Derrière elle sont quatre autres gendarmes. On entend, pendant quelque temps, les pieds des chevaux résonner sur le payé de la route ; puis, un morne silence règne dans ces lieux écartés.

LE PÈRE POIRIER, rentrant dans la maison el joignant les mains.

Une femme grosse de sept mois… faire une si longue route… par un temps pareil,… c’est pour en mourir !

PIERRE, à part, en sanglotant.

Maman… ne reviendra plus ! ! J’irai, sans qu’on me voie, dire à mon père qu’on l’a emmenée en prison !

* * *

Une nuit et un jour se sont passés depuis que Jeanne est prisonnière, et Jeanne n’a pas reparu. Il est onze heures du soir, les enfants sont couchés depuis longtemps ; le père Poirier est assis à côté du foyer à demi éteint ; une petite lampe de cuivre éclaire faiblement la chambre ; le vieillard, brisé de douleur, attache machinalement son regard fixe sur les charbons qui brûlent au milieu des cendres de l’âtre.

LE PÈRE POIRIER, avec accablement.

Jeanne ne revient pas !… ils l’auront gardée,… oui,… et pourtant, malgré moi,… j’espère toujours ! ! Attendons encore, il n’est pas minuit. (Il jette du bois dans le feu). Qu’elle puisse au moins se réchauffer en arrivant… Pauvre femme ! (Avec désespoir) : Mais, non,… non,… elle non plus ne reviendra pas !… (Soudain, il entend frapper au dehors de la porte verrouillée en dedans). Mon Dieu,… si c’était Jeanne ?… (Il se lève péniblement, et s’approche de la porte) Qui est là ?

UNE VOIX AU DEHORS.

Moi… Petit-Jean.

LE PÈRE POIRIER, avec un soupir.

Ce n’est pas elle ;… c’est l’ami de Sylvain… (Il ouvre la porte).

Petit-Jean, au lieu d’entrer, reste au seuil de la maison ; il est d’une pâleur cadavéreuse ; sa blouse grise, presqu’en lambeaux, est tachée de sang à la manche gauche ; une de ses jambes est enveloppée de chiffons ensanglantés ; il s’appuie sur un bâton, et semble pouvoir à peine se soutenir ; il est couvert de neige, car elle tombe au dehors à gros flocons, au milieu d’un ciel noir.

LE PÈRE POIRIER.

Pauvre Petit-Jean !… vous aussi… vous êtes blessé et vous vous cachez ; entrez,… entrez…

PETIT-JEAN.

Entrer chez vous !… Mais, vous ne savez donc pas l’ordonnance ?

LE PÈRE POIRIER.

Quelle ordonnance ?…

PETIT-JEAN.

Ceux qui donnent asile ou secours aux insurgés… sont condamnés aux galères(6).

LE PÈRE POIRIER, avec horreur.

Aux galères !

PETIT-JEAN.

Après avoir passé la nuit dans les bois, ce matin, au point du jour,… j’ai été à la métairie de Vaucelles, chez Jacques Denis,… un ancien ami,… un brave homme… J’étais épuisé ;… je lui ai demandé à me reposer, à me cacher chez lui, seulement jusqu’au soir… Il m’a répondu, les larmes aux yeux : « On a, hier, tambouriné dans la commune que, par arrêté du général, ceux qui donneraient asile ou secours aux insurgés, seraient condamnés à vingt ans de galères… Veux-tu m’exposer à cela, Petit-Jean ? »

LE PÈRE POIRIER.

Mon Dieu !… mon Dieu !… aller aux galères, parce que l’on a donné refuge à un ami ! Mais… c’est pis que chez les sauvages !

PETIT-JEAN, défaillant, s’affaisse sur lui-même, et tombe au seuil de la porte.

Je ne veux pas vous compromettre. (D’une voix de plus en plus affaiblie). Je venais seulement vous demander des nouvelles… de Sylvain,… tant je suis inquiet de lui… Je ne l’ai pas revu depuis l’affaire du pont d’Orléans,… où nous avons été dispersés… Je mourrai au fond d’un bois ou dans un fossé, plutôt que de vous attirer malheur à cause de moi !

