Et quel
océan !
Une tempête de rires et de larmes.
Si vous montez sur un navire ayez soin de regarder la
figure de proue qui vous fixera d'un œil rongé par la houle
et l'eau salée.
Mais que dis-je ? Les spectacles de l'amour ne m'intéressent guère. Je ne veux plus être qu'une voile emportée
au gré des moussons vers des continents inconnus où je
ne trouverai qu'une seule personne. Celle pour laquelle
vous avez un nom tout trouvé.
Je me déshabille, ainsi qu'il sied à un explorateur perdu
dans une île et je reste immobile ainsi qu'une figure de
proue.
Salut à toi, vent du large et à toi, désert, et à toi,
oubli.
On m'oubliera. Quelque jour, on ne saura plus mon
nom, mais je saurai son nom. Un soir, couvert de gloire
et riche, je reviendrai, je frapperai à sa porte, tout nu,
mais on ne me répondra pas, même, ayant ouvert la porte,
quand j'apparaîtrai à ses yeux.
J'ai gagné, du moins, le sens de la perpétuité. Non pas
celle, ridicule, des concessions de cimetière.
Je souhaite en vain l'apparition des guillotines, mais je
ne puis offrir aux foules sanguinaires que mon désir de
suicide.
Révolution ! Tu ne brilleras qu'après ma mort, sur la
place immense de marbre blanc qui recouvrira mon
immense cadavre.
La France est un nid de guêpes, l'Europe un champ
pourri et le monde une presqu'île de ma conscience.
Mais heureusement il me reste les étoiles, et la conscience de ma grandeur morale opposée aux mille obstacles
que le monde apporte à mon amour.
(Inédit)
CONTE DE FÉE
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme.
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n'aimaient pas celui et celle qui les aimaient.
Il était une fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s'aimaient.
(Inédit)
L'OISEAU MÉCANIQUE
L'oiseau tête brûlée
Qui chantait la nuit
Qui réveillait l'enfant
Qui perdait ses plumes dans l'encrier
L'oiseau pattes de sept lieues
Qui cassait les assiettes
Qui dévastait les chapeaux
Qui revenait de Suresnes
L'oiseau l'oiseau mécanique
A perdu sa clef
Sa clef des champs
Sa clef de voûte
Voilà pourquoi il ne chante plus.
(Inédit)
PAS VU ÇA
Pas vu la comète
Pas vu la belle étoile
Pas vu tout ça
Pas vu la mer en flacon
Pas vu la montagne à l'envers
Pas vu tant que ça
Mais vu deux beaux yeux
Vu une belle bouche éclatante
Vu bien mieux que ça.
(Inédit)
CHANSON DU PETIT JOUR
La bague au doigt
Que vous m'aviez donnée
Je ne sais si je dois
Si je dois pardonner.
Dans la ville de Lille
Ils s'étaient séparés
Adieu ! et par la ville
Tous deux étaient allés.
Au labeur de la mine
Il noircissait ses mains
Du poussier pour l'angine
Du caillou pour la faim.
La bague au doigt
Que vous m'aviez donnée
Je ne sais si je dois
Si je dois pardonner.
Beaucoup souffraient pour elle
Elle avait de beaux yeux
Et qu'elle était donc belle
Avec ses blonds cheveux !
Si belle que pour elle
Beaucoup aimaient pleurer
Amour à la cruelle
Vous nous réunirez.
La bague au doigt
Que vous m'aviez donnée
Je ne sais si je dois
Si je dois pardonner.
Il est mort en décembre
Noirci par le charbon
A l'heure où dans la chambre
Auprès du feu fait bon.
Il pourrit dans la terre
Quelque part dans le Nord
Où l'on boit de la bière
Et tant pis pour les morts !
La bague au doigt
Que vous m'aviez donnée
Je ne sais si je dois
Si je dois pardonner.
Eh bien tant mieux pour elle
Et bien tant pis pour lui !
Sachez vivre pucelles
Une vie sans ennui.
Soyez riches méchantes
Et laissez dans vos cœurs
Tomber des larmes lentes
En gardant les yeux rieurs.
La bague au doigt
Que vous m'aviez donnée
Je ne sais si je dois
Si je dois pardonner.
