David Copperfield - Tome II

David Copperfield - Tome II
Charles Dickens
(Traducteur:
P. Lorain)
Publication: 1950
Catégorie(s): Fiction, Jeunesse
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A Propos Dickens:
Charles John Huffam Dickens pen-name "Boz", was the foremost
English novelist of the Victorian era, as well as a vigorous social
campaigner. Considered one of the English language's greatest
writers, he was acclaimed for his rich storytelling and memorable
characters, and achieved massive worldwide popularity in his
lifetime. Later critics, beginning with George Gissing and G. K.
Chesterton, championed his mastery of prose, his endless invention
of memorable characters and his powerful social sensibilities. Yet
he has also received criticism from writers such as George Henry
Lewes, Henry James, and Virginia Woolf, who list sentimentality,
implausible occurrence and grotesque characters as faults in his
oeuvre. The popularity of Dickens' novels and short stories has
meant that none have ever gone out of print. Dickens wrote
serialised novels, which was the usual format for fiction at the
time, and each new part of his stories would be eagerly anticipated
by the reading public. Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks
Dickens:
Oliver
Twist (1837)
David Copperfield
- Tome I (1850)
Cantique de
Noël (1843)
Le
Signaleur (1886)
Les Conteurs à la
ronde (1886)
Les Grandes
espérances (1861)
Le Grillon du
foyer (1845)
L'Ami Commun -
Tome I (1865)
L'Ami Commun -
Tome II (1865)
Paris et Londres
en 1793 - Le Marquis de Saint-Évremont (1859)
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Chapitre 1
Une perte plus grave.
Je n’eus pas de peine à céder aux prières de
Peggotty, qui me demanda de rester à Yarmouth jusqu’à ce que les
restes du pauvre voiturier eussent fait, pour la dernière fois, le
voyage de Blunderstone. Elle avait acheté depuis longtemps, sur ses
économies, un petit coin de terre dans notre vieux cimetière, près
du tombeau de « sa chérie, » comme elle appelait toujours
ma mère, et c’était là que devait reposer le corps de son mari.
Quand j’y pense à présent, je sens que je ne
pouvais pas être plus heureux que je l’étais véritablement alors de
tenir compagnie à Peggotty, et de faire pour elle le peu que je
pouvais faire. Mais je crains bien d’avoir éprouvé une satisfaction
plus grande encore, satisfaction personnelle et professionnelle, à
examiner le testament de M. Barkis et à en apprécier le
contenu.
Je revendique l’honneur d’avoir suggéré l’idée
que le testament devait se trouver dans le coffre. Après quelques
recherches, on l’y découvrit, en effet, au fond d’un sac à picotin,
en compagnie d’un peu de foin, d’une vieille montre d’or avec une
chaîne et des breloques, que M. Barkis avait portée le jour de
son mariage, et qu’on n’avait jamais vue ni avant ni après ;
puis d’un bourre-pipe en argent, figurant une jambe ; plus
d’un citron en carton, rempli de petites tasses et de petites
soucoupes, que M. Barkis avait ; je suppose, acheté quand
j’étais enfant, pour m’en faire présent, sans avoir le courage de
s’en défaire ensuite ; enfin, nous trouvâmes quatre-vingt sept
pièces d’or en guinées et en demi-guinées, cent dix livres sterling
en billets de banque tout neufs, des actions sur la banque
d’Angleterre, un vieux fer à cheval, un mauvais shilling, un
morceau de camphre et une coquille d’huître. Comme ce dernier objet
avait été évidemment frotté, et que la nacre de l’intérieur
déployait les couleurs du prisme, je serais assez porté à croire
que M. Barkis s’était fait une idée confuse qu’on pouvait y
trouver des perles, mais sans avoir pu jamais en venir à ses
fins.
Depuis bien des années, M. Barkis avait
toujours porté ce coffre avec lui dans tous ses voyages, et, pour
mieux tromper l’espion, s’était imaginé d’écrire avec le plus grand
soin sur le couvercle, en caractères devenus presque illisibles à
la longue, l’adresse de « M. Blackboy, bureau restant,
jusqu’à ce qu’il soit réclamé. »
Je reconnus bientôt qu’il n’avait pas perdu
ses peines en économisant depuis tant d’années. Sa fortune, en
argent, n’allait pas loin de trois mille livres sterling. Il
léguait là-dessus l’usufruit du tiers à M. Peggotty, sa vie
durant ; à sa mort, le capital devait être distribué par
portions égales entre Peggotty, la petite Émilie et moi, à icelui,
icelle ou iceux d’entre nous qui serait survivant. Il laissait à
Peggotty tout ce qu’il possédait du reste, la nommant sa légataire
universelle, seule et unique exécutrice de ses dernières volontés
exprimées par testament.