LE PÈRE POIRIER.

Misère de Dieu ! vous laisser mourir sur la route… vous !… un ami de mon fils !… Non !… quand il s’agirait de mon cou, non !… Entrez, Petit-Jean, entrez…

PETIT-JEAN, d’une voix éteinte.

Je ne veux pas vous compromettre ; dites-moi seulement ce qu’est devenu Sylvain,… et donnez-moi un peu d’eau… Je… tâcherai… de continuer… mon… (Il ne peut achever ces paroles, il s’évanouit).

Le père Poirier, quoique affaibli par l’âge et par le chagrin, trouve des forces dans sa compassion. Il soulève Petit-Jean, dont la stature est petite et frêle, et parvient à le traîner près du foyer. À ce moment, le vieillard entend la voix de Marie, qui, éveillée par le bruit, lui crie de la chambre voisine, avec inquiétude : « Grand-père, qu’est-ce qu’il y a donc ? »

LE PÈRE POIRIER, allant pousser le verrou de la chambre des enfants et celui de la porte de la maison.

Ce n’est rien… Dormez, chers petits… J’ai été cherché du bois dans le fournil, pour rallumer le feu.

Le père Poirier adosse Petit-Jean à un escabeau, près du foyer où flambent des brumailles ; il va ensuite au buffet, y prend un pot, revient, et, au moyen d’une cuiller d’étain, il parvient à faire boire quelques gorgées de vin à Petit-Jean ; celui-ci peu à peu ranimé par ce breuvage réconfortant et par la chaleur du feu, reprend ses esprits. Le père Poirier remarque avec joie ces symptômes rassurants ; mais, à peine l’ami de Sylvain a-t-il conscience de ce qui se passe autour de lui, qu’il tente un nouvel et vain effort pour se relever et se traîner jusqu’à la porte ; puis, il retombe épuisé sur le plancher.

PETIT-JEAN, avec douleur.

Je suis brisé ;… mes jambes refusent de me porter… Impossible de sortir d’ici !

LE PÈRE POIRIER, se courbant vers lui.

Mon pauvre garçon, tâchez de vous aider un peu ;… je vous mettrai sur le lit ;… vous y reposerez mieux.

PETIT-JEAN, suppliant.

Je vous en conjure,… traînez-moi jusqu’à la porte ;… laissez-moi dehors !

LE PÈRE POIRIER.

Perdez-vous la raison,… vous mettre dehors par une nuit pareille,… dans l’état où vous êtes !

PETIT-JEAN, avec désespoir.

Mais vous ne savez donc pas qu’une colonne mobile parcourt le pays,… fouille les bois et les métairies isolées, pour y chercher ceux qu’on appelle des insurgés ! (Amèrement) : Nous ! des insurgés !… nous qui avons défendu la loi ! Ah ! ce que j’ai fait, je le ferais encore !

LE PÈRE POIRIER.

Oui,… comme mon pauvre Sylvain, vous vous êtes conduits en braves gens ; aussi, vous resterez ici, et demain, si vous êtes en état de marcher,… nous verrons !

PETIT-JEAN.

Demain ! mais, si la colonne mobile vient cette nuit… ou au point du jour fouiller cette maison… et qu’on me trouve ici, je vous l’ai dit… c’est pour vous les galères !

LE PÈRE POIRIER, amèrement.

Va pour les galères ! ! On aura vu un honnête homme galérien ! Oh ! allez, Petit-Jean, pour le temps qui me reste à vivre,… loin de mon pauvre Sylvain,… (il sanglote) loin de sa femme… crever au bagne ou ici… ça m’est bien égal, à moi ! ! !

PETIT-JEAN.

Sylvain est donc arrêté ?… Ah ! voilà ce que je craignais !

LE PÈRE POIRIER.

Il était caché dans une ancienne marnière des bois de Mareuil…

PETIT-JEAN.

