La Loire, les coteaux de Gennes, des ombrages merveilleux, un antique castel… quel cadre pour un roman d’amour !… M’entendez-vous, rêveur éternel ? Je vous dis que je vois une nouvelle princesse du bois dormant, qui attend le jeune et beau prince qui la doit réveiller.

– Le malheur est que je ne suis pas prince, dit Raymond en riant.

– C’est vrai, mon cher, vous avez cet avantage immense et que je vous envie, d’être vilain, très vilain… Vous êtes jeune, vous êtes élève de l’École polytechnique…

– Et sans le sou…

– Pour le présent, oui… mais votre avenir vaut un million. La famille qui ne vous accueillerait pas à bras ouverts serait diantrement difficile. Il me paraît, d’ailleurs, que Mme de Maillefert se soucie assez peu de Mlle Simone.

Raymond hocha la tête :

– Il est de fait, dit-il, que pour l’abandonner ainsi…

– Oui, c’est inimaginable, n’est-ce pas ? Ce doit être une singulière personne que cette duchesse de Maillefert, et je ne serai pas fâché de faire sa connaissance… Mais vous, Delorge, vous la connaissez peut-être…

– Moi, grand Dieu ! D’où ? Comment ?

– Dame ! vous êtes Parisien…

– Oh ! si peu.

– Assez pour avoir pu la rencontrer dans le monde…

Mais ils arrivaient à ce moment sur le terrain de leurs opérations.

Avec sa brusquerie ordinaire, M. de Boursonne campa là Raymond pour interpeller les conducteurs qui l’attendaient et leur donner des ordres…

Véritablement, pour ne pas connaître, au moins de réputation, la duchesse de Maillefert, il fallait que Raymond Delorge et le vieil ingénieur fussent terriblement étrangers aux graves préoccupations de la haute société du second Empire.

Il fallait qu’ils eussent vécu comme des loups, en dehors du mouvement, sans jamais ouvrir un journal de la haute vie.

Intime amie de la vicomtesse de Bois-d’Ardou et de la jeune duchesse de Maumussy, rivale de la baronne Trigault et de la célèbre Sarah Brandon, comtesse de la Ville-Haudry, la duchesse de Maillefert était une des sept ou huit femmes qui avaient l’enviable et précieux privilège de défrayer la chronique parisienne.

Il n’était pas de cocodès un peu posé qui ne la connût pour l’avoir aperçue au Bois, aux courses, dans l’enceinte du pesage, aux premières représentations, dans une avant-scène, à Bade, aux bains de mer, au club des patineurs, au tir aux pigeons, partout où il y a des lumières, de l’éclat, du bruit, où on s’étale, où on est vu, partout où la foule désœuvrée et riche se porte, partout où il est convenu qu’on s’amuse.

Elle dépensait, dit-on, un million par an.

Van Klopen, l’illustre tailleur pour dames, cet impudent et grossier Prussien qui fut pendant dix ans l’arbitre des élégances féminines, Van Klopen qui appelait ses clientes : Ma chère, déclarait la duchesse de Maillefert la meilleure de ses pratiques.

Les reporters eussent dû se cotiser pour lui constituer une pension, tant ils avaient gagné d’argent à décrire ses toilettes merveilleuses, ses équipages et ses livrées, et à citer ses mots. La chronique vivait de ses excentricités, racontant comme quoi elle soupait au Moulin-Rouge, comment elle traversait les Champs-Élysées en voiture, conduisant elle-même et une cigarette à la bouche ; ou comment encore, ayant une discussion avec un cocher de fiacre, elle l’avait étourdi en l’injuriant dans le plus pur argot qui ait cours à la barrière…

De toute la journée, cependant, Raymond et M. de Boursonne, tout entiers à leurs travaux, ne parlèrent pas d’elle.

Ils l’avaient même oubliée probablement, lorsque le soir, en regagnant les Rosiers, ils furent dépassés par deux grandes calèches, conduites à la daumont, qui venaient de la route de Gennes et se dirigeait vers la station du chemin de fer…

– Ah ! ah !… fit M. de Boursonne, il paraît que la duchesse arrive ce soir… Voilà ses voitures qui vont l’attendre à la gare.

