Mais je l’ai trouvée : il n’ose pas…

– Oh !…

– Il n’ose pas parce qu’il est une personne qui a des vues sur lui, qui se le réserve… Or, cette personne a pénétré si avant dans son existence et connaît tant et tant de ses secrets, qu’il ne peut pas s’en faire une ennemie sans risquer de se perdre… Il ne peut pas l’épouser, elle ; en épouser une autre, non…

– Et cette personne…

– Oh !… vous la connaissez, répondit l’avocat.

Et après une légère hésitation :

– C’est Mme Flora Misri, répondit-il, Mme Flora qui, pendant que M. de Combelaine jetait l’argent par les fenêtres, le ramassait et thésaurisait. C’est une personne très prévoyante, malgré ses airs évaporés, et qui sait compter. De telle sorte que, si le comte est ruiné au point de ne savoir plus dans quelles eaux troubles pêcher vingt-cinq louis, Mme Flora est riche et trouverait un million et demi chez son notaire.

C’est avec une impatience manifeste, l’impatience de l’homme qui ne veut pas reconnaître ses torts, que Léon écoutait.

– En tout ceci, fit-il, je ne vois pas quelle influence peut avoir notre démarche sur les déterminations de M. de Combelaine.

L’avocat sourit.

– Oh ! l’entêté !… s’écria-t-il.

Puis très vite :

– Résumons-nous, poursuivit-il. M. de Combelaine est au bout de son rouleau ; une dot le sauverait, mais il ne faut pas se marier à son gré et il ne veut pas épouser Mme Flora Misri. Que va-t-il faire ? À quel expédient va-t-il recourir ? Le temps presse, il ne peut plus attendre, il va peut-être se lancer dans quelque aventure périlleuse… Et c’est alors que vous vous chargez de lui rappeler le danger. C’est alors que vous lui criez en quelque sorte : « Prends garde, tes ennemis veillent… Que la main qui t’a protégé contre leur juste colère se retire, et tu es perdu ! »

Léon était obstiné, mais non cependant au point de nier l’évidence.

– Excusez-moi, monsieur, dit-il à Me Roberjot, je n’avais pas vu si loin… Nous avons été plus fous encore que je ne le supposais… Mais maintenant, que faire ? Car c’est là ce que nous venions vous demander…

Ayant fini de déjeuner, Me Roberjot se leva.

– Si j’étais libre, dit-il, je vous accompagnerais, mais je suis attendu, je dois prendre la parole aujourd’hui… Seulement, après-demain, j’irai chez vous pour recevoir l’envoyé de M. de Combelaine. Tâchez, d’ici-là, de faire entendre raison à Raymond…

C’était plus aisé à conseiller qu’à exécuter. En apprenant les réponses de M. de Combelaine, en apprenant surtout que ses amis étaient allés consulter Me Roberjot, Raymond Delorge entra dans une colère furieuse, disant que c’était épouvantable, que c’était à n’oser plus se confier à personne, puisqu’on était trahi par ses meilleurs amis.

Le surlendemain, cependant, lorsque l’avocat arriva, Raymond paraissait fort calme, soit qu’il eût réfléchi, pendant les quarante-huit heures qui venaient de s’écouler, soit que l’avocat lui imposât beaucoup plus qu’il ne voulait l’avouer.

– Eh bien ! je suis exact, j’espère ! dit gaiement Me Roberjot. Est-on venu ?…

– Pas encore, répondit Léon.

Et sans laisser à l’avocat le temps de répliquer, il l’entraîna jusqu’à une fenêtre ouverte, et bas et vivement :

– Raymond m’inquiète, lui dit-il. Je le connais, s’il est si tranquille, c’est qu’il médite quelque folie, pour le cas où M. de Combelaine persisterait dans son refus…

– Il y persistera, répondit Me Roberjot, ce n’est pas douteux. Néanmoins, rassurez-vous, mes mesures sont prises… Mais voici, je crois, notre ambassadeur.

Devant la maison, en effet, un coupé attelé de deux magnifiques chevaux venait de s’arrêter. Un gros homme en descendit, qui traversa le trottoir et disparut sous la porte cochère…

L’instant d’après, il entrait chez MM. Cornevin. C’était un homme d’environ quarante-cinq ans, portant de gros favoris noirs, trop bien mis et dont les mains épaisses faisaient craquer les gants gris perle.

