Foin de leur tabatière à sornettes!
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses!…’
… … … … … … … … … … … … … ….
II le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges:
L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela!
‘C’est la Crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule:
—Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux!
Je suis un forgeron: ma femme est avec eux,
Folle! Elle croit trouver du pain aux Tuileries!
—On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J’ai trois petits. Je suis crapule.—Je connais
Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille:
C’est la crapule.—Un homme était à la bastille,
I move through Paris, hammer slung on shoulder,
Black, wild, flushing human vermin out.
Laugh at me, and I’ll kill you.
Make no mistake, the actions of your men in black
Will come home to roost—crumpling up the demands
We wrote, batting them back and forth like
Tennis balls, sneering at our stupidity.
Trumped-up legislation, pink-paper edicts
Plastered everywhere,
People’s good name destroyed on a whim,
Noses held when we come too close—
Our kind representatives find that we stink!—
There’s nothing to fear except bayonets…
Well no, we’ve had enough. No more silver-tongued
Inanities, no more bird-brained rhetoricians.
Bourgeois, we’ve seen what you treat us to,
Once we’ve acted, smashing sceptres and croziers.’
… … … … … … … … … … … … … ….
He grabs the royal arm, yanks back the velvet
Curtain, shows him the great courtyards below
Where the mob seethes, seethes, and rises,
The terrifying mob, an ocean-roar,
Wild howl of a dog, great howl of the sea,
Wielding heavy sticks, iron pikes and drums,
The tumult of its markets, its slums,
Dark clutter of rags bloody with liberty caps.
At the open window, the Man shows all this
To the pale, unsteady king,
His insides churning at the sight.
‘Scum,
Your Majesty. It slobbers on walls, grows, multiplies.
—They’re hungry, sire, that’s why they’re beggars.
I’m a blacksmith. My wife’s with them.
For some reason she thinks there’s bread in the Tuileries.
The bakers’ shops won’t let us in.
I’ve got three children. I’m scum. I know old women
Wandering around in their bonnets, weeping
Because a son or daughter’s disappeared.
Scum, you see. This man was in the Bastille,
Un autre était forçat: et tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens:
On les insulte! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur fait mal, allez! C’est terrible, et c’est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez!
Crapule.—Là-dedans sont des filles, infâmes
Parce que,—vous saviez que c’est faible, les femmes,—
Messeigneurs de la cour,—que ça veut toujours bien,—
Vous [leur] avez craché sur l’âme, comme rien!
Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule.
… … … … … … … … … … … … … … …
‘Oh! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front,
Chapeau bas, mes bourgeois! Oh! ceux-là, sont les Hommes!
Nous sommes Ouvriers, Sire! Ouvriers! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,
Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir,
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Où, lentement vainqueur, il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval!
Oh! splendides lueurs des forges! Plus de mal,
Plus!—Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible:
Nous saurons!—Nos marteaux en main, passons au crible
Tout ce que nous savons: puis, Frères, en avant!
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire
D’une femme qu’on aime avec un noble amour:
Et l’on travaillerait fièrement tout le jour,
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne:
Et l’on se sentirait très heureux: et personne,
Oh! personne, surtout, ne vous ferait ployer!
On aurait un fusil au-dessus du foyer …
… … … … … … … … … … … … … … …
‘Oh! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille!
Que te disais-je donc? Je suis de la canaille!
Il reste des mouchards et des accapareurs.
That one in the galleys; both of them
Law-abiding folk. Now they’re free, they’ve become
Like dogs. Insults enrage them—well,
Insults hurt. It’s hard to bear, they’re broken
Men, they think they’re damned forever, that’s why
They’re down there now, screaming in your face!
Scum, you see. There are dishonoured girls
Down there, because… well, women are weak,
My Lords, aren’t they? A smile for everyone…
You’ve spat on their souls, who cares.
Your pretty girls are down there now. Scum you see.
… … … … … … … … … … … … … …
‘Oh, all the poor unhappy people, those whose backs
Fry in the fierce sun, who struggle on,
Their heads bursting as they toil,
Hats off to them, you bourgeois. These are what you call
Men. We are Workers, Sire, Workers. Ours is
The Great Day of New Knowledge,
When a man will work his forge from dawn to dusk,
Search out great effects, great causes,
When he’ll slowly triumph, conquer everything,
Ride the world like a thoroughbred.