(Inédit)
LA NÉGRESSE
La négresse qui danse
Encore à minuit
Dansera jusqu'à l'aurore
Jusqu'à midi et jusqu'à l'autre nuit.
Les seins bandés
Et les yeux clos
Elle parcourt un beau pays
Où la tendresse se mêle à la colère.
Elle sera toute surprise
Après la danse après l'ivresse
De retrouver la rue froide
La nuit précoce et les draps froids.
Comme une Vénus inconnue
Surgissant de la conque blanche du lit
Elle reposera son beau corps
En rêvant d'un Olympe noir comme elle
Et des anges noirs comme du charbon
Soulevant cette déesse de couleur
L'emporteront vers un pays de ténèbres
Où brille un soleil éclatant et bleu.
Là les amants sont tendres et méchants
Et ils comprennent ses chansons
L'amour ne les fatigue pas
Et la mer a le parfum des corps virils.
Voilà la vie de la négresse qui danse
Qui danse encore à minuit
Qui dansera jusqu'à l'aurore
Jusqu'à demain midi et toute l'autre nuit.
(Inédit)
COUCHÉE
A droite, le ciel, à gauche, la mer.
Et devant les yeux, l'herbe et ses fleurs.
Un nuage, c'est la route, suit son chemin vertical
Parallèlement à l'horizon de fil à plomb,
Parallèlement au cavalier.
Le cheval court vers sa chute imminente
Et cet autre monte interminablement.
Comme tout est simple et étrange.
Couchée sur le côté gauche,
Je me désintéresse du paysage
Et je ne pense qu'à des choses très vagues,
Très vagues et très heureuses,
Comme le regard las que l'on promène
Par ce bel après-midi d'été
A droite, à gauche,
De-ci, de-là,
Dans le délire de l'inutile.
(Inédit)
IL A SU TOUCHER MON CŒUR
L'autre soir j'ai rencontré
Un séduisant jeune homme
Et nous avons folâtré
Et dégusté la pomme
Dans le lit que j'étais bien !
Car le lit c'était le sien.
Il avait su toucher mon cœur
Tout en fièvre
Et j'aimais déjà la saveur
De ses lèvres
Au bout d'un petit instant
Un instant
Qui dura longtemps
Mais qui me parut trop rapide
Il me quitta d'un air languide
Pour aller se laver les mains
Tout près dans la sall' de bains.
Peu après il est rentré
Tout rempli de courage
Et il a recommencé
Plein de cœur à l'ouvrage
Car douze fois dans la nuit
La même chose il refit.
Il avait su toucher mon cœur
Tout en fièvre
Et je garde encor la saveur
De ses lèvres
Mais le lendemain matin
Du festin
Sur le traversin
Je vis qu'il y avait trois têtes
Et je compris toute la fête
C'était tour à tour deux jumeaux
Qui s'étaient donné le mot.
J'ai gardé ces deux chameaux
Ne sachant lequel prendre
Maint'nant j'aim' les deux jumeaux
Qui sav'nt bien me le rendre
Et je cherche chaque nuit
Si c'est l'autre ou si c'est lui.
Car ils ont su toucher mon cœur
Tout en fièvre
Il me faut toujours la saveur
De leurs lèvres
L'un à l'autre fait pendant
C'est charmant
Mais c'est fatigant
Je me demande très anxieuse
Quel serait mon sort d'amoureuse
Si leur mère mieux stimulée
Avait fait des quintuplés.
(Inédit, 1938)
COMPLAINTE DES CALEÇONS
Depuis que j'suis dans la marine
A bord du paqu'bot Pompadour
J'en ai marre de la marine
Je marronne et pleur' tous les jours.
Moi qui ne rêvais qu'abordage
Ciel nouveau, cyclone et orage,
Je suis à bord valet de chambre.
Alors, de janvier à décembre...
Cal'çons, chaussett's, souliers, gilets, chemises...
Je bross', je r'pass', j'nettoie, j'recouds, j'reprise
Ça me neurasthénise.
J'avais rêvé la vie des marins.
