1 officier mort, 2 ss-off et 6 h[ommes] à la 10e.

Vendredi 13 [novembre]

Nous apprenons que trois tranchées de Pintheville, prises par les Boches, ont été reprises par nous – le 75 a donné, les Allemands ont laissé une cinquantaine de morts. Le bombardement recommence vers 9 h. Nous entrons dans le petit boyau abri où nous sommes si serrés et si mal à l’aise. Le soir, départ pour la tranchée. Je suis de nouveau aux mitrailleuses. Pluie – les hommes ont peur de se perdre et n’osent aller communiquer avec le lieutt.

Samedi 14 [novembre]

Pluie dans la journée, pas d’incidents autres. Le soir, retour à Fresnes après avoir passé par Riaville. Dormi dans la grange où il faisait si froid.

Dimanche 15 [novembre]

Journée à Fresnes dans le château abandonné – déjeuner sur une table de fortune et café dans le salon aux fenêtres brisées, volets tirés, éclairés d’une bougie – clair-obscur impressionnant, musique au piano – bombardement.

Le soir, retour à Manheulles. Pluie – tout le monde a un sac sur le dos – lents fantômes ambulants. Nuit dans la même grange, réveillé deux fois. Une première par une prétendue et fausse alerte, une deuxième par la pluie froide qui me dégouttait dessus – temps affreux – la popote des ss-off ne marche qu’à demi.

Lundi 16 [novembre]

Repos. Oui, à peu près du repos. Lettres et colis, écris. Le soir, chansons et gaîté – nuit froide.

Mardi 17 [novembre]

Au matin, beau temps froid – beau soleil de nov[embre] dans un ciel épuré – chocolat – exercices – le g[énér]al passe – eng… Legouis à propos de la tente. Un aéro boche nous oblige à rentrer. La popote commence à fonctionner. Quelques revues l’après-midi – Malatré rentré – engueulade avec cet imbécile de Majoux caporal de la 3e – départ à 6 h pour Fresnes – temps clair – marche calme.

Mercredi 18 [novembre]

La nuit a été froide – dans la grange au toit éventré – gelée blanche – la veille au soir, petit repas intime entre les ss-off du 2e peloton, tous garçons charmants – Braconnot, Oudin, Guillonneau, Dastis et moi. Au matin, nouveau repas de pâté – nous nous installons dans la cuisine à côté de la cave et nous devisons en commentant les nouvelles – on annonce la reprise des Éparges et 1200 morts à Pintheville – rien d’officiel, ce doit être un canard – Charleux, sergent aux mitrailleuses, notre ancien camarade de peloton, vient nous inviter à l’aller voir. Il a découvert quelque part sous des décombres quelques bouteilles qui ne sont pas fatiguées et dont il veut nous faire fraternellement profiter.

Jeudi 19 [novembre]

Nuit dans la tranchée – nous battons la semelle pour nous réchauffer. Le boyau contient de l’eau, aussi va-t-on sans passer dedans. Heureusement les Boches nous f… la paix.

Vendredi 20 [novembre]

Nuit dans la petite cuisine où nous sommes enfumés – puis repos dans le salon du château – froid glacial. Brrr ! Le soir, départ pour la tranchée – les baquets pour chier.

Samedi 21 [novembre]

Aux mitrailleuses où abrité, je n’ai pas trop froid – obligé de veiller toute la nuit pour empêcher les poilus de dormir – visite du capitaine qui m’engueule comme d’habitude – mes sentinelles ont tiré sur un homme égaré de la 6e qui pour rejoindre la route était arrivé devant le petit poste et je n’ai pas pris son nom – retour à Manheulles. 2 jours de prison à Braconnot parce que les poilus n’ont pas chié.

Dimanche 22 [novembre]

À Manheulles, dans la chambre de la popote, de Barge rouspète parce qu’on y vient en dehors des heures de repas – dissensions intestines. Lettres de Delphine, Hennique, etc. Colis de papa Duboz [25] et de Delphine.

Lundi 23 [novembre]

Colis de Persky. J’échange mon pantalon et je reçois des souliers neufs que je mets avec les bandes molletières de P[ersky]. Le soir, en allant aux tranchées, douleur atroce, pieds talés impossible [de] marcher. Pour comble, j’arrive là-bas en transpiration et pas moyen de battre la semelle. Heureusement une boîte de singe servant de chaufferette me permet de boire un demi-quart de thé additionné d’alcool et j’échappe à la bronchite. Legouis m’autorise à rester sur place et toute la nuit je me terre.