Reçu colis : tricot, passe-montagne, chocolat [de] Persky [16], etc. Joie du déballage – 6 lettres dont 2 de Delphine. Le soir partie de cartes dans la tente de l’adjudant. Thé, rhum, coucher à 9 h ½, bonne nuit.
Vendredi 23 [octobre]
Notre plus belle journée depuis que nous sommes ici – soleil doré sur les feuilles – le paysage d’en face est ineffable vraiment, le ciel d’une sérénité douce – l’adorable, le bel automne ! Le camp sourit sous le soleil – il est sec enfin. Corvées personnelles de sac et de carnassière : je range tout et classe tout. Pas de lettres ! Ce vaguemestre en prend bien à son aise. Le lieutt Romain [17] prend des vues photog[raphiques] pendant que je perce des trous à la grande courroie de mon sac. J’écris à Delphine et envoie une carte chez Légeron.
Samedi 24 [octobre]
Encore une belle journée qui s’écoule. Reçu lettres de Delphine et de Persky. Le bruit court que nous repartirons bientôt. Distribution de flanelles et de chemises aux hommes. Déjeuner en plein air : chocolat exquis, mais demain plus de lait condensé, par contre nous avons 7 kg de confiture et 6 boîtes de fromage. Bonne nuit, étoilée.
Dimanche 25 [octobre]
Lever du soleil superbe – journée magnifique d’automne – je suis de garde – revue d’armes et de bouthéons noircis. Le capitaine m’annonce que nous partons demain et bien que je sois content de repartir, je n’en éprouve pas moins une certaine émotion à quitter ce camp où nous avons coulé une quinzaine si calme et si reposante. Mais repartirons-nous ? Est-ce bien sûr ? Pas de lettres. Il est certain que le vaguemestre n’est pas allé hier à Jardinfontaine et que le petit paquet qu’il m’a remis était un résidu de lettres venues d’un peu partout des autres Cies ou d’ailleurs. Pas de colis non plus. Quand il n’a pas de voiture pour les monter à Chevert, ce monsieur préfère s’abstenir et les laisser à Jardinfontaine.
Lundi 26 [octobre]
Bonne nuit au poste malgré les hommes de garde fainéants et rossards – pluie toute la nuit. Le matin d’automne avec son ciel brouillé et son soleil jaune.
L’ordre de partir à 2 h arrive – dernier repas en commun – pif [illisible] – confiture, plaisanteries macabres et joyeuses, chacun prend les adresses des camarades – reçu lettres de Puy [18] et de Delphine – on brûle la paille et des cartouches éclatent. On démolit tout – serrement de coeur au moment de se séparer, car sur les lignes nous nous reverrons à peine une minute tous les jours. Le soir arrivée à Manheulles – bavardé tout le long de la route avec le lieutt Legouis, élève de N[ormale] S[upérieure]. Manheulles – les sacs dans la boue – mains sales – fatigue, douleurs – enfin nous cantonnons tous ensemble dans une grange. Repas du soir, fromage et vin – la bougie dans un trou du mur. Causerie sur les formations à prendre sous le feu de l’artillerie. Les hommes dorment en bas – dans l’écurie, sous nous, les chevaux frappent du pied, s’agitent, font un terrible vacarme – sommeil sous les toiles d’araignées et les ouvertures du toit – bonne nuit malgré tout.
Mardi 27 [octobre]
La Cie se renforce. Le lieutt Legouis commandera la 4e section à laquelle est affecté un nouveau sergent. Nous prendrons encore nos repas d’aujourd’hui en commun. Assis par terre sur un peu de paille dans une maison délabrée, chambre sans meubles, nous mangeons à midi. La 4e section s’est [illisible] sur des jardins, nous offre, à Dastis et à moi, un petit plat de légumes délicieux.
Le soir, comme par suite d’une erreur, on n’a pas touché de distribution, ni pain ni vin, nous nous mettrions la ceinture sans les poilus de la 4e qui ont confectionné une immense soupe aux légumes exquise. Une salade sans huile, assaisonnée seulement de sel et de vinaigre (laitue et betteraves), que Philippe le cuisinier brasse à pleines mains, complète ce repas simplifié.
Le sergent M[illisible] n’est pas affecté à la section.
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