M. de Boursonne devinait juste, ce qui du reste n’était pas difficile.

Lorsqu’il arriva au Soleil levant, appuyé au bras de Raymond, maître Béru, debout sur le seuil de son auberge, semblait guetter leur retour pour être le premier à leur dire :

– Eh bien !… c’est ce soir, par l’express de sept heures, que Mme la duchesse arrive avec sa société. Ces messieurs ont dû rencontrer les équipages…

Il jubilait.

Son visage rubicond était plus rayonnant que l’astre de son enseigne.

– Nous avons vu des voitures, en effet, répondit M. de Boursonne, et nous avons même été fort surpris de n’y pas apercevoir Mlle Simone.

– C’est vrai, opina l’aubergiste, cela doit sembler assez drôle qu’une jeune demoiselle n’aille pas au devant de sa mère, quand il y a des mois qu’elle ne l’a pas embrassée !…

Raymond, que M. de Boursonne observait du coin de l’œil, autant que le lui permettait sa myopie, était devenu attentif.

– Mais c’est ainsi, poursuivit l’aubergiste. Mlle Simone, à ce que je me suis laissé dire, aimerait autant que sa mère et son frère ne vinssent jamais à Maillefert. Dame ! cela se comprend. Accoutumée qu’elle est à vivre seule, aussi tristement qu’une religieuse cloîtrée, de voir tout à coup tant de monde et d’entendre tant de bruit autour d’elle, cela l’éblouit et l’effarouche, comme une orfraie qu’on lâcherait subitement en plein soleil. Si bien qu’elle ne fait pas toujours bon visage aux invités de Mme la duchesse. À ce point, me disait M. Casimir, le maître d’hôtel, qu’il y a deux ans elle n’a pas mis les pieds hors de ses appartements tant qu’il y a eu de la société au château.

– Et la duchesse souffre ces caprices ?

– Eh ! eh !… Ce qu’on ne peut pas empêcher… vous savez. Il paraît qu’elle a une tête, Mlle Simone ; bien que ce soit une sainte. Puis, elle a peut-être raison, au fond. Le mois que Mme la duchesse passe ici doit lui coûter gros.

– Bast ! fit Raymond, la famille de Maillefert est si riche !…

– C’est à savoir ! grommela maître Béru, c’est à savoir…

Et se rapprochant de Raymond et de M. de Boursonne, baissant la voix et d’un air de mystère :

– Avec ces grandes fortunes, reprit-il, on ne sait jamais à quoi s’en tenir. Ce qui est positif, et on en a jasé, Dieu sait comme, c’est que Mme la duchesse vend…

– Diable !

– C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Ainsi, quand vous suivez la levée, pour aller à Saint-Mathurin, toutes ces belles fermes que vous voyez, à droite dans la vallée, appartenaient aux Maillefert. Eh bien ! l’hiver dernier, l’intendant est venu, qui les a découpées en petits lots et vendues… Tel que vous me voyez, j’en ai acheté pour un couple de milliers d’écus…

Maître Béru s’arrêta court.

On entendait dans le lointain le sifflet strident du chemin de fer.

– Mais voilà le train ! s’écria l’hôtelier du Soleil levant. Dans cinq minutes Mme la duchesse sera en gare.

M. de Boursonne riait de ce petit rire singulier qui faisait que les gens ne savaient jamais s’il parlait sérieusement ou s’il se moquait d’eux.

– Bien ! maître Béru, prononça-t-il, très bien ! Je vois avec plaisir que la famille de Maillefert a en vous un serviteur fidèle et dévoué…

Serviteur !… Le mot déplut à l’aubergiste.

Il se redressa dans sa veste blanche, et de son grand air de dignité :

– Je ne suis, prononça-t-il, le serviteur de personne.

Raymond aussi riait.

– Excusez-moi, cher monsieur Béru, fit gravement le vieil ingénieur, j’avais cru, en voyant votre joie…

– La duchesse m’importe peu, monsieur, et si je me réjouis, c’est que son séjour dans le pays fait aller le commerce. Par exemple, c’est dans mon établissement que se réunissent le maître d’hôtel, le chef et le sommelier de Mme de Maillefert, et aussi le valet de chambre de M. Philippe…

– C’est bien de l’honneur pour nous, interrompit M. de Boursonne.

