Je ne comprends pas, dit M. Goubin.
Il n'est pas nécessaire de comprendre", répondit Jean Marteau.
Et il pria M. Bergeret de parler de Putois.
"Vous êtes bien aimable de me le demander, fit le maître.
"Putois naquit dans la seconde moitié du XIXe siècle, à Saint−Omer. Il lui aurait mieux valu naître quelques siècles auparavant dans la forêt des Ardennes ou dans la forêt de Brocéliande. Ç'aurait été alors un mauvais esprit d'une merveilleuse adresse.
Une tasse de thé, monsieur Goubin? dit Pauline
Putois était−il donc un mauvais esprit? demanda Jean Marteau.
Il était mauvais, répondit M. Bergeret, il l'était en quelque manière, mais il ne l'était pas absolument. Il en est de lui comme des diables qu'on dit très méchants, mais en qui l'on découvre de bonnes qualités quand on les fréquente. Et je serais disposé à croire qu'on a fait tort à Putois. Mme Cornouiller, qui, prévenue contre lui, l'avait tout de suite soupçonné d'être un fainéant, un ivrogne et un voleur, réfléchit que puisque ma mère l'employait, elle qui n'était pas riche, c'était qu'il se contentait de peu, et elle se demanda si elle n'aurait pas avantage à le faire travailler préférablement à son jardinier qui avait meilleur renom, mais aussi plus d'exigences. On entrait dans la saison de tailler les ifs. Elle pensa que si Mme Éloi Bergeret, qui était pauvre, ne donnait pas grand−chose à Putois, elle−même, qui était riche, lui donnerait moins encore, puisque c'est l'usage que les riches paient moins cher que les pauvres. Et elle voyait déjà ses ifs taillés en murailles, en boules et en pyramides, sans qu'elle y fît grande dépense. "J'aurai l'oeil, se dit−elle, à ce que Putois ne flâne point et ne me vole point. Je ne risque rien et ce sera tout profit. Ces vagabonds travaillent quelquefois avec plus d'adresse que les ouvriers honnêtes." Elle résolut d'en faire l'essai et dit à ma mère: "Mignonne, envoyez−moi Putois. Je le ferai travailler à Monplaisir." Ma mère le lui promit. Elle l'eût fait volontiers. Mais vraiment ce n'était pas possible. Mme Cornouiller attendit Putois à Monplaisir, et l'attendit en vain. Elle avait de la suite dans les idées et de la constance dans ses projets. Quand elle revit ma mère, elle se plaignit à elle de n'avoir pas de nouvelles de Putois. "Mignonne, vous ne lui avez donc pas dit que je l'attendais? Si! mais il est étrange, bizarre... Oh! je connais ce genre−là. Je le sais par coeur votre Putois.
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