Du tropique aux banquises
D'Amérique et d'Asie au sable africain
Bordeaux, Tokyo, Valparaiso, Venise
Congo, Porto, Noix-de-Coco, Rio
Qu'la mer soit bleue ou grise
A fond de cale je répar' les trousseaux :
Cal'çons, chaussett's, souliers, gilets, chemises...
Aussi un jour à Buenos-Aires
J'abandonnai la cargaison
Pour une fille de Madère
Que je suivis dans sa maison.
Mais moi qui rêvais aventures
Don José, Carmen et luxure
Je suis encor valet de chambre,
Alors, de janvier à décembre...
Cal'çons, chaussett's, souliers, gilets, chemises...
Je bross', je r'pass', j'nettoie, j'recouds, j'reprise
Ça me neurasthénise.
J'avais rêvé la vie des chât'lains.
Hélas quelle méprise !
Pas d'amour, pas d'ami, partout le dédain,
Gaby, Dolly, Suzy, me martyrisent
Daisy, Marie, Nini m'font fair' leur lit
L'patron me terrorise
Et j'm'occup' du ling' des affranchis :
Cal'çons, chaussett's, souliers, gilets, chemises...
Fatigué, revenu en France,
C'est à Paris rue Montpensier
Que j'ai comblé mes espérances.
Avec Adèl' je m'suis marié.
Moi je l'ador', elle est fidèle
C'est un bijou, c'est un modèle
Je lui sers de valet de chambre.
Alors de janvier à décembre...
Jupons, bas d'soie, souliers, chapeaux, chemises...
J'achèt', j'essai(e), je pai(e), je fais des r'prises.
Elle aime la toilette
Elle a tout le bon goût féminin
Je suis couvert de dettes
Car je cours chaque jour les grands magasins
Finis bateaux, finis châteaux, bêtises,
Adieu marins, gauchos, adieu pampas,
Ainsi pas à pas je brise
Avec ce passé qui me dupa :
Jupons, bas d'soie, souliers, c'est ma devise !
(Inédit, 1939)
LA FAMILLE DUPANARD
DE VITRY-SUR-SEINE
La tribu Dupanard
Les parents les moutards
Habit' dans un gourbi
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quelle veine !
Le papa Dupanard
A jadis fait son lard
Au retour d' Biribi
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quelle aubaine !
La maman Dupanard
S'est rangé' sur le tard
Ell' buvait des anis
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quelle haleine !
Le p'tit Louis Dupanard
D'habitude couche au quart
Puis il fait son fourbi
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quell' vilaine !
La Louison Dupanard
A des patt' de canard
Des poils de ouistiti
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quell' Sirène !
Au musé' Dupuytren
Il y en a encor un
Il n'a pas fait son lit
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quelle peine !
Dans l'caveau familial
Ils iront c'est fatal
C'est la mort c'est la vi'
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Ah ! quel domaine !
Puis on les oubliera
Tôt ou tard c'est comm' ça !
A Pékin à Paris
A Vitry
A Vitry-sur-Seine
Faridondaine !
(Inédit, 1939)
CHANTEFABLES ET CHANTEFLEURS
LE PAPILLON
Trois cent millions de papillons
Sont arrivés à Châtillon
Afin d'y boire du bouillon.
Châtillon-sur-Loire
Châtillon-sur-Marne
Châtillon-sur-Seine.
Plaignez les gens de Châtillon !
Ils n'ont plus d'yeux dans leur bouillon
Mais des millions de papillons.
Châtillon-sur-Seine
Châtillon-sur-Marne
Châtillon-sur-Loire.
LA FOURMI
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n'existe pas, ça n'existe pas.
Eh ! pourquoi pas ?
LES HIBOUX
Ce sont les mères des hiboux
Qui désiraient chercher les poux
De leurs enfants, leurs petits choux,
En les tenant sur les genoux.
Leurs yeux d'or valent des bijoux,
Leur bec est dur comme cailloux,
Ils sont doux comme des joujoux,
Mais aux hiboux point de genoux !
Votre histoire se passait où ?
Chez les Zoulous ? Les Andalous ?
Ou dans la Cabane Bambou ?
A Moscou ou à Tombouctou ?
En Anjou ou dans le Poitou ?
Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou !
Pas du tout, c'était chez les fous.
LE ZÈBRE
Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d'un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l'écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison, sur son pelage,
A laissé l'ombre du grillage.