The forges’ glowing splendour! The end of evil,
No more evil. What’s unknown may yet be terrible.
We shall know. Hammer in hand, let’s run everything
We know through the sieve. Then, Brothers, forward!
Sometimes we have that great and moving dream
Of living simply, intensely, saying nothing
Evil, at work beneath the august smile
Of a woman loved with noble love;
And we’d work all day long with pride,
The clarion call of duty in our ears.
We’d feel happy, and no one,
No one would bring us to our knees!
We’d have a rifle ready, hanging near the fire.
… … … … … … … … … … … … … …
‘Oh, the air’s full of the smell of battle.
What did I tell you? I’m one of the rabble.
There are still informers about, racketeers.
Nous sommes libres, nous! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh! si grands! Tout à l’heure
Je parlais de devoir calme, d’une demeure…
Regarde donc le ciel!—C’est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux!
Regarde donc le ciel!—Je rentre dans la foule,
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés:
—Oh! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
—Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n’est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là!’
… … … … … … … … … … … … … …..
—II reprit son marteau sur l’épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l’âme soûle,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l’immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!
Soleil et chair
I
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l’amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d’amour comme dieu, de chair comme la femme,
Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons!
Et tout croît, et tout monte!
We are free, we have electrifying moments
When we feel that we are great, so great! Just now
I was talking of calm duty, a home…
Look at the sky! I’m returning to the crowd,
The great frightening rabble rolling
Your ancient cannons over dirty cobbles.
At least our death will wash them clean.
And if, faced by our shrieking vengeance,
The paws of old bronze kings push their regiments
Across France, in their toy-town uniforms,
Why then, my friends, we’ll shit on the lot of them.’
… … … … … … … … … … … … … …..
He shouldered his hammer again.
Beside that man,
The crowd’s soul ignited,
And in the great courtyard, in the palace rooms,
Where Paris panted and yelled,
The huge crowd suddenly shivered as one.
Then this awesome Blacksmith, disregarding the fat king’s
Cold sweat, raised his huge hand, proud with grime,
And crowned him with the red of Revolution!*
Sun and Skin
I
The Sun, giver of life and tenderness,
Spills burning love onto ravished earth,
And when you’re stretched out in the valley, you feel
How nubile the earth is, brimful of blood,
Great bosom, lifting with breath,
Is made of love, like God, of flesh, like woman,
And how it enfolds, plump with sap and sunlight,
The great swarm of embryos.
And everything grows, everything rises!
—Ô Vénus, ô Déesse!
Je regrette les temps de l’antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde!
Je regrette les temps où la sève du monde,
L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers!
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d’amour;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante;
Où les arbres muets, berçant l’oiseau qui chante,
La terre berçant l’homme, et tout l’Océan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu!
Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu’on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d’airain, les splendides cités;
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L’Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
—Parce qu’il était fort, l’Homme était chaste et doux.
Misère! Maintenant il dit: Je sais les choses,
Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.
—Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l’Homme est Roi,
L’Homme est Dieu! Mais l’Amour, voilà la grande Foi!
Oh! si l’homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle;
S’il n’avait pas laissé l’immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l’immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l’écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l’amour dans les cœurs!
—Venus, Goddess!
I long for the days when the world was young,
Lecherous satyrs, animal fauns,
The love-bites of gods in the bark of trees,
Their frolics with blond nymphs among lilies.
Oh, for the time when the sap of the world,
River water, rose blood of green trees
Swelled Pan’s veins into a universe.
When the green ground shook beneath his goat’s hooves,
When, softly kissing the bright syrinx, his lips
Shaped the great hymn of love beneath the sky,
When, standing on the plain, all around he heard
Living Nature answer him,
When silent trees cradling the singing bird,
Earth cradling Man and the blue Ocean,
All the animals knew God’s love.
I long for the time of great Cybele,
Gigantically beautiful, said to ride
Through splendid cities in a chariot of bronze.
Her great breasts poured through vastness
The pure stream of unceasing life.
