Et il avait coutume de dire qu'il préférait, à certains égards, l'anatomie de Putois à l'anatomie de Quaresmeprenant. "Si la description faite par Xénomanes, disait−il, est plus savante et plus riche en termes rares et précieux, la description de Putois l'emporte de beaucoup pour la clarté des idées et la limpidité du style." Il en jugeait de la sorte parce que le docteur Ledouble, de Tours, n'avait pas encore expliqué les chapitres trente, trente−un et trente−deux du quart livre de Rabelais.
Je ne comprends pas du tout, dit Pauline.
C'est faute de connaître Putois, ma fille. Il faut que tu saches que Putois fut la figure la plus familière à mon enfance et à celle de ta tante Zoé. Dans la maison de ton grand−père Bergeret on parlait sans cesse de Putois.
Chacun à son tour le croyait voir."
Pauline demanda:
"Qu'est−ce que c'était que Putois?"
Au lieu de répondre, M. Bergeret se mit à rire, et Mlle Bergeret aussi rit, les lèvres closes.
Pauline portait son regard de l'un à l'autre. Elle trouvait étrange que sa tante rît de si bon coeur, et plus étrange encore qu'elle rît d'accord et en sympathie avec son frère. C'était singulier en effet, car le frère et la soeur n'avaient pas le même tour d'esprit.
"Papa, dis−moi ce que c'était que Putois. Puisque tu veux que je le sache, dis−le−moi.
Putois, ma fille, était un jardinier. Fils d'honorables cultivateurs artésiens, il s'établit pépiniériste à Saint−Omer. Mais il ne contenta pas sa clientèle et fit de mauvaises affaires. Ayant quitté son commerce, il allait en journée. Ceux qui l'employaient n'eurent pas toujours à se louer de lui."
A ces mots, mademoiselle Bergeret, riant encore:
"Tu te rappelles, Lucien: quand notre père ne trouvait plus sur son bureau son encrier, ses plumes, sa cire, ses ciseaux, il disait: "Je soupçonne Putois d'avoir passé par ici."
PUTOIS
17
Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables Ah! dit M. Bergeret, Putois n'avait pas une bonne réputation.
C'est tout? demanda Pauline.
Non, ma fille, ce n'est pas tout. Putois eut ceci de remarquable, qu'il nous était connu, familier, et que pourtant...
... il n'existait pas", dit Zoé.
M. Bergeret regarda sa soeur d'un air de reproche:
"Quelle parole, Zoé! et pourquoi rompre ainsi le charme? Putois n'existait pas. L'oses−tu dire, Zoé? Zoé, le pourrais−tu soutenir? Pour affirmer que Putois n'exista point, que Putois ne fut jamais, as−tu assez considéré les conditions de l'existence et les modes de l'être? Putois existait, ma soeur. Mais il est vrai que c'était d'une existence particulière.
Je comprends de moins en moins, dit Pauline découragée.
La vérité t'apparaîtra clairement tout à l'heure, ma fille.
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