Je vous assure que j’étais déjà fier comme un
procureur quand je lus tout ce testament avec la plus grande
cérémonie, expliquant son contenu à toutes les parties
intéressées ; je commençai à croire que la Cour avait plus
d’importance que je ne l’avais supposé. J’examinai le testament
avec la plus profonde attention, je déclarai qu’il était
parfaitement en règle sur tous les points, je fis une ou deux
marques au crayon à la marge, tout étonné d’en savoir si long.
Je passai la semaine qui précéda
l’enterrement, à faire cet examen un peu abstrait, à dresser le
compte de toute la fortune qui venait d’échoir à Peggotty, à mettre
en ordre toutes ses affaires, en un mot, à devenir son conseil et
son oracle en toutes choses, à notre commune satisfaction. Je ne
revis pas Émilie dans l’intervalle, mais on me dit qu’elle devait
se marier sans bruit quinze jours après.
Je ne suivis pas le convoi en costume, s’il
m’est permis de m’exprimer ainsi. Je veux dire que je n’avais pas
revêtu un manteau noir et un long crêpe, fait pour servir
d’épouvantail aux oiseaux, mais je me rendis, à pied, de bonne
heure à Blunderstone, et je me trouvais dans le cimetière quand le
cercueil arriva, suivi seulement de Peggotty et de son frère. Le
monsieur fou regardait de ma petite fenêtre ; l’enfant de
M. Chillip remuait sa grosse tête et tournait ses yeux ronds
pour contempler le pasteur par-dessus l’épaule de sa bonne ;
M. Omer soufflait sur le second plan ; il n’y avait point
d’autres assistants, et tout se passa tranquillement. Nous nous
promenâmes dans le cimetière pendant une heure environ quand tout
fut fini, et nous cueillîmes quelques bourgeons à peine épanouis
sur l’arbre qui ombrageait le tombeau de ma mère.
Ici la crainte me gagne ; un nuage sombre
plane au-dessus de la ville que j’aperçois dans le lointain, en
dirigeant de ce côté ma course solitaire. J’ai peur d’en approcher,
comment pourrai-je supporter le souvenir de ce qui nous arriva
pendant cette nuit mémorable, de ce que je vais essayer de
rappeler, si je puis surmonter mon trouble ?
Mais ce n’est pas de le raconter qui empirera
le mal ; que gagnerais-je à arrêter ici ma plume, qui tremble
dans ma main ? Ce qui est fait est fait, rien ne peut le
défaire, rien ne peut y changer la moindre chose.
Ma vieille bonne devait venir à Londres avec
moi, le lendemain, pour les affaires du testament. La petite Émilie
avait passé la journée chez M. Omer ; nous devions nous
retrouver tous le soir dans le vieux bateau ; Ham devait
ramener Émilie à l’heure ordinaire ; je devais revenir à pied
en me promenant. Le frère et la sœur devaient faire leur voyage de
retour comme ils étaient venus, et nous attendre le soir au coin du
feu.
Je les quittai à la barrière, où un Straps
imaginaire s’était reposé avec le havre-sac de Roderick Randorn, au
temps jadis ; et, au lieu de revenir tout droit, je fis
quelques pas sur la route de Lowestoft ; puis je revins en
arrière, et je pris le chemin de Yarmouth. Je m’arrêtai pour dîner
à un petit café décent, situé à une demi-heure à peu près du gué
dont j’ai déjà parlé ; le jour s’écoula, et j’atteignis le gué
à la brune. Il pleuvait beaucoup, le vent était fort, mais la lune
apparaissait de temps en temps à travers les nuages, et il ne
faisait pas tout à fait noir.
Je fus bientôt en vue de la maison de
M. Peggotty, et je distinguai la lumière qui brillait à la
fenêtre. Me voilà donc piétinant dans le sable humide, avant
d’arriver à la porte ; enfin j’y suis et j’entre.
Tout présentait l’aspect le plus confortable.
M. Peggotty fumait sa pipe du soir, et les préparatifs du
souper allaient leur train : le feu brûlait gaiement :
les cendres étaient relevées ; la caisse sur laquelle
s’asseyait la petite Émilie l’attendait dans le coin accoutumé.
Peggotty était assise à la place qu’elle occupait jadis, et, sans
son costume de veuve, on aurait pu croire qu’elle ne l’avait jamais
quittée. Elle avait déjà repris l’usage de la boîte à ouvrage, sur
le couvercle de laquelle on voyait représentée la cathédrale de
Saint-Paul : le mètre roulé dans une chaumière, et le morceau
de cire étaient là à leur poste comme au premier jour. Mistress
Gummidge grognait un peu dans son coin comme à l’ordinaire, ce qui
ajoutait à l’illusion.
« Vous êtes le premier, monsieur David,
dit M. Peggotty d’un air radieux. Ne gardez pas cet habit,
s’il est mouillé, monsieur.
– Merci, monsieur Peggotty, lui dis-je, en lui
donnant mon paletot pour le suspendre ; l’habit est
parfaitement sec.
– C’est vrai, dit M. Peggotty en tâtant
mes épaules ; sec comme un copeau.
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