Man sucked her blessed breast in bliss
Like a baby on her knee.
—Because he was strong, Man was pure and gentle.
Look now at the sorry state. Man says: I know,
And goes his way, ears shut, eyes closed.
The gods are dead, long live Man,
Man is King and God. But love, that’s true faith!
Oh, if only Man still drank at your breast,
Cybele, great mother of gods and men,
If only he’d not abandoned immortal Astarte,
Who, once, rising from the vast glare
Of blue water, sea-scented flower of flesh,
Revealed her pink navel, white with spray,
And, Goddess of huge eyes, triumphant, dark,
Made nightingales sing in woods, love in human hearts.
II
Je crois en toi! je crois en toi! Divine mère,
Aphrodité marine!—Oh! la route est amère
Depuis que l’autre Dieu nous attelle à sa croix;
Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c’est en toi que je crois!
—Oui, l’Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste.
II a des vêtements, parce qu’il n’est plus chaste,
Parce qu’il a sali son fier buste de dieu,
Et qu’il a rabougri, comme une idole au feu,
Son corps Olympien aux servitudes sales!
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
II veut vivre, insultant la première beauté!
—Et l’Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l’Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour,
La Femme ne sait plus même être Courtisane!
—C’est une bonne farce! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus!
III
Si les temps revenaient, les temps qui sont venus!
—Car l’Homme a fini! l’Homme a joué tous les rôles!
Au grand jour, fatigué de briser des idoles
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux!
L’Idéal, la pensée invincible, éternelle,
Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
Montera, montera, brûlera sous son front!
Et quand tu le verras sonder tout l’horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte!
—Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L’Amour infini dans un infini sourire!
Le Monde vibrera comme une immense lyre
II
I believe in you, yes, divine mother,
Aphrodite of the seas! Oh, the road is pitiless
Now that the other God has strapped us to His cross.
Flesh, Marble, Flower, Venus, it’s you I believe in.
Yes, Man is sad and ugly, sad beneath huge skies,
Wearing clothes, now his purity’s lost,
Now his splendid godlike body’s tainted,
His Olympian splendour reduced
To shabby servitude, an idol in the fire.
Yes, even after death, he wants to survive
In yellow skeletons, and insult first beauty.
And the Idol where you set Virginity up,
Woman, our clay made a divinity
So that Man could lighten his sorry soul
And slowly ascend, in vast love,
From the prison of earth to the beauty of day,
Woman no longer knows how to be a courtesan,
Even. A farce! And the whole world laughs
At the sweet sacred name of great Venus!
III
If only those times came back, times that have been.
For Man’s had his day, played all his roles.
In the full light, tired of wrecking idols,
He’ll live again, free of all his gods,
And, born in Heaven, he’ll scan the great skies.
The Ideal, invincible and eternal thought,
The whole god inside his mortal clay
Will rise, arise, burn on his brow!
And when you see him sound the whole horizon,
Throw off old chains, free of all fear,
You’ll come to bring him holy redemption!
—Splendid, radiant, in the belly of great seas
You’ll burst free and shower infinite love
Infinitely smiling on the vast Universe.
The World will tremble like a great harp
Dans le frémissement d’un immense baiser!
—Le Monde a soif d’amour: tu viendras l’apaiser.
… … … … … … … … … … … ….
IV
Ô splendeur de la chair! ô splendeur idéale!
Ô renouveau d’amour, aurore triomphale
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,
Kallipyge la blanche et le petit Éros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses!
Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
Ô douce vierge enfant qu’une nuit a brisée,
Tais-toi! Sur son char d’or brodé de noirs raisins,
Lysios, promené dans les champs Phrygiens
Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d’Europé, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague,
II tourne lentement vers elle son œil vague;
Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur
Au front de Zeus; ses yeux sont fermés; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d’or fleurit sa chevelure.
—Entre le laurier rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile;
—Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l’or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
—Héraclès, le Dompteur, qui, comme d’une gloire
Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
S’avance, front terrible et doux, à l’horizon!
In the ripple-spread of a great kiss.
—The World thirsts for love; you’ll quench that thirst.
… … … … … … … … … … … … … … ….
