 2 blessés, les cuisiniers de la 1re section, surpris en train de manger. Malgré les obus beaucoup de soldats circulent dans la rue, on arrive à se f… de tout. Les deux blessés sont La Bruyère et Biscarin. Les rues de Fresnes sous le soleil avec la statue du général Margueritte [22]. Départ à 5 h ½ pour Riaville. Le boyau part maintenant du village, il [illisible] par endroits.
Fractionnement – je suis seul avec ma demi-section pour soutenir les mitrailleuses. Nuit calme, fusillade devant Fresnes – cet abruti de Flament s’égare au petit jour pour aller retrouver le lieutt à 200 m de nous et se fait tirer dessus ; on le rate et il me revient du côté opposé à celui par lequel il était parti avec une gueule ahurie. Je lui passe la semaine et je le renvoie en lui indiquant la direction.
Dimanche 1er novembre
Matin frais, soleil splendide – bombardement réciproque – les hommes roupillent, je veille.
1 h ¼ – Un chien chasse entre nous et les Boches. Je viens de voir un de ces salauds face rougeâtre montrant sa trombine au-dessus de la tranchée – les obus recommencent à pleuvoir. Vers 4 h un biplan allemand survolant la tranchée de Calonne et les forts de Rozelier ou d’Haudainville reçoit des obus français, semble s’en moquer, puis touché, dégringole enfin après avoir vainement essayé de repartir et de planer. Je l’aperçois à la jumelle tombant au-dessus du bois. Relève vers 9 h et retour à Riaville où nous couchons dans une grange à côté de l’église brûlée et démolie. La grange elle-même a eu le toit crevé par des obus. On retrouve des culots de 77 ou 78 allemands. Bien reposé après avoir mangé une succulente platée de frites, pommes de terre rapportées du coin que nous occupions et que nous avons déterrées Gautier et moi – algarade avec Herbinet, caporal, à propos de la distribution de vin.
Lundi 2 novembre
Jus au réveil offert par la 3e et la 4e sections – on remonte les sacs dans la crainte du bombardement. Vers 9 h les premiers obus arrivent à quelques dix mètres de nous. Chacun gagne les caves vaguement aménagées que l’on doit occuper et l’heure de la soupe arrive – pas vu de vaguemestre depuis 3 jours. Les obus pleuvent comme d’habitude jusqu’au soir – départ et retour à Manheulles vers 10 h du soir sans pause – éreintement – le capitaine crie pour les sardines – revues et revues pour demain.
Mardi 3 novembre
Réveil à 7 h. Revues d’armes, emm… – corvée de lavage à 11 h – on lave Malatré et on le rechange. Un cheval agonise derrière le lavoir, levant de temps à autre une tête inquiète, affolée et se roulant puis retombant. Popote en commun : les 1re et 2e sections qui ont mangé les premiers ont été peu discrets, aussi sépare-t-on en deux les popotes. Le vaguemestre doit maintenant aller chercher les lettres à Haudiomont, mais voilà 4 jours que l’on n’a rien reçu, sauf quelques colis – je n’ai rien. C’est ça qu’on appelle organiser le service en vue de faire parvenir rapidement la correspondance aux Armées. Ridicule et odieux.
Mercredi 4 novembre
Enfin le courrier arrive, j’ai 16 ou 17 lettres. Journée de repos – algarade avec un civil fort en col[ère] au sujet des effets de Malatré que 4 hommes hier ont décrotté – les 3e et 4e sections restent ensemble (les ss-off), le reste fait bande à part. Nous partons ce soir à Fresnes.
Malatré n’est pas là au rassemblement de 5 h ¼. Qu’est-il devenu ? Son équipement, son sac et son fusil restent dans la grange.
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