LA GIRAFE
La girafe et la girouette,
Vent du sud et vent de l'est,
Tendent leur cou vers l'alouette,
Vent du nord et vent de l'ouest.
Toutes deux vivent près du ciel,
Vent du sud et vent de l'est,
A la hauteur des hirondelles,
Vent du nord et vent de l'ouest.
Et l'hirondelle pirouette,
Vent du sud et vent de l'est,
En été sur les girouettes,
Vent du nord et vent de l'ouest.
L'hirondelle fait des paraphes,
Vent du sud et vent de l'est,
Tout l'hiver autour des girafes,
Vent du nord et vent de l'ouest.
LE TAMANOIR
– Avez-vous vu le tamanoir ?
Ciel bleu, ciel gris, ciel blanc, ciel noir.
– Avez-vous vu le tamanoir ?
Œil bleu, œil gris, œil blanc, œil noir.
– Avez-vous vu le tamanoir ?
Vin bleu, vin gris, vin blanc, vin noir.
Je n'ai pas vu le tamanoir !
Il est rentré dans son manoir
Et puis avec son éteignoir
Il a coiffé tous les bougeoirs.
Il fait tout noir.
LA BALEINE
Plaignez, plaignez la baleine
Qui nage sans perdre haleine
Et qui nourrit ses petits
De lait froid sans garantie.
Oui mais, petit appétit,
La baleine fait son nid
Dans le fond des océans
Pour ses nourrissons géants.
Au milieu des coquillages,
Elle dort sous les sillages
Des bateaux, des paquebots
Qui naviguent sur les flots.
LE PÉLICAN
Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-Orient.
Le pélican de Jonathan,
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D'où sort, inévitablement,
Un autre qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.
LE BLAIREAU
Pour faire ma barbe
Je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.
Par mes poils de barbe !
S'écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.
Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe
T'auras pas ma peau.
L'OURS
Le grand ours est dans la cage,
Il s'y régale de miel.
La Grande Ourse est dans le ciel,
Au pays bleu des orages.
Bisque ! Bisque ! Bisque ! Rage !
Tu n'auras pour tout potage
Qu'un balai dans ton ménage,
Une gifle pour tes gages,
Ta chambre au dernier étage
Et un singe en mariage !
LE CYCLAMEN
Le cyclamen de Clamecy,
Qui regrette tant la Savoie,
Clame par-ci, clame par-là
De toute sa voix.
Mais il est sur la bonne voie,
Le cyclamen reverra la Savoie.
LA TULIPE
Fanfan, Marceline et Philippe,
Nous étions une fine équipe,
Pipe en terre et tulipe en pot.
Tulipanpo, roi des nabots,
Nous a fait fumer la pipe,
Vive le pot de tulipe !
LA VÉRONIQUE
La véronique et le taureau
Parlaient ensemble au bord de l'eau.
Le taureau dit « Tu es bien belle »
La véronique « Tu es beau. »
La véronique est demoiselle
Mais le taureau n'est que taureau.
LE SOLEIL
Soleil en terre, tournesol,
Dis-moi, qu'as-tu fait de la lune ?
Elle est au ciel, moi sur le sol,
Mais nous avons même fortune
Car sur nous-mêmes nous tournons
Comme des fous au cabanon.
LE SERINGA
A Seringapatam
Qu'on batte le tam-tam
Qu'on sonne la trompette
C'est aujourd'hui la fête
Fête des seringas
Et des rutabagas.
Honneur aux seringas
Honte aux rutabagas.
LE CAMÉLIA ET LE DAHLIA
Un troupeau de camélias
Puis un troupeau de dahlias
Ont traversé notre pelouse.
Dahlias et camélias
L'an est un et les mois sont douze
Camélias et dahlias.
AUJOURD'HUI
JE ME SUIS PROMENÉ...
Aujourd'hui je me suis promené avec mon camarade,
Même s'il est mort,
Je me suis promené avec mon camarade.
Qu'ils étaient beaux les arbres en fleurs,
Les marronniers qui neigeaient le jour de sa mort.
Avec mon camarade je me suis promené.
Jadis mes parents
Allaient seuls aux enterrements
Et je me sentais petit enfant.