IV
O splendour of flesh, splendour of the Idea!
Renewal of love, triumphant dawn,
When, as gods and heroes bow slow to them,
Aphrodite of the lovely buttocks and little Eros,
Covered in snow-showers of roses,
Will brush flowers and women spread at their lovely feet.
O great Ariadne,* weeping on the shore
Seeing, there, scudding away on the waves,
Theseus’s sail, white against the sun,
Sweet virgin, child, broken in one night,
Quiet! In his golden chariot braided with dark grapes
Lysios, carried through Phrygian* fields
By lascivious tigers and scarlet panthers
Turns sombre mosses red along blue rivers.
—Zeus, the Bull, cradles on his shoulders
Europa’s* naked body, like a child, her white arm
Thrown round the God’s knotty neck, quivering in the water.
Slowly it turns to her its vacant eye;
She lays her cheek like pale blossom
On Zeus’s brow; eyes closed, she dies
In a holy embrace and the murmuring water
Sprays gold into her hair.
—Between the rose-bay and the busy laurel
The great Swan moves past in a dream
Amorously, folding Leda* in his wings’s white kiss;
—And while Cypris* goes by, strangely beautiful,
Bending splendid curves, proudly
Offering the gold of her huge breasts,
Her milk-white belly braided with black moss,
Heracles, beast-tamer, strong, covers his vast body
With the lion-skin, golden token of victory,
And—terrible, gentle—strides towards the sky!
Par la lune d’été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s’étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux…
—La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon…
—La Source pleure au loin dans une longue extase…
C’est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
—Une brise d’amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l’horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
—Les Dieux écoutent l’Homme et le Monde infini!
Mai 70.
Ophélie
I
Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
—On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.
In the summer moon’s insipid light,
Naked and dreaming, her gold-tinged pallor
Stained by her heavy hair’s long blue cascade,
In the dark glade where the mosses spangle,
The Dryad looks up at silent skies…
Nervous, white Selene lets her veil
Settle on the feet of handsome Endymion,*
And, down a pale ray of light, sends him a kiss…
The Spring sobs its long ecstasy, far away…
It’s the nymph, one elbow on her vase,
Dreaming of the pale young man, plunged in her waves.
—Love sighed in the night
And was gone, and in sacred woods, in the horror
Of great trees, dark, majestic marble
Forms, the Gods, their brow the bullfinch-nest,
—The Gods listen to Man and the World without end.
May ‘70
Ophelia
I
In the calm black stream where stars sleep,
White Ophelia floats like a great lily,
Very slowly floats, lying in long veils…
—Up in the woods, dogs bark, men shout.
For a thousand years or more, sad white phantom,
Ophelia has moved down the long black river.
A thousand years or more her sweet song
Of madness has charmed the evening air.
The wind kisses her breasts and like a flower opens
Her long veils gently moving with the water.
On her shoulder willows weep and shiver,
Over her wide dreaming face rushes lean.
Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile:
—Un chant mystérieux tombe des astres d’or.
II
Ô pâle Ophélia! belle comme la neige!
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
—C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté;
C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
À ton esprit rêveur portait d’étranges bruits;
Que ton cœur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits;
C’est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux!
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
—Et l’Infini terrible effara ton œil bleu!
III
—Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Around her, jostling water-lilies sigh;
In a drowsy alder, when sometimes she disturbs
A nest, there’s a quick flurry of wings
—Mysterious music tumbles from the golden stars.
II
O pale Ophelia, beautiful as snow!
Yes, poor child, downstream you died.
—Because great Norway mountain winds
Moaned their message of harsh freedom.
A breath that twisted your heavy hair
Brought strange sounds to your absent thoughts,
Your heart heard Nature’s song
In the trees’ lament and the sigh of night.
The shout of mad seas, huge growl,
Burst your young breast, too soft, too human.
One April morning, a pale, handsome, strange
Demented prince sat with you, saying nothing.
Sky, Love, Freedom! What dreams, poor child!
You melted into him, snow in his fire,
Your great visions* made you speechless
—And terrible Infinity lit your wild blue eyes!
III
—The Poet says that when the stars come out
You come looking for flowers you picked;
He says he’s seen, lying in her long veils,
White Ophelia, like some great lily, float by.
