Lula se mit à paniquer.

— Viens ! chuchota-t-il craintivement et il me prit par le bras.

Il me conduisit jusqu’au bout d’un étroit sentier qui passait devant les cavernes. Tremblant, il s’arrêta.

— Nous l’avons échappé belle, murmura-t-il. Même avec tes cheveux noirs, tu n’as guère l’air d’un Samary – tu es grand et fort comme une femme ; et cette chose attachée sur ta cuisse – elle te trahirait. Personne d’autre n’en a. Tu ferais mieux de la jeter.

Il faisait allusion à mon pistolet, la seule arme que j’avais emportée, à part un bon couteau de chasse. Ce conseil était aussi bizarre que Lula était naïf. Il avait raison de dire que le posséder risquait de dévoiler mon imposture mais, d’un autre côté, son absence pouvait causer mon décès prématuré. Cependant, je parvins à le placer de telle manière qu’il était bien dissimulé sous mon pagne.

Comme nous nous tenions sur le sentier, attendant que les deux femmes se fussent bien éloignées, je contemplais la scène à mes pieds, m’intéressant surtout au groupe de femmes entourant le grand feu. C’étaient de robustes spécimens, larges d’épaules, massives de poitrine, avec de vigoureux membres de gladiateurs. Leurs voix rauques montaient, rires, jurons, plaisanteries grossières. La lumière des flammes qui dansait sur leur corps presque nu et sur leur grossier visage masculin me les révélait distinctement. Elles n’étaient pas laides, avec leurs cheveux courts et leur peau bronzée mais, même si leurs silhouettes étaient à leur façon celles de femmes, il semblait ne pas y avoir la moindre trace de féminité chez elles. On ne pouvait tout simplement pas penser à elles comme à des femmes, et c’était tout. Alors que je les observais, deux d’entre elles se lancèrent dans une altercation. Elles commencèrent par se lancer des injures puis en vinrent aux poings, et elles ne se battaient pas comme des femmes. Il n’y eut pas là de cheveux tirés ou de coups d’ongles. Elles se battaient comme deux livreurs de glace.

Quelle différence dans l’autre groupe autour du petit feu. Avec une timidité de souris, ils observaient furtivement le combat de loin. Comparés à leurs femmes, leur corps était petit et frêle, leurs voix douces, leurs manières contrites.

Lula et moi n’attendîmes pas de connaître l’issue du combat. Les deux femmes qui avaient interrompu notre ascension descendirent à un étage inférieur, nous laissant libres de monter jusqu’au sentier suivant, où se trouvait la caverne de Bund. Lorsque nous fûmes sur la passerelle du troisième niveau, Lula me dit que la caverne de Bund était la troisième sur ma gauche. Ceci fait, il était prêt à me quitter.

— Où sont les cavernes des hommes ? lui demandai-je avant qu’il pût s’esquiver.

— Au plus haut niveau.

— Et la tienne ?

— La dernière caverne à la gauche de l’échelle, dit-il. Je m’en vais maintenant. J’espère que je ne te reverrai jamais. Sa voix chevrotait et il tremblait comme une feuille. Il ne semblait pas possible qu’un homme pût être réduit à un si pitoyable état de terreur abjecte, et par une femme. Pourtant il avait affronté le tharban en faisant preuve d’un réel courage. Secouant la tête, je me tournai vers la caverne de Bund, la guerrière de Houtomai.

CHAPITRE III

LES CAVERNES DE HOUTOMAI

Les passerelles devant les cavernes des troglodytes de Houtomai paraissaient fort inadéquates ; mais elles remplissaient leur rôle et je suppose que les habitants, ne connaissant rien d’autre, s’en satisfaisaient. Leur construction était simple mais pratique. Dans des trous creusés à même la falaise en grès, des troncs d’arbres droits avaient été enfoncés et dépassaient de la falaise d’environ soixante centimètres.