Oh disait-il tout excité, et où êtes-vous. Je ne suis pas ici, disait-elle, je fais bien attention à ça. Non je ne suis pas ici, disait-elle, c’est très agréable, ajoutait-elle en se tournant légèrement, très agréable vraiment de ne pas être ici.

L’officier sourit. Je sais dit-il je sais ce que vous voulez dire. Vous vous appelez Winnie et c’est ce que vous voulez dire par n’être pas ici.

Elle se sentit très faible soudain. Elle ne s’appelait pas Winnie elle s’appelait Ida, il n’y avait pas de Winnie. Elle se retourna vers l’officier et lui dit : j’ai peur bien peur que vous vous soyiez trompé. Et elle s’éloigna très lentement. L’officier la suivit du regard mais il ne la suivit pas. Personne ne pouvait savoir à le regarder que c’était un officier car il ne portait pas l’uniforme et il ne savait si elle le savait ou pas.

Peut-être que oui et peut-être que non.

Ida par la suite avait tous les jours parlé à un officier ou un autre.

Si je suis un officier, avait dit à Ida un officier, mais je suis un officier. Je suis un officier et je donne des ordres. Voudriez-vous, dit-il en regardant Ida. Aimeriez-vous me voir donner des ordres. Ida le regarda et ne répondit pas. Si je donnais des ordres et si tout le monde m’obéissait et c’est ce qu’ils font, dit l’officier, est-ce que ça vous impressionnerait. Ida le regardait, elle le regardait et l’officier se disait qu’il devait lui être sympathique, autrement elle ne le regarderait pas, et il le lui dit : je vous suis sûrement sympathique ou autrement vous ne me regarderiez pas. Mais Ida poussa un soupir. Oui et non, dit-elle. Vous savez, dit Ida, je vous regarde mais ça ne suffit pas. Je vous regarde et vous me regardez mais aucun de nous deux ne dit guère plus que comment allez-vous et très bien je vous remercie, et si nous en disons plus c’est toujours la même question : comment vous appelez-vous. Et vraiment, dit Ida, si je savais votre nom vous ne m’intéresseriez pas, non, vraiment, et si je ne connais pas votre nom, pas moyen de m’intéresser, certainement pas. Bonsoir, dit Ida, et elle s’éloigna.

Ida n’avait pas seulement dit bonsoir elle était allée vivre ailleurs.

Dans le temps jadis il y avait toujours des grilles, des grilles qui s’ouvraient pour que vous puissiez entrer et puis peu à peu il n’y avait plus eu de clôtures plus de murs nulle part. Pendant une courte période ils avaient eu une grille même quand il n’y avait pas de clôture. C’était juste pour faire élégant et ça faisait bien d’avoir une grille qui claquait même s’il n’y avait pas de clôture. Bientôt il n’y avait plus eu de grilles.

Ida quand elle avait un chien s’était souvent arrêtée près d’une grille en retenant le chien de la main et ils restaient là comme ça.

Mais c’était il y avait longtemps et Ida ne pensait plus à rien qu’à maintenant. Pourquoi donc était-elle toujours seule s’il pouvait y avoir quelque chose à se rappeler. Pourquoi donc.

Et rien encore ne lui était arrivé. Pas encore.

Un jour Ida vit une mite qui volait et ça l’inquiéta. Ce fut une des très rares choses qui l’avaient jamais inquiétée. Elle en parla à un officier.