Maintenant je connais pas mal de morts,
J'ai vu beaucoup de croque-morts
Mais je n'approche pas de leur bord.
C'est pourquoi tout aujourd'hui
Je me suis promené avec mon ami.
Il m'a trouvé un peu vieilli,
Un peu vieilli, mais il m'a dit :
Toi aussi tu viendras où je suis,
Un Dimanche ou un Samedi.
Moi, je regardais les arbres en fleurs,
La rivière passer sous le pont
Et soudain j'ai vu que j'étais seul.
Alors, je suis rentré parmi les hommes.
(1936)
(État de Veille)
COUPLETS
DE LA RUE SAINT-MARTIN
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin,
Je n'aime rien, pas même le vin.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Nous partagions la chambre et le pain.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Il a disparu un matin,
Ils l'ont emmené, on ne sait plus rien.
On ne l'a plus revu dans la rue Saint-Martin.
Pas la peine d'implorer les saints,
Saints Merri, Jacques, Gervais et Martin,
Pas même Valérien qui se cache sur la colline.
Le temps passe, on ne sait rien.
André Platard a quitté la rue Saint-Martin.
(1942)
(État de Veille)
COUPLET DE LA RUE DE BAGNOLET
Le soleil de la rue de Bagnolet
N'est pas un soleil comme les autres.
Il se baigne dans le ruisseau,
Il se coiffe avec un seau,
Tout comme les autres,
Mais, quand il caresse mes épaules,
C'est bien lui et pas un autre,
Le soleil de la rue de Bagnolet
Qui conduit son cabriolet
Ailleurs qu'aux portes des palais.
Soleil, soleil ni beau ni laid,
Soleil tout drôle et tout content,
Soleil de la rue de Bagnolet,
Soleil d'hiver et de printemps,
Soleil de la rue de Bagnolet,
Pas comme les autres.
(1942)
(État de Veille)
COUPLET DU VERRE DE VIN
Quand le train partira n'agite pas la main,
Ni ton mouchoir, ni ton ombrelle,
Mais emplis un verre de vin
Et lance vers le train dont chantent les ridelles
La longue flamme du vin,
La sanglante flamme du vin pareille à ta langue
Et partageant avec elle
Le palais et la couche
De tes lèvres et de ta bouche.
(1942)
(État de Veille)
COUPLET DU TROTTOIR D'ÉTÉ
Couchons-nous sur le pavé
Par le soleil chauffé, par le soleil lavé,
Dans la bonne odeur de poussière
De la journée achevée,
Avant la nuit levée,
Avant la première lumière,
Et nous guetterons dans le ruisseau
Les reflets des nuages en assaut,
Le coup de sang de l'horizon
Et la première étoile au-dessus des maisons.
(État de Veille)
COUPLET DU BOUCHER
La belle, si tu veux, je ferai ton lit
Dans le décor sanglant de ma boutique.
Mes couteaux seront les miroirs magiques
Où le jour se lève, éclate et pâlit.
Je ferai ton lit creux et chaud
Dans le ventre ouvert d'une génisse
Et, quand tu dormiras, pour qu'il te rajeunisse,
Je veillerai sur lui comme un bourreau sur l'échafaud.
(État de Veille)
POSTFACE
DE
ÉTAT DE VEILLE
Les premiers poèmes de ce recueil datent de 1936. Durant toute
cette année et jusqu'au printemps 1937, je m'étais contraint à
écrire un poème chaque soir, avant de m'endormir. Avec ou sans
sujet, fatigué ou non, j'observai fidèlement cette discipline. J'emplis ainsi une série de cahiers où, on l'imagine, le déchet fut
grand quand, en 1940, j'entrepris de les relire. Certains, cependant, figurent dans Fortunes sous le titre général de « Les Portes
battantes ». Les présents poèmes ne sont pas ici publiés dans leur
texte original. Ils ont parfois été refaits complètement. Mais l'expérience valait d'être tentée. Certains soirs le poème s'imposait,
il s'était construit de lui-même au cours de la journée. D'autres
fois, le cerveau vide, c'était un thème inattendu qui guidait la
main plutôt que la pensée. Mais il ne s'agissait pas d'écriture
automatique. Chaque mot, chaque vers, était contrôlé et l'exigence
mécanique se manifestait plutôt dans le rythme, dans une nécessité d'assonance et de formes primitives telle que celle des tercets à rime ou assonance unique.
