Et je fis donc rouler l’appareil entre les deux puis, avec l’aide de Lodas et de ses camarades, je l’amarrai solidement.
— Que personne ne le touche ou ne s’en approche, recommandai-je à Lodas.
— Je crois que personne ne voudra s’en approcher, dit-il avec ferveur.
Cela devait avoir l’air d’un monstre d’un autre monde pour ces simples paysans amtoriens.
L’appareil amarré, les serviteurs retournèrent dans les champs, et Lodas me conduisit dans la maison, tandis que deux femmes qui étaient sorties pour savourer les événements nous accompagnaient. La maison, un bâtiment long et étroit qui allait d’est en ouest, avait une véranda qui longeait tout son côté sud et n’avait pas de fenêtres au nord, le côté d’où venaient les vents chauds dominants et d’occasionnelles rafales brûlantes des régions équatoriales. Lodas me conduisit dans une grande pièce centrale qui faisait à la fois salon, salle à manger et cuisine. Outre l’immense cheminée, il y avait un grand four en argile, car la première ne servait que durant les mois d’hiver, lorsque les vents froids arrivaient de l’antarctique.
À l’entrée de la pièce, Lodas congédia les femmes, disant qu’il voulait me parler seul à seul. Il semblait agité et inquiet ; et lorsque nous fûmes seuls, il m’attira sur un banc au fond de la pièce et s’assit près de moi, me chuchotant à l’oreille.
— C’est une sale affaire, fit-il. Il y a des espions partout. Peut-être certains des hommes qui travaillent pour moi ont-ils été envoyés par Mephis. Il a des espions qui espionnent tout le monde et des espions qui espionnent les espions. Déjà sont arrivées d’Amlot des rumeurs sur une chose étrange qui vole à travers les airs en faisant tomber la mort et le feu sur les troupes de Mephis. Mes travailleurs comprendront tout de suite que c’est dans cette chose que tu es venu. Ils auront des soupçons, ils parleront, et s’il y a un espion parmi eux il transmettra la nouvelle à Mephis et c’en sera fini de moi. Que dois-je faire ?
— Qu’est-ce que le message te dit de faire, m’enquis-je.
— Il me dit de te faire entrer dans Amlot. C’est tout.
— Vas-tu le faire ?
— Je ferais n’importe quoi pour Kord, mon jong, dit-il simplement. Oui, je le ferai ; mais cela causera sans doute ma mort.
— Peut-être pouvons-nous mettre un plan au point, suggérai-je. S’il y a un espion ici ou si tes hommes parlent trop, ce sera aussi grave pour moi que pour toi. Y a-t-il près d’ici un endroit où je pourrais cacher mon appareil – un endroit qui serait raisonnablement sûr ?
— Si Mephis entend parler de ça, ce ne sera pas sûr ici, fit Lodas.
J’étais bien conscient de la vérité de cette déclaration. Il réfléchit un moment, puis il secoua la tête.
— Le seul endroit qui me vient à l’esprit est une île au large de la côte, juste au sud de chez nous.
— Quelle sorte d’île ? demandai-je. Y a-t-il un terrain plat, à découvert ?
— Oh, oui ; c’est une île très plate. Elle est couverte d’herbe. Personne ne vit là. Il est rare que quelqu’un y aille – et jamais depuis la révolution.
— À quelle distance est-elle de la côte ?
— Elle est toute proche. Je la rejoins à la rame en quelques minutes.
— À la rame ? Tu as un bateau ?
— Oui, une fois par an, nous nous y rendons à la rame pour cueillir les baies qui poussent là-bas. Les femmes en font de la confiture pour tout le reste de l’année.
— Parfait ! m’exclamai-je. Eh bien, j’ai un plan qui écartera tout soupçon de toi. Écoute.
Je parlai pendant dix minutes, expliquant tous les détails de mon projet. Parfois Lodas se donnait une claque sur le genou et riait. Il était immensément heureux et soulagé. Lodas était un grand gaillard simple au tempérament sympathique. On ne pouvait s’empêcher de l’aimer et de lui faire confiance. Je ne voulais pas lui causer d’ennuis, pour son propre bien, et je savais aussi que j’aurais à partager tout ennui que je lui causerais.
Nous décidâmes de mettre immédiatement mon plan à exécution.
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