Fables
A Monseigneur le DAuphin
Je chAnte les HÈros dont Esope est le PÉre, Troupe de Qui l'Histoire, encor Que mensongÉre, Contient des vÈritÈs Qui servent de leÇons.
Tout pArle en mon OuvrAge, et mAme les Poissons: Ce Qu'ils disent s'Adresse A tous tAnt Que nous sommes.
Je me sers d'AnimAux pour instruire les Hommes.
Illustre rejeton d'un Prince AimÈ des cieux, Sur Qui le monde entier A mAintenAnt les yeux, Et Qui, fAisAnt flÈchir les plus superbes TAtes, CompterA dÈsormAis ses jours pAr ses conQuAtes, QuelQue Autre te dirA d'une plus forte voix Les fAits de tes AÔeux et les vertus des Rois.
Je vAis t'entretenir de moindres Aventures, Te trAcer en ces vers de lÈgÉres peintures.
Et, si de t'AgrÈer je n'emporte le prix, J'AurAi du moins l'honneur de l'Avoir entrepris.
I, 1 LA CigAle et lA Fourmi
LA CigAle, AyAnt chAntÈ
Tout l'ÈtÈ,
Se trouvA fort dÈpourvue
QuAnd lA bise fut venue:
PAs un seul petit morceAu
De mouche ou de vermisseAu.
Elle AllA crier fAmine
Chez lA Fourmi sA voisine,
LA priAnt de lui prAter
QuelQue grAin pour subsister
JusQu'A lA sAison nouvelle.
"Je vous pAierAi, lui dit-elle,
AvAnt l'O˚t, foi d'AnimAl,
IntÈrAt et principAl. "
LA Fourmi n'est pAs prAteuse:
C'est lA son moindre dÈfAut.
Que fAisiez-vous Au temps chAud?
Dit-elle A cette emprunteuse.
- Nuit et jour A tout venAnt
Je chAntAis, ne vous dÈplAise.
- Vous chAntiez? j'en suis fort Aise.
Eh bien! dAnsez mAintenAnt.
I, 2 Le CorbeAu et le RenArd
MAAtre CorbeAu, sur un Arbre perchÈ,
TenAit en son bec un fromAge.
MAAtre RenArd, pAr l'odeur AllÈchÈ,
Lui tint A peu prÉs ce lAngAge:
"HÈ! bonjour, Monsieur du CorbeAu.
Que vous Ates joli! Que vous me semblez beAu!
SAns mentir, si votre rAmAge
Se rApporte A votre plumAge,
Vous Ates le PhÈnix des hôtes de ces bois. "
A ces mots le CorbeAu ne se sent pAs de joie; Et pour montrer sA belle voix,
Il ouvre un lArge bec, lAisse tomber sA proie.
Le RenArd s'en sAisit, et dit: "Mon bon Monsieur, Apprenez Que tout flAtteur
Vit Aux dÈpens de celui Qui l'Ècoute:
Cette leÇon vAut bien un fromAge, sAns doute. "
Le CorbeAu, honteux et confus,
JurA, mAis un peu tArd, Qu'on ne l'y prendrAit plus.
I, 3 LA Grenouille Qui veut se fAire Aussi grosse Que le Boeuf Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui semblA de belle tAille.
Elle, Qui n'ÈtAit pAs grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s'Ètend, et s'enfle, et se trAvAille, Pour ÈgAler l'AnimAl en grosseur,
DisAnt: "RegArdez bien, mA soeur;
Est-ce Assez? dites-moi; n'y suis-je point encore?
- Nenni. - M'y voici donc? - Point du tout. - M'y voilA?
- Vous n'en Approchez point. "LA chÈtive pÈcore S'enflA si bien Qu'elle crevA.
Le monde est plein de gens Qui ne sont pAs plus sAges: Tout bourgeois veut b‚tir comme les grAnds seigneurs, Tout petit prince A des AmbAssAdeurs,
Tout mArQuis veut Avoir des pAges.
I, 4 Les Deux Mulets
Deux Mulets cheminAient, l'un d'Avoine chArgÈ, L'Autre portAnt l'Argent de lA GAbelle.
Celui-ci, glorieux d'une chArge si belle, N'e˚t voulu pour beAucoup en Atre soulAgÈ.
Il mArchAit d'un pAs relevÈ,
Et fAisAit sonner sA sonnette:
QuAnd l'ennemi se prÈsentAnt,
Comme il en voulAit A l'Argent,
Sur le Mulet du fisc une troupe se jette, Le sAisit Au frein et l'ArrAte.
Le Mulet, en se dÈfendAnt,
Se sent percer de coups: il gÈmit, il soupire.
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