Le résultat d'une telle entreprise fut une « purge » intellectuelle
complète qui m'aurait fait sans doute renoncer définitivement à
la poésie si je n'avais eu à l'époque la chance d'être un des plus
féconds rédacteurs de slogans et indicatifs publicitaires radiophoniques.
Toute substance poétique gratuite, toute inspiration étant pour
longtemps consommées, je me livrai avec passion au travail quasi
mathématique mais cependant intuitif de l'adaptation des paroles
à la musique, de la fabrication des sentences, proverbes et devises
publicitaires, travail dont la première exigence était un retour
aux règles proprement populaires en matière de rythme. Je ne
doute pas qu'un jour les folkloristes ne se penchent sur l'énorme
production commerciale des différents postes français de radio
pendant la dite période et n'y trouvent prétexte à enseignements
sur le mode de vie et la sensibilité française.
J'ai ajouté à ces « poèmes forcés » des « couplets » composés
avec l'ambition de proposer aux musiciens des textes du genre
des « coplas » espagnoles, des « sons » cubains ou des « blues »
américains. C'est-à-dire des textes dont ils puissent user avec la
plus grande liberté, en coupant, en répétant des phrases, en ajoutant même ce qu'ils voudront y ajouter, ceci en souhaitant qu'ils
laissent aux orchestres une liberté identique pour l'exécution de
leur musique.
Quelques poèmes, en apparence plus classiques, terminent ce
recueil. Ils font partie d'une expérience en cours dont il m'est
impossible de prévoir l'évolution et dont je ne saurais parler clairement.
Il suffit de dire que je tente de revenir à Nerval, peut-être aussi
à Gongora, ou plutôt de repartir de leurs œuvres par des chemins
différents de ceux qui ont conduit la poésie à travers des paysages
si émouvants jusqu'au domaine contemporain, trop cultivé peut-être.
En définitive, ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le
poète.
LE PAYSAGE
J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l'issue de sentiers sans détours.
J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus cet orage où l'éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l'adieu du carrefour.
C'est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu'aucun lexique au monde n'a traduit,
L'écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
A vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
(Contrée)
LA VOIX
Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit « La peine sera de courte durée »
Elle dit « La belle saison est proche. »
Ne l'entendez-vous pas ?
(Contrée)
CALIXTO
L'aube à la fin s'enfuit d'une cruche brisée
Quand tu trébuches, Calixto, et ta lanterne
Change et le paysage, avec lui-même, alterne,
Révélant des tessons sur la terre baisée.
Tes baisers, Calixto, dans la vague alizée
Sont roulés et polis et tes yeux dans leur cerne
Sombrent à fond de larme et ton regard en berne
N'atteint plus ton reflet sur la mer apaisée.
Ourse rejoint, c'est l'heure, une tannière obscure
A force de soleil et, courbant l'encolure,
Continue invisible à marcher par les airs.
On entendra pourtant tes râles et tes plaintes
Dans la vie où s'embrouille un fil de labyrinthe :
Écoutez Calixto rugir dans son désert.
.....
Tu viens au labyrinthe, où les ombres s'égarent,
Graver sur les parois la frise d'un passé
Où la vie et le rêve et l'oubli, espacés
Par les nuits, revivront en symboles bizarres.
Je viens au labyrinthe où plus gros qu'une amarre
Se noua le vieux fil avant de se casser.
Ses deux bouts, sur le sol roulent sans se lasser,
Tout se tait mais je sens naître au loin la fanfare.
Tu viens au labyrinthe et, d'un pas sans défaut,
Du seuil au seuil tu vas, tu passes sans assaut,
Ton être se dissout dans sa propre légende.
Je viens au labyrinthe oublier mes cinq sens.
J'ai suivi le courant sans en choisir le sens.
La fanfare s'éteint avant que je l'entende.
.....
(Extrait de « Calixto », inédit, 1942)
LE VEILLEUR
DU PONT AU CHANGE
Je suis le veilleur de la rue de Flandre.
