Les psychanalystes le boudent sous prétexte, comme le dit le Dr Weiss de Trieste, que le livre n’a rien à voir avec leur discipline.
1924. – Sur les conseils de Joyce, Svevo envoie un exemplaire de son roman à Valéry Larbaud et à Benjamin Crémieux qui l’apprécient vivement.
1925. – Le poète italien Eugenio Montale (futur prix Nobel) consacre à l’auteur un article très élogieux : Omaggio a Svevo.
1926. – Un numéro de la revue française Le Navire d’Argent lui est en partie consacré par Crémieux et Larbaud. La critique italienne commence à s’intéresser à son œuvre. Svevo écrit plusieurs nouvelles : La Madré (La Mère), Vna burla riuscita (Une farce réussie), La Novella del Buon Vecchio e délia Bella Fanciulla (La Nouvelle du Bon Vieillard et de la Belle Jeune Fille).
1927. – Svevo publie la deuxième édition italienne de Senilità, revue et corrigée. La Coscienza di Zeno est traduit en français par Paul-Henri Michel. Svevo est fêté au Pen Club de Paris en compagnie d’Isaac Babel. Il donne une conférence sur Joyce à Milan. Il découvre Kafka et se passionne pour son œuvre.
1928. – Il travaille à un quatrième roman : Il Vecchione (La Vieillesse de Zeno). Un accident de voiture interrompt le cours de sa vie à Motta di Livenza (Trévise).
Bibliographie sommaire
Veneziani-Svevo, L., Vita di mio marito, Trieste, Zibaldone, 1951, et idem, Milano, Dall’Oglio, 1976.
Leone De Castris, A., Italo Svevo, Pisa, Nistri-Lischi, 1959.
Luti, G., Italo Svevo ed altri studi, Milano, Lerici, 1961.
Maier, B„ La Personalità e l’Opera di Svevo, Milano, Mur-sia, 1961.
Maxia, S., Lettura d’Italo Svevo, Padova, Liviana, 1965.
Luti, G., Italo Svevo, Firenze, La Nuova Italia, 1967.
Jonard, N., Italo Svevo, et la crise de la bourgeoisie européenne, Paris, Les Belles Lettres, 1969.
Kezich, T., Svevo e Zeno – Vite parallele, Milano, Schei-willer, 1970.
Barilli, R., La Linea Svevo-Pirandello, Milano, Mursia, 1972.
Spagnoletti, G., Svevo, Milano, Accademia, 1972.
Fusco, M., Italo Svevo. Conscience et réalité, Paris, Gallimard., 1973.
Moloney, B., Italo Svevo. A critical Introduction, Edin-burg, University Press, 1974.
Lavagetto, M., L’Impiegato Schmitz e altri saggi su Svevo, Torino, Einaudi, 1975.
De Lauretis, T., La Sintassi del desiderio, Ravenna, Longo, 1976.
Saccone, E., Il Poeta travestito. Otto saggi su Svevo, Pisa, Pacini, 1977.
Gioanola, E., Un killer dolcissimo, Genova, Il Melangolo, 1979.
Ghidetti, E., Italo Svevo, Roma, Editori Riuniti, 1980.
Camerino, G.A., Italo Svevo, Torino, UTET, 1981.
Contini, G.F., Il Romanzo inevitabile, Milano Mondadori, 1983.
Jeuland-Meynaud, M., Zeno e i suoi fratelli, Bologna, Pàtron, 1985.
Gagliardi, A., La Scrittura e i Fantasmi. Radici de "La Cos-cienza di Zeno", Napoli, Liguori, 1986.
Miceli, G., Italo Svevo. La scrittura, il lavoro, la letteratura, Mantova, Piovan, 1988.
I
PRÉFACE
Je suis le docteur sur lequel ce roman tient parfois des propos peu flatteurs. Les gens qui entendent quelque chose à la psychanalyse savent de quoi relève l’antipathie dont le patient me poursuit.
Sur la psychanalyse je ne dirai pas un mot car il n’en est que trop question dans ces pages. Je dois m’excuser d’avoir incité mon patient à écrire sa biographie ; les spécialistes en psychanalyse vont froncer les sourcils devant pareille nouveauté. L’homme était âgé et j’espérais que grâce à cette remémoration son passé reverdirait et que l’autobiographie préluderait utilement à son analyse. Aujourd’hui encore mon idée me paraît heureuse car elle a produit des résultats inespérés qui eussent été meilleurs si le malade, quand tout allait pour le mieux, n’avait abandonné sa cure, me dépouillant ainsi des fruits de la longue et patiente analyse de ces Mémoires.
Je les publie pour me venger et j’espère qu’il sera bien attrapé. Qu’il sache toutefois que je suis prêt à partager avec lui les honoraires confortables que me rapportera cette publication à condition qu’il reprenne sa cure. Il paraissait si désireux de se connaître ! S’il imaginait la surprise que lui causerait le commentaire de toutes les vérités et de tous les mensonges qu’il a accumulés dans ces pages !…
Docteur S.
II
PRÉAMBULE
Revoir mon enfance ? Plus de dix lustres m’en séparent mais mes yeux de presbyte pourraient peut-être y arriver si à la lumière qu'elle réverbère encore ne faisaient écran, hauts comme des montagnes, des obstacles de toute sorte et certains moments de ma vie.
Le docteur m’a recommandé de ne pas m’obstiner à regarder aussi loin. Même les événements récents sont précieux pour les médecins, surtout les imaginations ou les rêves de la nuit précédente. Il faut cependant mettre un peu d’ordre dans tout cela. Pour prendre les choses par le commencement, à peine avais-je quitté mon docteur, qui ces jours-ci et pour pas mal de temps sera absent de Trieste, qu’en vue de lui faciliter la tâche, j’ai acheté et lu un traité de psychanalyse. Ce n’est pas difficile à comprendre mais rudement ennuyeux.
Après le déjeuner, me voici commodément étendu dans un grand fauteuil à oreilles, crayon et feuille de papier à la main. Mon front s’est déridé parce que mon esprit élimine tout effort. Ma pensée m’apparaît comme séparée de moi. Elle monte, elle descend… mais c’est tout ce qu’elle fait. Pour lui rappeler qu’elle est la pensée et que son devoir serait de se manifester, je m’arme du crayon. Et voici que mon front se plisse car les mots sont composés de trop de lettres et le présent impérieux me ressaisit et masque le passé.
Hier, j’avais essayé de me détendre entièrement. L’expérience a fini dans le plus profond sommeil et je n’ai obtenu d’autre résultat que de me sentir tout à fait reposé et d’éprouver la curieuse sensation d’avoir vu en dormant quelque chose d’important. Mais c’était oublié et à jamais perdu.
Grâce au crayon que je serre dans ma main, aujourd’hui je reste éveillé. Je vois, j’entrevois des images bizarres qui ne peuvent avoir aucun lien avec mon passé : une locomotive qui s’essouffle sur une montée en traînant d’innombrables wagons ; qui sait d’où elle peut bien venir, où elle va et pourquoi la voilà devant moi ! Dans mon demi-sommeil je me rappelle que le traité affirme que grâce à cette méthode on peut remonter jusqu’à sa petite enfance, au temps des langes.
1 comment