Il m’avait indiqué cette retraite… Je l’ai en vain cherchée… Je n’ai pas pu reconnaître l’endroit.

LE PÈRE POIRIER.

La cachette était bonne ;… mais, vous allez voir… Sylvain avait reçu une balle dans la cuisse ; les gendarmes sont venus, ils nous ont demandé où était mon fils ; nous avons répondu que nous ne savions pas… Alors, ils ont emmené Jeanne en prison.

PETIT-JEAN.

Une femme ! ! une mère de famille ! Ah ! c’est trop,… c’est trop…

LE PÈRE POIRIER.

Ah bien ! oui ! ! Ils s’en moquent pas mal de la famille, et des petits enfants, et des pauvres vieux qui pleurent… allez ! ! Enfin, Pierre, au désespoir de voir emmener sa mère, a couru sans nous prévenir dire à mon fils que Jeanne était en prison. – « Ne crains rien, mon enfant, – lui a répondu Sylvain –, on ne gardera pas ta maman prisonnière. Retourne vite à la maison ; rassurez-vous tous. » L’enfant revient tout content nous raconter cela. – « Ah ! pauvre petit, me suis-je écrié, tu as, sans le vouloir, livré ton père ! »

PETIT-JEAN.

Que dites-vous ?

LE PÈRE POIRIER.

Je connais Sylvain… Plutôt que de laisser en prison la mère de ses enfants, il aura été se livrer… La preuve, c’est qu’aussitôt que Pierre nous a eu dit ce qu’il avait fait, je cours aussi vite que je peux avec Marie à la marnière. Sylvain n’y était plus… (Il pleure à chaudes larmes). Il se sera traîné jusqu’à Orléans pour se rendre prisonnier, afin qu’on mette Jeanne en liberté ;… à moins… que, perdant son sang, et, malgré son courage, hors d’état de sortir du bois, il ne soit mort au fond de quelque taillis… où les loups iront mettre son pauvre corps en lambeaux !… Misère de moi ! pourquoi ai-je vécu si vieux ! ! Le bon Dieu m’en voulait donc bien ;… je n’ai pourtant jamais fait de mal à personne ! (Il pleure).

PETIT-JEAN.

Bon père,… il y a déjà assez de malheurs sur votre famille… Vous le voyez, Jeanne est toujours prisonnière, soit qu’on la retienne avec Sylvain, soit que mon pauvre camarade ait, comme vous le craignez, trouvé la mort au fond des bois… Enfin, vos trois petits enfants n’ont plus que vous au monde… Si l’on me trouve dans cette maison, on vous arrête… Alors, que voulez-vous qu’ils deviennent ?… ils n’auront plus personne,… ces pauvres orphelins,… personne ;… je vous dis que je veux m’en aller de cette maison !… je ne resterai pas une minute ici !… Non ! (Il essaie encore, mais vainement de se traîner jusqu’à la porte). Cloué là… mon Dieu !… cloué là !… impossible de sortir ! malheur à moi ! Ah ! pourquoi ne suis-je pas mort sur la route ! Pauvres orphelins ! ils perdront leur dernier soutien ! et par ma faute,… par ma faute !

LE PÈRE POIRIER, amèrement.

Bah ! à quoi est-ce que je leur sers, à ces enfants ! Ce sont eux qui me soignent, je leur suis plutôt à charge ;… je n’ai pas pour longtemps à vivre !… je le sens bien… Et quand ils n’auront plus ni père, ni mère, ni grand-père, en ne les tuera pas peut-être, ces petits malheureux ! On les enverra au dépôt des mendiants,… et de là… à la prison des jeunes vagabonds,… où ils deviendront sans doute comme tant d’autres, de mauvais sujets… Eux ! ! (Il pleure). Pauvres chères créatures ! Élevés jusqu’ici… par nous si honnêtement, si bravement, que c’était un charme de les voir et de les aimer…

PETIT-JEAN.

Père Poirier,… par pitié,… écoutez-moi !