Bal des pendus
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
Messire Belzebuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël!
Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles:
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour.
Hurrah! Les gais danseurs, qui n’avez plus de panse!
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs!
Hop! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse!
Belzebuth enragé racle ses violons!
Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale!
Presque tous ont quitté la chemise de peau:
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:
Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.
Hurrah! La bise souffle au grand bal des squelettes!
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer!
Les loups vont répondant des forêts violettes:
A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…
Hanged Men Dance
On black gallows, one-armed friend,
First Crusaders dance and dance,
The Devil’s wasted Paladins,*
The skeletons of Sultans.
Milord Beelzebub pulls the string that works
His little black puppets leering at the sky.
He beats and kicks them in the head,
Making them dance to carol-tunes.
The bumping puppets mesh their bony arms.
Black organ-pipes, their uncaged ribs,
Which well-bred ladies used to hug,
Clack and clatter in acts of hideous love.
Good for you, cheery dancers, rid of those stomachs!
Swing your hips, this platform can take it.
Turn dance into fight, fight into dance,
As wild Beelzebub fiddles away.
Hard heels, no wear and tear on shoes.
They’ve nearly all removed their skins—
What they reveal is less than shocking.
On each one, snow settles a skullcap.
Crows on cracked heads, perching plumes.
Stripped flesh dangles from meagre chins.
Swinging back and forth in dark encounters,
They’re ramrod knights with cardboard armour.
The wind whistles at the Skeleton’s Ball!
The black gibbet moans like an iron organ.
Howling wolves answer from violet forests.
The red sky makes a horizon of hell…
Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres:
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés!
Oh! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre:
Et, se sentant encor la corde raide au cou,
Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
Le Châtiment de Tartufe
Tisonnant, tisonnant son cœur amoureux sous
Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,
Un jour qu’il s’en allait, effroyablement doux,
Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,
Un jour qu’il s’en allait, ‘Oremus’,—un Méchant
Le prit rudement par son oreille benoîte
Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
Sa chaste robe noire autour de sa peau moite!
Châtiment!… Ses habits étaient déboutonnés,
Et le long chapelet des péchés pardonnés
S’égrenant dans son cœur, Saint Tartufe était pâle!…
Shake these macabre villains down,
Their big snapped fingers slyly slipping rosary
Beads of love down their spines, notch by notch.
You dead men, don’t mistake this for a church.
Then, right there in this danse macabre,
A great mad skeleton, frenzied, wild,
Leaps at crimson skies like a bucking horse,
And, sensing the lasso still round his neck,
Tightens shrunken fingers on cracking femur
With squeals like sneers,
And like a clown who must go on,
Rejoins the dance, to the music of bones.
On black gallows, one-armed friend,
First Crusaders dance and dance,
The Devil’s wasted Paladins,
The skeletons of Sultans.
Tartufe’s Punishment
Fanning his amorous eagerness inside
His black robe of chastity, well-pleased, gloved,
Sliding along one day, sickly, saccharine,
Yellow, gobs of faith dripping from his toothless mouth,
Sliding along one day, ‘deep in prayer’,
An Enemy caught his sainted ear,
Blasted awful words at him, ripped
That chaste black robe off that oleaginy.
Punishment! All his buttons were undone,
The beads of pardoned sins threaded
On his heart; St Tartufe blanched,
Donc, il se confessait, priait, avec un râle!
L’homme se contenta d’emporter ses rabats…
—Peuh! Tartufe était nu du haut jusques en bas!
Vénus Anadyomène
Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés;
Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates;
L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…
Les reins portent deux mots gravés: Clara Venus;
—Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.
Les Reparties de Nina
… … … … … … … … …..
LUI— Ta poitrine sur ma poitrine,
Hein? nous irions,
Ayant de l’air plein la narine,
Aux frais rayons
Du bon matin bleu, qui vous baigne
Du vin de jour?…
Quand tout le bois frissonnant saigne
Muet d’amour
Made confession, prayed, chattering with fear!
Our man just grabbed his garb and stole away.
Pah! He was naked, our Tartufe, head to toe.
