Mais que puis-je y faire ? Je dois vivre. Si j’allais dans un autre pays, je serais tué. Si je reste ici et tente de plaire à Bund, je suis nourri et protégé et j’ai un endroit où dormir. Et puis, nous aussi les hommes nous nous amusons un peu de temps en temps. Nous pouvons nous asseoir en cercle et bavarder tandis que nous confectionnons des sandales et des pagnes, et parfois nous faisons des jeux – c’est-à-dire, lorsque les femmes sont dehors pour chasser ou pour piller. Oh, c’est mieux qu’être mort, de toute façon.
— J’ai des ennuis, Lula, et je me demande si tu ne pourrais pas m’aider. Tu sais que nous autres les hommes nous devons nous serrer les coudes.
— Que veux-tu que je fasse ? demanda-t-il.
— Je veux que tu me conduises au village de Houtomai.
Il me regarda avec méfiance et hésita.
— N’oublie pas que je t’ai sauvé la vie, lui rappelai-je.
— C’est vrai, fit-il. Je te dois quelque chose – de la gratitude, pour le moins. Mais pourquoi veux-tu aller à Houtomai ?
— Je veux voir si ma compagne est là-bas. Elle a été enlevée par des guerrières ce matin.
— Eh bien, pourquoi veux-tu la récupérer ? J’aimerais que quelqu’un enlève Bund.
— Tu ne comprendrais pas, Lula, lui dis-je. Mais je veux assurément la récupérer. M’aideras-tu ?
— Je pourrais te conduire jusqu’à l’entrée du Canyon Étroit, fit-il. Mais je ne pourrais pas te conduire dans le village. Elles nous tueraient tous les deux. Elles te tueront quand tu y arriveras, de toute façon. Si tu avais les cheveux noirs, tu pourrais passer inaperçu, mais ta bizarre chevelure jaune te trahirait tout de suite. En fait, si tu avais des cheveux noirs, tu pourrais te faufiler après la tombée de la nuit et entrer dans une des cavernes d’hommes. Même si quelques-unes des femmes te voyaient, elles ne feraient pas la différence. Elles ne font pas très attention aux hommes à part les leurs.
— Mais les hommes ne me dénonceraient-ils pas ?
— Non. Ils trouveraient que c’est une bonne blague – berner les femmes. Si tu étais découvert, nous dirions simplement que tu nous as bernés aussi. Bon sang, je voudrais que tu aies les cheveux noirs.
Moi aussi, à ce moment, j’aurais voulu avoir les cheveux noirs, si cela pouvait m’aider à entrer dans le village de Houtomai. Bientôt un plan me vint à l’esprit.
— Lula, demandai-je, as-tu jamais vu un anotar auparavant ? et je désignai l’appareil de la tête.
Il secoua la tête.
— Jamais.
— Tu veux y jeter un coup d’œil ?
Il dit que cela lui plairait ; et donc je grimpai dans le cockpit, l’invitant à me suivre. Lorsqu’il fut assis près de moi, je bouclai sa ceinture de sécurité en guise de démonstration tandis que j’expliquais à quoi elle servait.
— Aimerais-tu faire un tour ? demandai-je.
— Dans les airs ? fit-il. Pitié, je dirais non.
— Eh bien, juste sur le sol, alors.
— Juste une petite distance sur le sol ?
— Oui, promis-je, juste une petite distance sur le sol.
Et je ne lui mentais pas. Je décrivis un virage jusqu’à être dans le sens du vent ; puis je mis les gaz.
— Pas si vite ! hurla-t-il.
Il tenta de sauter à terre, mais il ne savait pas comment déboucler la ceinture de sécurité. Celle-ci l’occupa tellement qu’il ne leva pas les yeux pendant quelques secondes. Lorsqu’il le fit, nous étions à trente mètres du sol et nous nous élevions rapidement. Il jeta un regard, hurla, et ferma les yeux.
— Tu m’as menti, cria-t-il. Tu as dit que nous ne parcourions qu’une petite distance sur le sol.
— Nous n’avons parcouru qu’une petite distance sur le sol, insistai-je.
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