Viendra bien l'heure où je connaîtrai que j'avais raison contre ma raison.

Didier Daurat1   voudrait le charger de piloter ministres et généraux, mais il s'y refuse toujours .

LETTRE À X...

[Toulouse, le 26 octobre 1939]

Je te supplie de toutes mes forces d'agir sur Champsaur pour la chasse. J'étouffe de plus en plus. L'atmosphère de ce pays est irrespirable. Qu'attendons-nous, Bon Dieu !

Ne vois pas Daurat, avant que toutes les possibilités pour la chasse soient épuisées. Si je ne fais pas la guerre, je suis moralement bien malade. J'ai beaucoup de choses à dire sur les événements. Je puis les dire, à titre de combattant, et non de touriste. C'est ma seule chance, pour que je parle. Je vole quatre fois par jour, je suis en admirable forme, mais trop, car ça s'est aggravé : on veut faire de moi, ici, un moniteur, non seulement de navigation, mais de pilotage des gros bombardiers. Alors, j'étouffe, je suis malheureux, et ne puis que me taire (...) Fais-moi partir dans une escadrille de chasse (...) Je n'ai pas le goût de la guerre, mais il m'est impossible de rester à l'arrière, et de ne pas prendre ma part de risque, (...) il faut faire la guerre. Mais je n'ai pas le droit de le dire, tant que je me promène sur Toulouse, bien à l'abri. Ça serait un rôle dégoûtant. Donne-moi des droits, en me faisant donner les épreuves auxquelles j'ai droit. Il y a une grande dégoûtation intellectuelle, à prétendre que l'on doit mettre à l'abri « ceux qui ont une valeur ».

C'est en participant, que l'on joue un rôle efficace. Ceux qui ont une valeur, s'ils sont le sel de la terre, alors ils doivent se mêler à la terre. On ne peut pas dire « nous », si on se sépare. Ou alors, si on dit « nous », on est un salaud.

LETTRE À X...

[Toulouse, Grand Hôtel Tivollier,
début de novembre 1939]

Je viens d'être de garde, deux jours. J'ai couché au terrain, parmi les téléphones et les messages chiffrés. Je me suis réveillé dans une cellule peinte à la chaux, et j'ai dîné dans une popote toute glacée, comme enfant dans les réfectoires. J'y ai trouvé une joie inexprimable. Le sens des bruits de la maison, de la routine et des offices. Je voudrais y être plongé jusqu'aux os. Parce que je ne me sens point de signification. Dans le reste de cette petite vie bourgeoise, cet affreux Lafayette, ces tours de piste, ces déambulages devant les hangars. Je ne vaux rien.