Et comme le plaisir qu’il prenait à étudier l’aubergiste du Soleil levant commençait à s’épuiser :

– Mais ne dînons-nous pas ce soir, maître Béru ? demanda-t-il. Nous faudra-t-il jeûner pour la plus grande gloire de Mme de Maillefert ?

Rappelé brusquement à ses fonctions, l’hôtelier eut comme un regret d’avoir tant bavardé. Et il rentra brusquement dans son auberge, criant :

– Madame Béru !… Le dîner de messieurs les ingénieurs !…

La nuit était venue, lorsque M. de Boursonne et Raymond se mirent à table dans la salle à manger, largement éclairée par deux becs de gaz.

Le vieil ingénieur semblait on ne peut plus satisfait, et tout en savourant un excellent potage :

– Cet imbécile de Béru, disait-il, est positivement un homme précieux… Outre qu’il est un remarquable cuisinier, il me fait l’effet d’être le premier cancanier du pays, de sorte que…

Il fut interrompu par un grand fracas de roues, de chevaux et de claquements de fouet sur la grande route.

– Décidément la duchesse est arrivée.

Presque aussitôt, les voitures s’arrêtèrent devant l’auberge.

Puis une voix retentit dans le vestibule, voix grêle et aiguë, fort impérieuse pourtant, et affectant le plus désagréable grasseyement.

– Béru ! clamait une voix, holà ! où diable êtes-vous ? Béru ! ah ! vous voilà ! Vite, donnez de la lumière à mes domestiques, ces drôles ont oublié d’allumer les lanternes… Puis, vite aussi un verre et une carafe d’eau fraîche pour ma mère !…

Sur quoi, la porte de la salle à manger s’ouvrit violemment, et un jeune homme d’environ vingt-cinq ans entra chapeau sur la tête, cigare aux dents et lorgnon à l’œil…

– M. le duc Philippe, sans doute ? fit à demi-voix M. de Boursonne à Raymond.

Il était de taille moyenne, maigre ou plutôt amaigri, et avait la poitrine creuse et les épaules bombées.

De longs favoris blonds encadraient son visage fatigué, ses pommettes saillantes et colorées et ses lèvres minces et flétries.

– Ici, sacrebleu ! criait-il ; ici la carafe de Mme la duchesse…

Mme Béru accourait, un plateau à la main, et derrière elle entra, comme un tourbillon de soie et de velours, une femme assez grande, à l’air à la fois impertinent et familier.

Ses cheveux, d’un blond fauve, s’échappaient en masses opulentes d’un petit chapeau de paille orné d’une aigrette blanche. Elle portait un de ces costumes de voyage à couleurs éclatantes, très court et très tailladé, qui firent la fortune de Van Klopen.

Elle se versa un verre d’eau, et après l’avoir bu d’un trait :

– Ah ! je mourais de soif, dit-elle.

Puis, trempant dans l’eau le coin de son mouchoir armorié, elle en tamponna ses yeux en disant :

– Il est inouï qu’on ne trouve pas un verre d’eau dans cette gare…

Au dehors on entendait causer et rire, et la lueur des lanternes qu’on venait d’allumer éclairait toute la chaussée.

Curieux sans vergogne, M. de Boursonne se leva et alla soulever le rideau de la croisée. Il lui semblait distinguer dans les voitures sept ou huit personnes…

Mais il n’eut pas le temps de bien voir.

Mme de Maillefert et le jeune duc rejoignirent leurs invités… Les fouets des postillons claquèrent, les chevaux partirent au galop et le roulement des roues ne tarda pas à se perdre dans la nuit…

VII

Le lendemain de l’arrivée aux Rosiers de Mme la duchesse de Maillefert, le matin, Raymond fumait un cigare sur la porte du Soleil levant, en attendant M. de Boursonne, lorsque le facteur lui remit une lettre de Paris.