LE PÈRE POIRIER.

Tout ce que vous direz ou rien, c’est la même chose ! Vous me voudriez du mal, que je n’aurais pas le cœur de vous laisser dehors par un temps pareil ! Ainsi, au lieu de vous obstiner à passer la nuit sur le carreau, aidez-vous, je vous porterai sur le lit, vous y reposerez, vous reprendrez des forces ; et si demain matin vous êtes en état de marcher,… un des enfants vous conduira à la marnière… C’est une cachette sûre, puisque mon pauvre Sylvain y est resté sans être découvert. Allons ! Petit-Jean, soyez raisonnable. Que les soldats vous trouvent ici couché par terre ou sur le lit, est-ce que l’on ne m’arrêtera pas tout de même, si l’on doit m’arrêter ? Tandis que si vous passez une bonne nuit, au lieu d’en passer une mauvaise, vous serez peut-être demain matin en état de quitter la maison.

PETIT-JEAN.

Je suis obligé de faire ce que vous voulez ;… je me sens hors d’état de faire un pas ;… je vais essayer, avec votre aide, de me mettre sur le lit, et peut-être, au bout de quelques heures de repos, je pourrai repartir.

Petit-Jean, grâce au secours que lui prête le vieillard, parvient à monter sur le lit, et s’y couche avec un bien-être, avec un délassement inexprimables, après ces deux jours passés à errer dans les bois.

LE PÈRE POIRIER, étendant avec sollicitude sur Petit-Jean une couverture de laine.

Il y a du pain à la maison, voulez-vous manger un morceau ?

PETIT-JEAN.

Merci ! ce matin, Jacques Denis, forcé de me refuser un asile, m’a donné quelques provisions ; elles m’ont duré jusqu’à ce soir. Mais, j’ai grand’soif…

LE PÈRE POIRIER.

Je vais mettre de l’eau avec ce qui reste de vin dans le pot,… ça vous fera une boisson (S’occupant de ce soin). Et vos blessures, mon pauvre garçon ?

PETIT-JEAN.

Celle de la jambe m’est encore bien sensible ; mais, je ne sens plus beaucoup la plaie que j’ai au bras.

LE PÈRE POIRIER.

Voulez-vous que j’essaie de vous panser ?

PETIT-JEAN.

Merci, bon père ! Je crains qu’en arrachant les linges qui sont collés sur le sang caillé, cela ne ravive mes blessures… Le repos me fera du bien ;… je me sens accablé de sommeil ;… mes yeux se ferment malgré moi… (Sa tête appesantie retombe sur le traversin ; mais, tressaillant au bout d’un instant) : Mon Dieu ! si l’on allait me trouver chez vous !…

LE PÈRE POIRIER, lui présentant à boire.

Ne songez pas à cela ;… buvez et faites un bon somme.

PETIT-JEAN, après avoir bu.

Oh ! je le voudrais !… pour pouvoir partir d’ici dans quelques heures !…

LE PÈRE POIRIER.

Nous verrons cela plus tard ; tâchez d’abord de dormir,… de vous reposer.

PETIT-JEAN, cédant peu à peu au sommeil qui le gagne.

Merci, bon vieux père !… je… suis… si… fatigué !… Ah !… c’est… bon… un lit !… Mon Dieu !… si l’on… me… trouvait… chez…

Petit-Jean n’achève pas, sa voix expire sur ses lèvres ; il s’endort bientôt profondément. Le vieillard, après avoir couvert l’ami de son fils avec quelques bardes qu’il place par-dessus la couverture, éteint la lampe, revient près du foyer, renverse un escabeau qui doit lui servir d’oreiller ; puis, amoncelant des bruyères sèches sur le sol, il s’y étend, en disant d’une voix navrante :

– Ah ! dans les bois,… je couchais aussi autrefois toute la nuit sur la dure ;… mais, chaque dimanche je descendais au village et je voyais mon Sylvain… Ah ! mon pauvre enfant ! mon pauvre enfant !… c’est fini…