Venus Emerging
It resembles a green tin coffin;
From an ancient bathtub emerges,
Slow and stupid, a woman’s head, her thickly
Oiled brown hair ill-concealing bald patches.
Then the fat grey neck, the wide-wing shoulder-blades;
The short back, all dents and bumps;
Then rump roundness rises;
Subcutaneous fat shows like flat leaves;
The spine’s a touch red; and the whole thing smells
Strange and strong; and many oddities
To be subjected to the microscope.
Two words are tattooed on the buttocks: CLARA VENUS;*
—And the whole thing stirs, proffering hindquarters
Hideously jewelled with an ulcer on the anus.
Nina Answers Back
… … … … … … … … …..
HE: Your breast against mine,
Yes? We’d go
Breathing full air
In crisp light,
One blue morning awash
With the wine of day.
When the trembling wood bleeds
Silent with love
De chaque branche, gouttes vertes,
Des bourgeons clairs,
On sent dans les choses ouvertes
Frémir des chairs:
Tu plongerais dans la luzerne
Ton blanc peignoir,
Rosant à l’air ce bleu qui cerne
Ton grand œil noir,
Amoureuse de la campagne,
Semant partout,
Comme une mousse de champagne,
Ton rire fou:
Riant à moi, brutal d’ivresse,
Qui te prendrais
Comme cela,—la belle tresse,
Oh!—qui boirais
Ton goût de framboise et de fraise,
Ô chair de fleur!
Riant au vent vif qui te baise
Comme un voleur,
Au rose églantier qui t’embête
Aimablement:
Riant surtout, ô folle tête,
A ton amant!…
… … … … … … … …..
[Dix-sept ans! Tu seras heureuse!
Oh! les grands prés,
La grande campagne amoureuse!
—Dis, viens plus près!…]
— Ta poitrine sur ma poitrine,
Mêlant nos voix,
Lents, nous gagnerions la ravine,
Puis les grands bois!…
From every branch, green drops,
Bright buds.
Feel how things open,
A quiver of flesh.
Your white gown would plunge
Into long grass.
The blue around your dark eyes
Would shade pink.
In love with the country
Scattering about
Like champagne bubbles,
Your wild laugh:
You’d laugh, and I’d be drunk, direct,
And catch you
Thus—fantastic hair!
—Oh, and I’d savour
Your strawberry and raspberry taste,
Your flower flesh!
I’d laugh at the keen wind kissing you
Like a thief,
At the wild rose tangling
You up in love,
Above all, free, laughing spirit,
At me, your lover!
… … … … … … … … …..
Seventeen! You, so happy!
The wide fields,
The open country full of love!
Closer, come closer…
Your breast against mine,
Our voices one,
Slowly we’d reach the gully,
Then the great woods…
Puis, comme une petite morte,
Le cœur pâmé,
Tu me dirais que je te porte,
L’œil mi-fermé…
Je te porterais, palpitante,
Dans le sentier:
L’oiseau filerait son andante:
Au Noisetier…
Je te parlerais dans ta bouche;
J’irais, pressant
Ton corps, comme une enfant qu’on couche,
Ivre du sang
Qui coule, bleu, sous ta peau blanche
Aux tons rosés:
Et te parlant la langue franche…
Tiens!…—que tu sais…
Nos grands bois sentiraient la sève
Et le soleil
Sablerait d’or fin leur grand rêve
Vert et vermeil.
… … … … … … … ….
Le soir?… Nous reprendrons la route
Blanche qui court
Flânant, comme un troupeau qui broute,
Tout à l’entour.
Les bons vergers à l’herbe bleue
Aux pommiers tors!
Comme on les sent toute une lieue
Leurs parfums forts!
Nous regagnerons le village
Au ciel mi-noir;
Et ça sentira le laitage
Dans l’air du soir;
Then, limp as a corpse,
Fainting almost,
You’d ask me to carry you,
Your eyes just slits.
I’d carry your throbbing body
Down the path.
The bird’s song would lead us,
‘By the hazel tree…’
My lips against yours, I’d murmur,
I’d walk, hugging
Your body, like a bedtime child,
Drunk on the blood
That flows blue beneath your skin,
White, hints of pink,
Talking a frank language to you,
The one you know…
Our forests would smell of sap,
And the sun
Would thread gold through their green
And crimson dream.
