Il faut provisionner le chèque courage. Et ça, c'est méritoire. Cela seulement. Mais, une fois le fantôme liquidé, ça devient un métier comme un autre. Voler à 10 000 mètres ou rempailler des chaises.. Puisque le fantôme est déjà mort. J'ai bien connu ça, chaque fois. Pour les courriers de nuit. Pour la noyade en mer. Pour la mort par la soif. Et Daurat... Daurat n'enseignait pas le courage aux hommes : il les obligeait à tuer les fantômes. Je l'ai déjà dit dans Vol de Nuit.
J'ai été si content, avant-hier, quand ma première montée s'est trouvée décommandée : quel con j'étais !
Mais alors le courage, ça devient quelque chose d'autrement noble qu'une violence d'adjudant ivre : ça devient une condition de la connaissance de soi-même. Bien sûr, bien sûr, il n'y a de drames que sociaux. Il n'y a que l'enfant malade qui soit dramatique. Il n'y a que l'autre qui soit dramatique. Soi, ça n'est jamais, jamais, dramatique. 10 000 mètres, on y va. On explose, et il n'y a rien. Mais, l'autre, on ne peut jamais le visiter. L'autre, c'est un territoire sans frontières. Et, une petite fille qui a froid fait plus mal qu'une panne de réchauffage par 50o de gel. Je connais le froid. Je connais la soif. Je connais l'insécurité – mais seulement celle des autres.
Et puis, je ne sais pas pourquoi, ce désir de prendre tout à ma charge. J'ai pris à ma charge leurs 10 000 mètres. C'est là « ma guerre ». Ce n'est pas cette stupide opération de toréador, dont on a voulu me blesser un jour.
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