Sur le trajet des fils, aucune sensation spéciale. Et, je me disais : « tout de même, si les Esquimaux avaient ça ! ». Chef d'œuvre de la technique, ce bain tiède, homogène – sauf les doigts – j'avais froid aux doigts. Mais, enfin, c'était supportable. Et j'ai navigué longtemps, dans le ciel, la main sur la détente des mitrailleuses.
Puis, quand je suis descendu :
– Quelle température ?
– Moins 51o.
– Tu n'as pas dû avoir bien chaud ?
– Si, mais rien de désagréable. Tu m'avais dit que l'oxygène chaud brûlait le nez, et mon nez était bien à l'aise. Quant aux chaussons...
– « ... Ne risquaient pas non plus, tes chaussons, de te brûler... Tu as oublié le contact. »
Et moi qui imaginais, avant ce baptême, une lutte lente contre l'évanouissement. L'affreuse peau moite, du front et des mains, et cette sensation douce et sucrée, cette sorte de perversion des sens.
Non. Moins dur, 10 000 mètres, que 6 000 mètres sans oxygène. Et, tout à coup, toutes mes admirations tombent en vrac. Celles de Toulouse, pour le commandant Michy, le seul militaire que j'ai connu, qui affronta les hautes altitudes. Ces héros, chaque jour renouvelés. Ils redescendent et parlent peu sur leurs épreuves. Les héros sont ainsi. Bourrus, et parlant peu. Quand on les interroge ils haussent les épaules. « Petit, tu ne peux pas comprendre ! » Une fois de plus, je découvre le sens de leur silence. C'est qu'ils n'ont rien à dire. Le courage n'est pas là. Il est dans le choix. Et il est courageux, Michy. Parce que l'on sait, a priori, qu'il y a un certain pourcentage d'accidents par panne d'oxygène à 10 000 mètres, et que c'est mortel. Alors il faut un effort pour choisir d'emblée ce métier. Et puis, ensuite, il faut bien se décider à partir soi-même, pour de bon, à la chasse du fantôme.
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