Reconnaissant sur l’adresse l’écriture de Me Roberjot, il s’empressa de rompre le cachet et lut :

« Mon cher Raymond,

« Lors du départ de notre ami Jean, il fut convenu, vous devez vous le rappeler, qu’il m’adresserait toutes celles de ses lettres où il parlerait du but réel de son voyage.

« Il n’y avait que ce moyen d’être sûr que le secret de ses espérances et des nôtres ne serait pas surpris par sa mère ou par la vôtre.

« Jean s’est souvenu de nos conventions.

« Je reçois à l’instant une lettre de lui, et je m’empresse de vous en adresser une copie… »

Mais Me Roberjot n’avait pas voulu confier au plus intime de ses secrétaires la lettre qui lui était adressée, et c’est de sa grosse écriture qu’était cette copie.

« Mon cher maître,

« Après la plus détestable traversée, prolongée bien au-delà de l’ordinaire par des coups de vent terribles et des calmes désolants, je suis enfin arrivé à Valparaiso, bien portant et plein d’espoir.

« Je me réjouissais et j’avais tort. Le plus aisé seulement était fait.

« Le diable, c’était d’aller de Valparaiso à Talcahuana.

« On me disait bien que, si je voulais patienter pendant un mois, je trouverais quelque navire qui m’y porterait pour presque rien ; mais, outre que j’avais assez pour le moment de la mer, un mois me paraissait une éternité.

« Je me mis donc en quête de quelque autre moyen de transport, et grâce aux indications d’un compatriote, je ne tardai pas à trouver un brave homme qui, propriétaire de cinq ou six chevaux, s’engageait à me conduire avec mon bagage rapidement et à peu de frais.

« C’était une façon de parler.

« Voyager à cheval est charmant, dans un admirable pays tel que celui-ci, bien digne de son nom de paradis terrestre, mais c’est un genre de locomotion que je ne conseillerais pas aux gens pressés.

« Cependant, les étapes succédaient aux étapes ; un jour vint où mon conducteur, étendant le bras, me dit :

« – Nous arrivons… C’est là.

« Il me montrait, au fond de la merveilleuse baie de Concepcion, à mi-côte d’une colline de terre rougeâtre, une longue rangée de cases à un seul étage, construites en briques séchées au soleil.

« C’est la ville de Talcahuana, si souvent détruite par de tremblements de terre que ses quatre mille habitants, lassés de bâtir sur un sol mouvant, se contentent maintenant de cabanes.

« Ah ! mon cher maître, c’est le cœur battant que j’y entrai, un samedi soir, aux dernières lueurs du crépuscule.

« Tout en chevauchant le long des rues étroites et escarpées, je me disais que, peut-être, dans quelqu’une de ces cases devant lesquelles je passais vivait mon père ; que, peut-être, avant quarante-huit heures, j’aurais le bonheur de le serrer entre mes bras, et que je recevrais de lui la lettre du général Delorge, cette arme qui doit assurer la vengeance que nous attendons depuis plus de quinze ans…

« Aussi, bien qu’il me fût donné, la nuit qui suivit mon arrivée, de coucher dans un véritable lit, mis à ma disposition par un négociant français, il me fut impossible de fermer l’œil.

« Il me semblait que le jour ne viendrait jamais me permettre de commencer mes recherches.

« Il vint, cependant ; mais mes premières investigations ne furent pas heureuses.

« Le climat du Chili est admirable, le pays est si beau, la vie y semble si facile et si douce, les Chiliennes ont tant de séductions, que de tous les navires – et ils sont nombreux – qui relâchent dans la baie de Concepcion, toujours quelque matelot déserte, qui s’installe à Talcahuana, ou qui va s’établir plus avant dans les terres.

« Cette circonstance hérissait mon enquête de difficultés imprévues.

« Force me fut donc de me mettre à exécuter ce que vous m’avez dit que je ferais.

« Je m’en allais de case en case, interrogeant tous les habitants, lesquels sont, par bonheur, les meilleurs et les plus obligeants du monde.

« Je leur demandais s’ils n’avaient pas ouï parler d’un Français, nommé Cornevin ou Boutin, qui avait dû arriver à Talcahuana dans les premiers mois de l’année 1853 à bord d’un baleinier américain.