… … … … …… … ….
And in the evening? We’ll take
The white road
Meandering where it will Like
a flock grazing…
The blue grass of good orchards,
The gnarled apple-trees.
Their fragrance carried on the air
Mile after mile.
We’ll get back to the village
In circling dark,
The smell of milking will carry
On the evening air.
Ça sentira l’étable, pleine
De fumiers chauds,
Pleine d’un lent rhythme d’haleine,
Et de grands dos
Blanchissant sous quelque lumière;
Et, tout là-bas,
Une vache fientera, fière,
A chaque pas…
—Les lunettes de la grand’mère
Et son nez long
Dans son missel; le pot de bière
Cerclé de plomb,
Moussant entre les larges pipes
Qui, crânement,
Fument: les effroyables lippes
Qui, tout fumant,
Happent le jambon aux fourchettes
Tant, tant et plus:
Le feu qui claire les couchettes
Et les bahuts.
Les fesses luisantes et grasses
D’un gros enfant
Qui fourre, à genoux, dans les tasses,
Son museau blanc
Frôlé par un mufle qui gronde
D’un ton gentil,
Et pourlèche la face ronde
Du cher petit…
… … … … … … …..
[Noire, rogue au bord de sa chaise,
Affreux profil,
Une vieille devant la braise
Qui fait du fil;]
The smell of cowsheds, warm
With fresh manure,
Filled with slow breathing
And great backs
Made white by a lantern.
At the far end
There’ll be a stately cow, the soft clap of
Dung with every step.
Grandma’s glasses, and
Her long nose
In her prayer-book; a pint
Tankard, pewter-rimmed,
Foaming among big-bowled pipes
Resolutely
Puffing; fat awful lips,
Smoking still,
Fork quantities of ham into mouths,
Then more, then more;
The open fire lighting up bunk beds
And darkwood chests.
The shiny, chubby bottom of
A fat baby
Crawling around, sticking its snout
Into cups,
Sniffed at, tickled by a lowing
Wet muzzle,
Licking the moon-round face
Of the little dear…
Dark and distant on the edge of her chair,
Ghastly profile,
An old woman by the dying fire,
Spinning.
Que de choses verrons-nous, chère,
Dans ces taudis,
Quand la flamme illumine, claire,
Les carreaux gris!…
—Puis, petite et toute nichée
Dans les lilas
Noirs et frais: la vitre cachée,
Qui rit là-bas…
Tu viendras, tu viendras, je t’aime!
Ce sera beau.
Tu viendras, n’est-ce pas, et même…
Elle—Et mon bureau?
A la musique
Place de la gare, à Charleville.
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
—L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres:
—Autour, aux premiers rangs, parade le gandin;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs:
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent: ‘En somme!…’
Such things we’ll see, my angel,
In those cottages
When the fire’s bright flames light up
The dusty window-panes.
—Then, tiny and snug among
Cool, dark
Lilacs; the hidden window
Smiling there…
I love you! Come! You’ve never dreamt
Such beauty. Come,
You will come, please? And even…
SHE: And risk my job?
To Music
Station Square, Charleville
On the square, tailored into meagre lawns,
Where all’s as it should be, flowers, trees,
Chesty bourgeois stifling in Thursday-evening
Heat, parade their small-town spite and jealousy.
In the gardens, as they play The Fife Waltz,
The bandsmen’s peaked caps bob up and down;
The local dandy struts around near the front;
The Notary hangs from the chain of his watch.
Private means in pince-nez underscore bum-notes;
Hefty pen-pushers drag hefty spouses along,
Accompanied—like so many elephant-minders—
By females in flounces flapping like billboards.
On green benches, federations of retired grocers,
Poking at the sand with pommelled walking-sticks,
Talk weightily of Treaties, then out of silver boxes
Take snuff, remarking ‘The long and short of it is…’
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde—vous savez, c’est de la contrebande;—
Le long des gazons verts ricanent les voyous;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
—Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes:
Elles le savent bien; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot: je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles:
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
—Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
—Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres.
