Vers 9 h la viande étant arrivée, le cuisinier nous fait un bifteck – nuit en commun calme et chaude.
Mercredi 28 [octobre]
Chocolat grâce à Weiss qui a trouvé du lait – organisation des sections – déjà 9 malades à la Cie – nous occupons la grange en face – des états et des états – paperasserie – bassinoire.
Revu Raveton qui passe avec le Commandant du 2e b[ataill]on.
Les 1re et 2e sections prennent la garde aux issues et comme soutien d’artillerie, nous, 4e section, restons au repos.
Jeudi 29 [octobre]
Nous partons ce soir. Le matin chocolat avec pain grillé – vu à l’infirmerie Raveton et Drain qui l’a échappé belle avec le percutant et qui ne reçoit qu’un caillou sur la tête – organisation définitive des sections – reçu divers colis dont l’imperméable de Delphine, du chocolat et un cache-nez de Persky et mes livres. Répondu.
L’après-midi à la cuisine, des petites filles viennent jouer. Avec une caisse que je retaille, je me bâtis une cantine. Le capitaine veut me proposer pour adjudant.
Nous recevons à 5 h ¼ des campements neufs qu’il faut noircir pour 5 h 25, départ. Devant l’impossibilité matérielle, on y renonce.
Départ dans la nuit – route sèche – lune voilée – halte au château d’Aulnay-Pintheville. Devant Riaville, fusillade direction Bonzée – étoiles éclairantes des Boches – prise des outils et en route pour les tranchées – le petit chemin, la boue – les boyaux étroits où l’on entre à la queue leu leu, enfin la tranchée. Nous avons les mitrailleuses à notre droite – en face un rideau d’arbres, route derrière, et devant lesquels sont les tranchées allemandes – aménagement du boyau, travail par équipe – nuit pas très froide – distribution de pain et d’eau de vie – repos de 1 h moins ¼ à 2 h moins ¼. Travail – alerte – fusillade dans la nuit : les balles sifflent, nous revenons près des camarades. J’observe en avant – rien – étoiles éclairantes allemandes. La ligne d’arbres que l’on fixe a l’air de bouger. Les mitrailleuses tirent. Peu à peu le calme revient. La nuit est sombre. La lune sanglante se couche. Ma demi-section se repose et celle de Dastis reprend le travail. Je veille assis sur mon sac – engourdissement, rêves. Le qui-vive d’une sentinelle à ma droite, section Poincenet, me réveille – pas de réponse. Coup de feu. Bruit sec des culasses qui s’ouvrent et se ferment pour la charge.
Feu ! Silence. Je ne réveille pas mes hommes. C’est une fausse alerte sans doute car les Allemands relancent des fusées éclairantes.
Vendredi 30 [octobre]
Le petit jour froid et gris, pas trop froid cependant. Arrivée des cuisiniers avec le jus. Le lieutt Ferry [19] arrive essoufflé, énervé, criant contre les poilus qui se profilent à notre droite. Il s’excuse de cet emportement passager et légitime d’ailleurs, en revenant un instant près du lieutt Legouis. Un homme de communication qui retourne en arrière près du capitaine veut passer et il le sermonne gentiment pour qu’il ne se fasse pas voir, lui arrange fraternellement son bonnet de police, puis, comme nous sommes horriblement serrés dans notre tranchée, emmène avec lui la 15e et la 16e escouades.
Je réoccupe avec ma demi-section le boyau dont on a commencé cette nuit l’aménagement. Il faut élargir et creuser des terriers. Gautier et Philippe m’arrangent un trou de renard « maousse [20] » comme dit le premier. Déjeuné d’un morceau de boeuf sur du pain, puis, fatigué, je m’étale sur la toile cirée et, roulé dans ma couverture, je dors comme je peux jusqu’à 2 h. Nouveau repas – Gautier qui est un excellent garçon, gars normand rouquin et spirituel, m’offre du beurre pour manger avec mon pain – il l’a reçu hier – excellent goûter – en revanche, je lui donne du chocolat.
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