« J’ajoutais, pour aider leurs souvenirs, que ce Français était un ancien prisonnier politique qui avait eu le bonheur incroyable de s’évader de l’île du Diable. Et enfin, autant qu’il était en moi et d’après les indications de ce brave Nantel, je traçais un portrait de mon père.

« Mais, hélas ! tant d’années s’étaient écoulées depuis, tant de baleiniers américains avaient jeté l’ancre à Talcahuana, que personne ne pouvait donner la plus vague indication.

« Le découragement me gagnait.

« Je commençais à me dire que Raymond et Léon avaient eu raison d’essayer de me retenir, lorsqu’enfin une lueur m’arriva.

« Talcahuana n’est pas une grande ville. Les distractions y sont trop rares pour que chacun ne s’occupe pas de ce que fait le voisin.

« On n’avait donc pas tardé à me connaître, à savoir le but de mon voyage et à s’intéresser au jeune peintre français qui était à la recherche de son père, ancien déporté politique.

« Je le savais. Aussi ne fus-je point surpris, lorsqu’une après-midi que la chaleur m’avait retenu à la maison, on m’annonça un cavalier qui m’apportait des renseignements.

« C’était un vieux contrebandier, que les hasards de sa profession venaient de retenir deux mois de l’autre côté des Cordillères, et qui, depuis la veille seulement, était de retour à Talcahuana.

« Cet homme se rappelait parfaitement un déporté français dont l’évasion, racontée devant lui, l’avait frappé comme un miracle.

« Il ne se rappelait pas le nom de ce Français, mais il était persuadé que j’aurais de ses nouvelles par un ancien contrebandier nommé Pincheira, chez lequel il avait travaillé pendant plusieurs mois.

« Ce Pincheira habitait le port d’Eichato, à une petite distance de Talcahuana.

« À l’instant même je montai à cheval, et moins de trois heures plus tard, j’étais en présence de l’ancien contrebandier.

« Dès les premiers mots que je prononçai, il m’interrompit pour me dire qu’il se souvenait et, aux détails qu’il me donna, je reconnus que j’étais enfin sur la trace…

« C’est sous le nom de Boutin que mon père s’était présenté à Pincheira. Il était dénué de tout, affamé et à peine vêtu.

« Pincheira en eut pitié et n’eut point à s’en repentir, car il n’avait jamais vu, me dit-il, un travailleur si obstiné. Âpre au travail, mon père n’était pas moins âpre au gain. Il se privait de tout pour mettre de côté les quelques francs qu’il gagnait, disant qu’il avait besoin de devenir très riche, et qu’il le deviendrait ou qu’il mourrait à la peine.

« Un an plus tard, environ, le fils aîné de Pincheira ayant pris la détermination d’aller tenter la fortune en Australie, mon père partit avec lui.

« Les derniers mots de Pincheira, lorsque je le quittai furent ceux-ci :

« – Votre père doit être plusieurs fois millionnaire ou mort…

« C’est donc pour Melbourne que je vais partir, muni d’une lettre de recommandation de Pincheira pour son fils.

« Dès demain, je regagne Valparaiso où je trouverai plus aisément qu’ici une occasion pour l’Australie…

« Maintenant, je tiens le bout du fil, je ne le lâcherai pas…

« Au revoir donc, mon cher maître, – je n’ose dire à bientôt. J’écris à ma mère en même temps qu’à vous. Embrassez pour moi Raymond et Léon, et croyez-moi le plus reconnaissant et le plus dévoué de vos obligés… »

Me Roberjot poursuivait :

« Vous le voyez, mon cher Raymond, Jean a bien fait de partir. J’adresse par ce même courrier une copie de sa lettre à Léon.

« Votre mère et Mme Cornevin, bien que fort tristes d’être séparées de leurs fils, sont en bonne santé.

« Ici, rien de nouveau. Les embarras du gouvernement impérial deviennent de plus en plus visibles. Aurons-nous la guerre avec la Prusse ? Aurons-nous un ministère libéral ? L’un et l’autre peut-être, – peut-être ni l’un ni l’autre.

« Vous avez dû apprendre par les journaux le mariage de M. de Maumussy avec une jeune princesse italienne très riche.