Combien d’espace te faut-il ?
Je le lui dis.
— Oui, fit-il. Il y a près du centre de la cité un grand champ où avaient lieu des courses. Tu pourrais y atterrir facilement.
— Encore deux questions, suggérai-je.
— Bien sûr ! Pose-en autant que tu le désires.
— As-tu assez d’influence sur les autorités militaires pour garantir notre sécurité ? Je pense, bien sûr, à ma compagne. Je ne peux risquer qu’il lui arrive malheur.
— Je te donne la parole d’un noble que vous serez tous deux en sécurité sous ma protection, m’assura-t-il.
— Et que nous aurons le droit de quitter la cité au moment de notre choix, et que notre appareil ne sera pas endommagé ou confisqué ?
— À nouveau, tu as ma parole pour tout ce que tu as demandé, dit-il. Mais je pense toujours que c’est trop te demander – bien plus qu’un étranger peut faire.
Je me tournai vers Duare.
— Quelle est ta réponse, Duare ? m’enquis-je.
— Je crois que j’aimerai Sanara, dit-elle.
Je tournai la proue de l’appareil en direction de la cité Portuaire korvanne.
CHAPITRE V
SANARA
Taman se montra prodigue en gratitude, mais sans excès. J’avais senti dès le départ qu’il allait se révéler une personne sympathique, et je sais que Duare aussi l’aimait bien. En général, elle engageait rarement la conversation avec des étrangers. Les vieux tabous de la fille du jong ne sont pas faciles à faire disparaître, mais elle discuta avec Taman lors du vol vers Sanara, lui posant beaucoup de questions.
— Tu aimeras notre peuple, lui dit-il. Bien sûr, à présent, avec la tension d’un long siège, la situation n’est pas normale, et les gens non plus. Mais ils vous feront bon accueil et vous traiteront bien. Je vous conduirai chez moi, et je sais que mon épouse veillera à votre confort, même dans les conditions actuelles.
Comme nous survolions les lignes des Zanis, ils se mirent à tirailler sur nous, mais je volais à trop haute altitude pour que leur feu fût efficace même sur un appareil sans protection. Taman et moi avions discuté du problème de l’atterrissage. Je redoutais un peu que les défenseurs prennent peur à la vue de cet étrange engin s’il essayait de se poser dans la cité, surtout que cette fois nous arriverions du territoire ennemi. Je suggérai un plan et il trouva que celui-ci pouvait donner des résultats satisfaisants. Et donc il écrivit un mot sur un morceau de papier qu’il avait avec lui et il l’attacha à une des grosses noix dont nous avions fait provision. En fait, il écrivit plusieurs mots, attachant chacun à une noix différente. Chaque mot annonçait qu’il était dans l’anotar qu’ils voyaient voler au-dessus de la cité et demandait au commandant de faire dégager le champ de courses afin que nous atterrissions sans danger. Si les mots étaient reçus et la permission d’atterrir accordée, ils devaient envoyer plusieurs hommes avec des drapeaux à l’extrémité du champ où soufflait le vent, avec pour instruction de les agiter jusqu’à nous voir arriver pour atterrir. Cela servirait à deux choses – nous montrer que l’on ne nous tirerait pas dessus et m’indiquer en plus la direction du vent sur le champ.
Je fis tomber les mots à intervalles réguliers sur la cité, puis je décrivis un cercle à bonne distance en attendant de voir ce que notre plan allait donner. Je voyais distinctement le champ, et pas mal de gens s’y trouvaient – bien trop pour s’y poser sans risque. De toute manière, il n’y avait rien à faire, à part attendre le signal. Tandis que nous attendions, Taman indiquait les lieux intéressants de la cité – les parcs, les édifices publics, les casernes, le palais du gouverneur. Il dit que le neveu du jong vivait à présent là et régnait comme jong, son oncle étant prisonnier des Zanis à Amlot. Il y avait même des rumeurs qui couraient que le jong avait été exécuté. C’était cela que les défenseurs de Sanara redoutaient autant qu’ils craignaient les Zanis, car ils ne faisaient pas confiance au neveu du jong et n’en voulaient pas comme jong permanent.
Il nous sembla passer des heures à faire des cercles au-dessus de la cité, avant de voir le moindre signe que nos mots avaient été reçus. Puis nous vîmes des soldats qui faisaient sortir les gens du champ de courses. C’était un bon présage. Puis une douzaine de soldats avec des drapeaux se rendirent à une extrémité du champ et se mirent à les agiter. Je ne voulais pas trop m’approcher des murs de la cité de crainte d’attirer le feu des Zanis.
Regardant en bas, je vis des gens qui convergeaient de toutes les directions vers ce champ. La nouvelle que nous allions atterrir avait dû se répandre comme une traînée de poudre.
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