Le vieillard ferme ses yeux d’où coulent ses larmes ; il espère, en s’isolant ainsi de la lumière que répand le foyer, trouver le sommeil et l’oubli passager de sa douleur ; peu à peu, ainsi que Petit-Jean, il s’endort. Le plus profond silence règne dans la maison ; les dernières lueurs du brasier expirant jettent leurs reflets rougeâtres sur le vieillard endormi et sur le lit où repose Petit-Jean. Bientôt celui-ci, sous l’obsession d’un songe, murmure avec effort :

– Soldats ! Vive… la loi… la… République !… Sylvain !… mon ami !,… si… l’on… me… trouvait… chez toi… oh !… je… ta femme, tes enfants…

Petit-Jean balbutie encore quelques mots d’une voix de plus en plus affaiblie. Le silence redevient profond, et bientôt minuit sonne dans le lointain, à la paroisse de Saint-Laurent-des-Eaux.

* * *

Le jour commence à poindre ; Petit-Jean et le père Poirier sont toujours endormis. Soudain des coups de crosse de fusil ébranlent la porte de la maison, et l’on entend au dehors un piétinement de chevaux, un cahotement de roues et un bourdonnement confus qui annoncent la présence d’une troupe considérable.

Au bruit des coups de crosse qui ébranlent la porte, le père Poirier, dont le sommeil est plus léger que celui de Petit-Jean, brisé de fatigue, le père Poirier, éveillé en sursaut, regarde autour de lui avec surprise et inquiétude ; puis, il entend les enfants, renfermés dans la chambre voisine, lui crier avec épouvante :

– Grand-père ! voilà des soldats ! de la cavalerie ! des canons ! nous les voyons par la fenêtre !

À ce moment, on frappe de nouveau la porte à coups de crosse de fusil, et plusieurs voix disent : – Ouvrez !… ouvrez !…

LE PÈRE POIRIER, se levant péniblement de sa couche de bruyères.

Petit-Jean s’en doutait ;… c’est une colonne mobile… qui fouille le pays… Il n’y a pas d’espoir de le faire échapper… Pauvre garçon ! (Le regardant avec compassion) : – Quel dommage ! il dort d’un si bon cœur ! (Petit-Jean dort, en effet, si profondément qu’il n’a rien entendu). Allons, c’est fini pour lui (Se dirigeant presque courbé en deux vers la porte). Quant à moi,… il paraît que c’est les galères, les galères !… pour donner refuge à un ami ! Quel temps ! ! Misère de moi ! j’ai vécu trop vieux !

Le père Poirier ouvre la porte de la maison, et, à la pâle clarté du jour naissant, obscurci par une neige épaisse qui tombe à gros flocons, voici ce qu’il voit :

Un officier général à cheval, enveloppé d’un burnous bleu, à capuchon, couvert de neige, se tient à peu de distance d’une compagnie de bussards portant de longs manteaux blancs ; un bataillon d’infanterie, aux pantalons rouges et aux capotes grises, a fait halte sur la route ; plus loin, deux obusiers de montagne, conduits à la prolonge par des soldats du train, sont escortés par un piquet de cavaliers d’artillerie, vêtus de manteaux bleus à galons rouges ; enfin, à peu de distance de la maison, sont arrêtées sur la route deux grandes charrettes à trois chevaux ; elles sont encombrées de prisonniers ; plusieurs d’entre eux sont blessés : les uns ont la tête à demi couverte d’un linge ensanglanté, les autres un bras enveloppé d’un mouchoir noué en écharpe ; des bourgeois, de riches propriétaires, des médecins, des avocats, des fermiers, tous, solidement garrottés, sont assis ou couchés dans ces voitures, à côté de paysans vêtus de blouses ou d’habits rustiques. On remarque plusieurs paysannes au milieu de cet entassement d’insurgés de tout état, de tout âge, à demi couverts de neige, bleuis par le froid et frissonnant de tous leurs membres : les uns mornes, abattus ; les autres calmes, dédaigneux ou résolus.