Constaté avec tristesse3 1° l’affreux matérialisme, si extraordinaire chez des gens « d’esprit ». On rend compte du caractère, du génie par les habitudes physiques de la race. Différences entre Musset, Baudelaire, Verlaine expliquées par la qualité des alcools qu’ils buvaient, caractère de telle personne par sa race (antisémitisme)4. Plus étonnant encore chez Daudet pur esprit brillant encore à travers les ténèbres et les houles de ses nerfs, petite étoile sur la mer. Tout cela est bien peu intelligent. C’est la conception la plus bornée de l’esprit (car tout est conception de l’esprit) que celle où il n’a pas encore assez conscience de lui et se croit dérivé du corps. 2° aucun d’eux (je mets tout le temps en dehors Reynaldo dans l’esprit duquel je ne cesse d’admirer toutes les nuances de la vérité, aussi exactement et aussi subitement que toutes les nuances du ciel dans la mer) n’entend rien aux vers. Une comparaison de Daudet entre Musset et Baudelaire est vraie à peu près comme si on disait à quelqu’un qui ne connaîtrait ni Mme Straus ni ma concierge : Mme Straus a des cheveux noirs des yeux noirs, le nez un peu gros, les lèvres rouges, la taille assez belle – et de ma concierge la même chose et qui dirait – mais elles sont pareilles. En effet un certain essoufflement de la rhétorique peut faire rapprocher Musset au point de vue de la composition de Musset de celle de Baudelaire quoiqu’ils aient à peu près autant de rapport que Bossuet et Murger. Quelqu’un qui n’aurait jamais vu la mer et à qui on raconterait ses impressions pourrait supposer que c’est la même chose que des montagnes russes. Quelqu’un qui ne sent pas la poésie, et qui n’est pas touché par la vérité, n’a jamais lu Baudelaire. D’où ces assertions que Coppée et Goncourt ont soutenues. 3° Phrases de Daudet (dans le jardin du directeur) extrêmement Daudet, esprit d’observation et qui pourtant sent le renfermé, un peu vulgaire et trop prétentieux malgré une extrême finesse. C’est la Céline Chaumont du roman5. 4° Mme Daudet charmante, mais combien bourgeoise. Un malheureux jeune homme arrive, ne connaissant que son fils qui n’était pas là. Elle a tout fait, malgré elle sans doute, pour le glacer, au bout de cinq minutes il était l’« intrus », et de temps en temps elle disait, je ne connais pas Monsieur je le vois pour la première fois. À moi déjà la première fois qu’allant la voir je la remerciais de m’y avoir autorisé elle me répondait : « M. Hahn me l’avait demandé » mot énorme ! L’aristocratie qui a bien ses défauts aussi reprend ici sa vraie supériorité, où la science de la politesse et l’aisance dans l’amabilité peuvent jouer cinq minutes le charme le plus exquis, feindre une heure la sympathie, la fraternité. Et les Juifs aussi (détestés là au nom de quel principe, puisque celui qu’ils ont crucifié y est également banni, et du mariage du fils6 etc.) ont aussi cela, par un autre bout, une sorte de charité de l’amour-propre, de cordialité sans fierté qui a son grand prix. Que Mme de Brantes ou Mme Lyon7 que j’unis ici bien sincèrement font paraître pitoyable l’attitude de Mme Daudet vis-à-vis du pauvre M. Philipe. Au point de vue de l’art être si peu maître de soi, savoir si peu jouer est affreux, accru par la vue de cette taille courte. Grâces détestables de Don Juan avec M. Dimanche, grâces niaises de M. de Florian, ou grâces antipathiques de X.8 on vous regrette presque. Mais toute l’intelligence et la sensibilité (un peu trop agaçante et à faux parfois) est ici en plus et bien intéressante. En somme personne charmante. Daudet est délicieux, le fils d’un roi Maure qui aurait épousé une princesse d’Avignon, mais trop simpliste d’intelligence. Il croit que Mallarmé mystifie. Il faut toujours supposer que les pactes sont faits entre l’intelligence du poète et sa sensibilité et qu’il les ignore lui-même, qu’il en est le jouet. C’est plus intéressant et c’est plus profond. Paresse où étroitesse d’esprit à expliquer par un pacte matériel (avec intention charlatanesque) avec ses disciples. Si c’était cela cela ne nous intéresserait plus.
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