Tu voulais connaître l’attitude du peuple de Korva envers les étrangers et le nom de la cité près de la mer. Eh bien, avant que les Zanis s’emparent du gouvernement, vous auriez été bien traités dans n’importe quelle cité korvanne. Mais à présent, c’est différent. Sanara, la cité dont tu parlais, vous accueillerait ; elle n’est pas encore sous la domination des Zanis. Ils tentent à présent de la réduire et, si elle capitule, la dernière citadelle de la liberté en Korva tombera.

— Tu es de Sanara ? demandai-je.

— Oui, maintenant. J’avais toujours vécu à Amlot, la capitale, jusqu’à la prise du pouvoir par les Zanis. Alors, je n’ai pas pu y retourner, car je les avais combattus.

— Je viens de survoler un grand camp au sud d’ici, dis-je. Était-ce un camp zani ?

— Oui. Je donnerais n’importe quoi pour le voir. Combien d’hommes ont-ils ?

— Je l’ignore. Mais c’est un vaste camp, et davantage de soldats et de provisions arrivent du sud-ouest.

— D’Amlot, fit-il. Oh, si seulement je pouvais voir ça !

— Tu le peux, lui dis-je.

— Comment ? s’enquit-il.

Je désignai l’appareil. Il eut l’air juste un peu décontenancé, mais une seconde seulement.

— Très bien, fit-il. Tu ne regretteras pas ta bonté. Puis-je te demander ton nom ? Le mien est Taman.

— Et le mien est Carson.

Il me regarda avec curiosité.

— De quel pays viens-tu ? Jamais auparavant je n’ai vu un Amtorien aux cheveux jaunes.

— C’est une longue histoire, dis-je. Qu’il suffise de dire que je ne suis pas un Amtorien. Je viens d’un autre monde.

Nous marchâmes ensemble vers l’appareil, lui-même ayant entre-temps remis son pistolet dans son fourreau. Lorsque nous y arrivâmes, il vit Duare pour la première fois. Je notai juste une légère expression de surprise, qu’il manifesta admirablement. C’était manifestement un homme raffiné. Je les présentai puis je lui montrai comment entrer dans le cockpit arrière et attacher sa ceinture de sécurité.

Bien sûr, je ne pus le regarder pendant le décollage mais par la suite il me raconta qu’il avait cru sa fin venue. Je volai directement vers le camp zani et suivis la route menant à Amlot.

— C’est merveilleux ! s’exclamait-il sans cesse. Je peux tout voir. Je peux même compter les bataillons, les armes et les chariots.

— Dis-moi quand tu en auras vu assez, dis-je.

— Je crois que j’ai vu tout ce qui est nécessaire. Pauvre Sanara ! Comment pourra-t-elle résister à une telle horde ? Et je n’arriverai peut-être même pas à revenir pour faire mon rapport. La cité doit être à présent cernée par les troupes. Je suis sorti il y a un ax.

Un ax équivaut à vingt jours amtoriens, ou un peu plus de vingt-deux jours et onze heures terrestres.

— La cité est entièrement cernée, lui dis-je. Je doute que tu puisses traverser les lignes, même de nuit.

— Voudrais-tu…

Il hésita.

— Quoi ? demandai-je, même si j’avais deviné ce qu’il voulait de moi.

— Mais non, fit-il. Ce serait trop demander à un étranger. Tu aurais à risquer ta vie et celle de ta compagne.

— Y a-t-il un endroit assez grand pour que j’atterrisse à l’intérieur des murs de Sanara ? m’enquis-je.

Il rit.

— Tu as bien deviné, fit-il.