Je veille tandis que dort Paris.
Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.
J'entends passer des avions au-dessus de la ville.
Je suis le veilleur du Point-du-Jour.
La Seine se love dans l'ombre, derrière le viaduc d'Auteuil,
Sous vingt-trois ponts à travers Paris.
Vers l'ouest j'entends des explosions.
Je suis le veilleur de la Porte Dorée.
Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses
ténèbres.
J'ai entendu des cris dans la direction de Créteil
Et des trains roulent vers l'est avec un sillage de chants
de révolte.
Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.
Le vent du sud m'apporte une fumée âcre,
Des rumeurs incertaines et des râles
Qui se dissolvent, quelque part, dans Plaisance ou Vaugirard.
Au sud, au nord, à l'est, à l'ouest,
Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.
Je suis le veilleur du Pont au Change
Veillant au cœur de Paris dans la rumeur grandissante
Où je reconnais les cauchemars paniques de l'ennemi,
Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,
Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands d'Hitler.
Je suis le veilleur du Pont au Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre
et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous
presse.
Dans l'air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu'à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent
les hommes.
Des cris, des chants, des râles, des fracas, il en vient de
partout,
Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de
thé,
Des quatre coins de l'horizon à travers les obstacles du
globe,
Avec des parfums de vanille, de terre mouillée et de sang,
D'eau salée, de poudre et de bûchers,
De baisers d'une géante inconnue enfonçant à chaque pas
dans la terre grasse de chair humaine.
Je suis le veilleur du Pont au Change
Et je vous salue, au seuil du jour promis,
Vous tous camarades de la rue de Flandre à la Poterne
des Peupliers,
Du Point-du-Jour à la Porte Dorée.
Je vous salue vous qui dormez
Après le dur travail clandestin,
Imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails,
incendiaires,
Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages,
Je vous salue vous tous qui résistez, enfants de vingt
ans au sourire de source,
Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes,
images des saisons,
Je vous salue au seuil du nouveau matin.
Je vous salue sur les bords de la Tamise,
Camarades de toutes nations présents au rendez-vous,
Dans la vieille capitale anglaise,
Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne,
Américains de toutes races et de tous drapeaux,
Au delà des espaces atlantiques,
Du Canada au Mexique, du Brésil à Cuba,
Camarades de Rio, du Tehuantepec, de New-York et
San Francisco.
J'ai donné rendez-vous à toute la terre sur le Pont au
Change,
Veillant et luttant comme vous. Tout à l'heure,
Prévenu par son pas lourd sur le pavé sonore,
Moi aussi j'ai abattu mon ennemi.
Il est mort dans le ruisseau, l'Allemand d'Hitler anonyme et haï,
La face souillée de boue, la mémoire déjà pourrissante,
Tandis que, déjà, j'écoutais vos voix des quatre saisons,
Amis, amis et frères des nations amies.
J'écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains,
Dans les lourds relents de l'océan Pacifique,
Blanches escadres de mains tendues dans l'obscurité,
Hommes d'Alger, Honolulu, Tchoung-King,
Hommes de Fez, de Dakar et d'Ajaccio.
Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons
et des cœurs,
Du front de Russie flambant dans la neige,
Du lac Ilmen à Kief, du Dniepr au Pripet,
Vous parvenez à moi, nés de millions de poitrines.
Je vous écoute et vous entends, Norvégiens, Danois, Hollandais,
Belges, Tchèques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois,
Albanais et Yougoslaves, camarades de lutte,
J'entends vos voix et je vous appelle,
Je vous appelle dans ma langue connue de tous,
Une langue qui n'a qu'un mot :
Liberté !
Et je vous dis que je veille et que j'ai abattu un homme
d'Hitler.
Il est mort dans la rue déserte.
Au cœur de la ville impassible j'ai vengé mes frères
assassinés
Au fort de Romainville et au Mont Valérien,
Dans les échos fugitifs et renaissants du monde, de la
ville et des saisons.
Et d'autres que moi veillent comme moi et tuent,
Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues
désertes,
Comme moi ils écoutent les rumeurs et les fracas de la
terre.