Les Effarés
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
A genoux, cinq petits—misère!—
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Flattening his balloon-bum on a bench,
A brightly buttoned bourgeois, Flemish gut,
Enjoys a smoke, his filthy pipe spilling
Its tobacco—smuggled in for me, you know.
The local lads loiter on the grass, sneering;
Trombones play, and the thoughts of boy-soldiers,
Smoking standard-issue cigarettes, turn
To love; kiss the baby, that should get the nurse…
—Me, I’m like a scruffy student; I find
Quick little girls under chestnut-trees;
They know my game, and laugh, looking at me,
Eyes wide with indiscretion.
I say not a word; I go on looking
At the whiteness of their necks, the wisps, the curls;
Beneath bodices and flimsy frocks, I trace
Divine backs, starting with shoulders, heading south.
Soon I’ve laid bare a shoe, a stocking…
—I reconstruct their bodies, flames of fine fever.
They find me odd, and whisper behind hands…
And my brutal desires sink hooks into their lips…
Wide-eyed
Black against the snow and fog,
Beside a friendly heating-duct,
Rears rounded,
Five children kneeling—sad sight!—
Watch the Baker making
Thick white bread.
They watch his strong white arm knead
The grey dough, place it
In the bright hole.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Et quand pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées,
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie,
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre!
—Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas,—comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
—Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,
—Et que leur lange blanc tremblote
Au vent d’hiver…
20 sept. 70.
They hear the good bread bake,
And the Baker with his jowly smile
Sing an old tune.
They huddle motionless
In the breath of the glowing duct,
Warm as a breast.
And when, on the stroke of midnight,
Sculpted, popping, yellow,
The bread emerges,
When beneath the smoky beams,
The fragrant crusts sing,
And the crickets,
When this warm hole breathes life,
They’re totally transfixed
Inside their rags,
They feel life pulsing back,
These poor frozen ragbags
There they all are
Pressing little pink snouts
Against the grating, sing-
Songing through apertures,
But soft as a prayer…
Bent down towards the lights
Of this new Heaven,
So earnestly they split their pants,
—And then their shirt-tails wave
In the winter wind.
20 September ’70
Roman
I
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
—Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants!
—On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin!
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière;
Le vent chargé de bruits,—la ville n’est pas loin,—
A des parfums de vigne et des parfums de bière…
II
—Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Nuit de juin! Dix-sept ans!—On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête…
III
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
—Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père…
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
—Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…
Romance
I
No one’s serious when they’re seventeen.
—One fine night, you turn your back on beer,
Lemonade, rowdy cafés, their glittering lights.
—You walk beneath the green limes on the promenade.
The limes smell good on nice June nights.
Sometimes the air’s so soft you shut your eyes.
Noise carries on the wind—the town’s not far—
And the fragrance of the vine, the smell of beer.
II
Then, up there, you catch sight of a tiny scrap
Of dark blue, framed by a small branch,
Pinned by some wandering star, perfectly
White and small, trembling light fading…
June nights! Seventeen! It goes to your head.
You get dizzy on sap like champagne…
You drift; you feel on your lips a kiss
Fluttering, a tiny scrap of life…
III
Your crazy heart goes Crusoeing through books
—Then, under thin lamplight, in the cold
Shadow of her father’s false collar,
You see a girl go by, all airs and little graces.
Her pixie boots take mincing steps;
And finding you wonderfully naïve,
She turns round, bright as a dart…
The cavatinas you were singing die on your lips…
IV
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
Vous êtes amoureux.—Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
—Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire…!
—Ce soir-là,… —vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
—On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
29 sept. 70.
‘Morts de Quatre-vingt-douze…’
‘… Français de soixante-dix, bonapartistes, républicains,
souvenez-vous de vos pères en 92, etc.’
(Paul de Cassagnac, Le Pays)
Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
Sur l’âme et sur le front de toute humanité;
Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
Vous dont les cœurs sautaient d’amour sous les haillons,
Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons;
Vous dont de sang lavait toute grandeur salie,
Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie,
Ô million de Christs aux yeux sombres et doux;
Nous vous laissions dormir avec la République,
Nous, courbés sous les rois comme sous une trique.
—Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous!
fait à Mazas, 3 septembre 1870.
IV
You’re in love.
1 comment