Mon crâne était intact, mais ma tête me faisait atrocement mal, et j’étais affaibli par le choc et par la perte de sang.

Un examen de l’appareil montra qu’il n’avait pas été endommagé ou tripoté ; et lorsque je regardai la plaine autour de moi, ce que je vis me persuada que sa présence ici m’avait sans doute sauvé la vie car il y avait plusieurs animaux à l’aspect sauvage qui allaient et venaient à quelques centaines de mètres de là, me regardant avidement. Ce devait être ce monstre étrange pour eux, montant la garde près de moi, qui les avait tenus à distance.

Le bref aperçu que j’avais eu des guerrières suggérait qu’elles n’étaient pas de simples sauvages mais avaient atteint au moins un certain degré de civilisation – leurs vêtements et leurs armes en témoignaient. Je supposai donc qu’elles devaient vivre dans un village ; et, comme elles étaient à pied, il était raisonnable d’imaginer que leur village n’était pas à une grande distance. J’étais certain qu’elles avaient dû sortir de la forêt derrière l’appareil et c’était donc dans cette direction que je devais d’abord rechercher Duare.

Nous n’avions vu aucun village avant d’atterrir, comme cela se serait produit s’il en avait existé un, de n’importe quelle taille, dans un rayon de quelques kilomètres autour de notre position, car nous avions tous deux été à l’affût de signes d’une présence d’êtres humains. Continuer mes recherches à pied, surtout si l’on considérait la présence des carnivores sauvages qui m’attendaient avidement, aurait été le comble de la sottise ; et si le village des guerrières était en terrain découvert, je pourrais le trouver plus rapidement et plus facilement en avion.

J’étais assez affaibli et étourdi lorsque je pris place aux commandes, et seule une situation d’urgence comme celle que j’affrontais à présent aurait pu me forcer à prendre l’air dans l’état où j’étais. Cependant je fis un décollage satisfaisant et, une fois en l’air, mon esprit fut si occupé par mes recherches que j’oubliais presque mes blessures. Je volais au ras de la forêt, aussi silencieux qu’un oiseau qui plane. S’il y avait un village et s’il était construit dans la forêt, il serait peut-être difficile ou même impossible de le repérer du ciel, mais comme mon appareil était silencieux, il devait être possible de repérer un village au bruit si je pouvais voler assez bas.

La forêt n’était pas très étendue ; et bientôt je l’eus franchie, mais je ne vis ni village ni signe qu’il y en avait un. Par delà la forêt s’étirait une chaîne de collines et dans un col qui la traversait je vis une piste bien tracée. Je la suivis ; mais je ne vis pas de village, alors que le paysage s’étalait devant moi sur des kilomètres à la ronde. Les collines étaient entrecoupées de petits canyons et de vallées. C’était une région rude, là où on s’attendait le moins à trouver un village ; et donc j’abandonnai les recherches dans cette direction et tournai à nouveau le nez de mon appareil vers la plaine où Duare avait été capturée, comptant reprendre de là mes recherches dans une autre direction.

Je volais toujours très bas, parcourant à nouveau le secteur que je venais de survoler, lorsque mon attention fut attirée par la silhouette d’un être humain qui traversait rapidement un plateau lisse. Descendant encore, je vis que c’était un homme. Il marchait très vite, jetant constamment des regards en arrière. Il n’avait pas aperçu l’appareil. Manifestement, il était trop préoccupé par ce qu’il y avait derrière lui, quoi que ce fût, et bientôt je vis ce que c’était – une de ces féroces créatures léonines d’Amtor, un tharban. Le fauve le traquait ; mais je savais qu’il chargerait bientôt, et je fis donc une rapide descente en piqué. Et je n’arrivai pas un instant trop tôt.

Lorsque le fauve chargea, l’homme se retourna pour l’affronter avec sa lance pitoyablement inadéquate, car il devait savoir que la fuite était inutile. J’avais sorti mon pistolet amtorien, chargé de mortels rayons R, et comme je redressais l’appareil juste au-dessus du tharban, évitant de peu de m’écraser, je le visai. Je crois que ce fut plus la chance que l’adresse qui me permit de le toucher ; et comme il roulait encore et encore sur le sol, je virai et atterris derrière lui. C’était le premier être humain que je voyais depuis la capture de Duare et je voulais l’interroger. Il était seul, armé. Seulement d’armes primitives et donc absolument en mon pouvoir.

J’ignore pourquoi il ne s’enfuit pas, car cet avion devait être une chose épouvantable à ses yeux ; mais il ne recula pas d’un pas, même quand je fis rouler l’appareil pour m’arrêter près de lui. Il se pouvait qu’il était simplement paralysé de frayeur. C’était un petit gaillard d’aspect assez insignifiant, qui portait un pagne si volumineux que l’on aurait presque dit une jupe courte. Autour de son cou se trouvaient plusieurs colliers de pierres et de perles colorées, tandis que des brassards, des bracelets et des anneaux de chevilles de facture similaire ornaient ses membres. Sa longue chevelure noire était enroulée en deux nœuds, un sur chaque tempe ; et ceux-ci étaient décorés de petites plumes colorées qui y étaient plantées comme des flèches dans une cible. Il portait une épée, une lance et un couteau de chasse.

Comme je descendais de l’appareil et m’approchais de lui, il recula, et son bras armé de la lance se tendit vers l’arrière de manière menaçante.

— Qui es-tu ? demanda-t-il. Je ne veux pas te tuer, mais si tu approches encore je devrai le faire. Que veux-tu ?

— Je ne veux pas te faire de mal, lui assurai-je.