Ceux-ci étaient étayés par d’autres tronçons, dont l’extrémité inférieure reposait dans des encoches taillées à peu près soixante centimètres sous les trous. Sur ces supports, des perches avaient été posées et liées avec du cuir vert. Les passerelles semblaient assez étroites lorsqu’on regardait au bas de la falaise abrupte, et il n’y avait pas de garde-fous. Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer à quel point il serait gênant d’avoir à se battre sur une de ces passerelles. Comme ces pensées me traversaient l’esprit, je me dirigeai vers l’entrée de la troisième caverne sur ma gauche. Tout était silencieux et l’intérieur était aussi sombre que le fond d’une poche.

— Hé ! Là-dedans ! lançai-je.

Au bout d’un moment, une voix féminine ensommeillée répondit :

— Qui est là ? Que veux-tu ?

— Bund veut que l’on envoie en bas sa nouvelle esclave, fis-je.

J’entendis quelqu’un bouger à l’intérieur de la caverne et presque aussitôt une femme aux cheveux ébouriffés rampa vers l’entrée. Je savais qu’il faisait trop sombre pour qu’elle reconnût les visages. Tout ce que je pouvais espérer, c’était qu’elle serait trop assoupie pour avoir des soupçons à cause de ma voix qui à mon avis ne ressemblait pas aux voix des hommes que j’avais entendus parler. En tout cas, j’espérais que cela n’arriverait pas. Néanmoins, je tentais de la déguiser de mon mieux, singeant les douces intonations de Lula.

— Qu’est-ce que Bund veut d’elle ? s’enquit-elle.

— Comment le saurais-je ? demandai-je.

— C’est très bizarre, fit-elle. Bund m’a clairement dit qu’en aucune circonstance je ne devais la laisser sortir de la caverne. Oh, voilà Bund qui arrive.

Je jetai un coup d’œil en bas. La bagarre était terminée et les femmes montaient vers leur caverne. Cette passerelle devant la caverne de Bund me semblait un fort mauvais endroit pour m’attarder et je savais que sur le moment il serait impossible de faire quoi que ce fût pour Duare. Et je fis donc ma sortie aussi élégamment et aussi rapidement que possible.

— J’imagine que Bund a changé d’avis, dis-je à la femme en me retournant vers l’échelle qui menait à la passerelle supérieure.

Heureusement pour moi, l’esclave était encore à demi endormie et sans aucun doute sa principale préoccupation pour le moment était de retourner à son somme. Elle marmonna quelque chose à propos de l’étrangeté de tout ceci mais, avant qu’elle pût approfondir le sujet avec moi, j’étais en route.

Il ne me fallut pas longtemps pour gravir l’échelle branlante jusqu’à la passerelle courant devant les cavernes des hommes et pour me rendre à la dernière à gauche de l’échelle. L’intérieur était obscur comme le fond d’une poche et, à en juger par l’odeur, avait besoin d’aération, et en avait besoin depuis plusieurs générations.

— Lula ! chuchotai-je.

J’entendis un grognement.

— Encore toi ? demanda une voix plaintive.

— Ton vieil ami, Carson en personne, répondis-je. Tu ne parais pas heureux de me voir.

— Je ne le suis pas. J’espérais que tu serais tué. Pourquoi n’as-tu pas été tué ? Tu n’es pas resté là-bas assez longtemps. Pourquoi es-tu venu, d’ailleurs ?

— Je voulais venir voir mon vieil ami Lula, dis-je.

— Et ensuite, tu partiras tout de suite ?

— Pas cette nuit. Peut-être demain. J’espère assurément que ce sera demain.

Il gémit à nouveau.

— Veille à ce qu’elles ne te voient pas sortir de cette caverne demain, supplia-t-il. Oh, pourquoi t’ai-je dit où était ma caverne !

— C’était fort stupide de ta part, Lula, mais ne te fais pas de soucis. Je ne te causerai pas d’ennuis si tu m’aides.

— T’aider ! T’aider à reprendre ta compagne à Bund ? Mais Bund me tuerait.

— Eh bien, ne nous tracassons pas pour ça avant demain. Nous avons tous deux besoin de sommeil. Mais attention, Lula, ne me trahis pas. Si tu le fais, je raconterai toute l’histoire à Bund. Encore une chose. Occupes-tu cette caverne seul ?

— Non.