A la porte Dorée, au Point-du-Jour,
Rue de Flandre et Poterne des Peupliers,
A travers toute la France, dans les villes et les champs,
Mes camarades guettent les pas dans la nuit
Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la
terre.
Car la terre est un camp illuminé de milliers de feux.
A la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre
Et peut-être aussi, camarades, écoutez-vous les voix,
Les voix qui viennent d'ici quand la nuit tombe,
Qui déchirent des lèvres avides de baisers
Et qui volent longuement à travers les étendues
Comme des oiseaux migrateurs qu'aveugle la lumière
des phares
Et qui se brisent contre les fenêtres du feu.
Que ma voix vous parvienne donc
Chaude et joyeuse et résolue,
Sans crainte et sans remords,
Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades,
Voix de l'embuscade et de l'avant-garde française.
Écoutez-nous à votre tour, marins, pilotes, soldats.
Nous vous donnons le bonjour,
Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de
notre espoir,
Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour,
A vous qui êtes proches et, aussi, à vous
Qui recevrez notre vœu du matin
Au moment où le crépuscule en bottes de paille entrera
dans vos maisons.
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour !
(Paru sous le nom de VALENTIN GUILLOIS. – Europe,
Éditions de Minuit)
MARÉCHAL DUCONO
Maréchal Ducono se page avec méfiance,
Il rêve à la rebiffe et il crie au charron
Car il se sent déjà loquedu et marron
Pour avoir arnaqué le populo de France.
S'il peut en écraser, s'étant rempli la panse,
En tant que maréchal à maousse ration,
Peut-il être à la bonne, ayant dans le croupion
Le pronostic des fumerons perdant patience ?
A la péter les vieux et les mignards calenchent,
Les durs bossent à cran et se brossent le manche :
Maréchal Ducono continue à pioncer.
C'est tarte, je t'écoute, à quatre-vingt-six berges,
De se savoir vomi comme fiotte et faux derge
Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser.
PETRUS D'AUBERVILLIERS
Parce qu'il est bourré d'aubert et de bectance
L'Auverpin mal lavé, le baveux des pourris
Croit-il encore farcir ses boudins par trop rances
Avec le sang des gars qu'on fusille à Paris ?
Pas vu ? Pas pris ! Mais il est vu, donc il est frit,
Le premier bec de gaz servira de potence,
Sans préventive, sans curieux et sans jury
Au demi-sel qui nous a fait payer la danse.
Si sa cravate est blanche elle sera de corde.
Qu'il ait des roustons noirs ou bien qu'il se les morde,
Il lui faudra fourguer son blaze au grand pégal.
Il en bouffe, il en croque, il nous vend, il nous donne
Et, à la Kleberstrasse, il attend qu'on le sonne.
Mais nous le sonnerons, nous, sans code pénal.
(Ces deux derniers poèmes parurent
dans le no II de « Messages »,
sous la signature CANCALE)
RÉFLEXIONS SUR LA POÉSIE
Il y a une constante poétique. Il y a des changements de mode.
Il y a des changements de manies. Il y a aussi des motifs d'inspiration si impérieux que, à tout prix, il faut qu'ils soient exprimés. Ces motifs d'inspiration existent en ce moment et ils doivent
s'exprimer en ce moment.
*
Chacun trouve son aliment poétique où il lui plaît. La lecture
des Dieux verts de Pierre Devaux m'a plus appris sur un mécanisme possible de l'image poétique que tel ou tel pesant article.
*
Villon, Gérard de Nerval, Gongora me paraissent avec le grand
Baffo des sujets de réflexions actuelles quant à la technique poétique. Unir le langage populaire, le plus populaire, à une atmosphère inexprimable, à une imagerie aiguë ; annexer des domaines
qui, même de nos jours, paraissent incompatibles avec le satané
« langage noble » qui renaît sans cesse des langues arrachées du
cerbère galeux qui défend l'entrée du domaine poétique, voilà qui
me paraît besogne souhaitable sans oublier, je le répète, certains
motifs impérieux d'inspiration actuelle...
*
Les plus grands noms de notre époque (je parle des poètes) ne
sont pas encore assurés d'une place supérieure au troisième rayon
de la bibliothèque d'un érudit curieux de l'an 2000. Cela n'a
d'ailleurs aucune importance.
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