– Je suis l’ami de M. le comte de Combelaine, messieurs, dit-il dès le seuil, et je viens, je viens…

Le reste de sa phrase expira dans son gosier, et une pâleur soudaine envahit son visage prospère…

Il venait d’apercevoir Me Roberjot debout, dans l’embrasure de la fenêtre.

– Toi ici, balbutia-t-il, toi !…

– Moi-même, cher monsieur Verdale, répondit l’avocat avec une ironique courtoisie… Je suis l’ami, – l’ami intime, vous m’entendez, – de M. Raymond Delorge, et je suis venu savoir ce qu’ont décidé les conseillers de M. de Combelaine.

Raymond, Jean et Léon étaient confondus.

Quelles étaient les relations de ces deux hommes ? Ils l’ignoraient. Mais ils ne pouvaient pas ne pas voir qu’il y avait entre eux un secret, qui faisait de l’un l’esclave soumis et tremblant de l’autre…

À l’air suffisant de M. Verdale, succédait la plus humble attitude.

– Nous avons décidé, répondit-il, non sans hésitation, que M. de Combelaine ne doit pas accepter la rencontre qui lui a été proposée… Nous espérons que M. Raymond Delorge reconnaîtra, comme nous, que ce duel est impossible. Si cependant il mettait à exécution certaines menaces, notre client, sur notre conseil, déposerait une plainte…

– C’est bien ! fit sèchement Me Roberjot… Nous aviserons…

Mais M. Verdale s’était à peine retiré, ou plutôt enfui, que la colère de Raymond éclata.

– Ah ! M. de Combelaine veut déposer une plainte ! s’écria-t-il. Eh bien ! ce soir même, à l’Opéra, je lui en fournirai l’occasion…

Jean et Léon croyaient que Me Roberjot allait répondre et vertement. Point.

Il alla tranquillement ouvrir une porte et Mme Delorge parut.

– Ma mère !… balbutia Raymond décontenancé.

Mme Delorge s’avança.

– Oui, votre mère, dit-elle, à qui un ami est venu apprendre votre folie. Malheureux !… Vous ne comprenez donc pas que vous battre avec M. de Combelaine ce serait proclamer son innocence !… Se bat-on avec un lâche assassin ?… Croiser le fer avec lui, c’eût été renoncer au droit d’en obtenir justice… Et il faut pourtant que justice nous soit rendue, Raymond, il faut que votre père soit vengé.

III

En se ménageant d’avance, et sans prévenir personne, l’intervention de Mme Delorge, Me Roberjot venait de prouver qu’il connaissait bien le caractère de Raymond.

Seul, il n’en eût rien obtenu. La passion est aveugle et sourde.

Il eût perdu son temps, son éloquence et ses peines à essayer de détourner Raymond d’un dessein longuement médité, qu’il ne jugeait peut-être pas excellent, mais qu’il estimait le seul praticable.

Les prières de Mme Delorge lui arrachèrent le serment d’y renoncer.

– Seulement, vous m’avez rendu un triste service, disait-il quelques jours après à Me Roberjot. Avant d’intervenir, il fallait vous informer de ce qu’est mon existence. Savez-vous que depuis la mort de mon père, jamais un jour ne s’est écoulé sans que ma mère ne m’ait dit en me montrant son épée scellée au-dessus de son portrait : « Souvenez-vous, mon fils, que vous avez votre père à venger ! » Savez-vous que maintenant encore, après dix ans passés, le couvert de mon père est toujours mis à notre table de famille, et que jamais une fois je ne me suis assis pour prendre mon repas, sans que l’œil de ma mère ne se soit arrêté sur cette place vide, sans qu’elle m’ait répété de sa voix glacée : « Ce couvert restera mis tant que justice ne nous aura pas été rendue !… » Savez-vous qu’il n’est pas jusqu’à ma sœur, Pauline, jusqu’à notre domestique, le vieux Krauss, qui ne cessent de me dire que c’est à moi de punir l’assassin, et qu’il devrait déjà être puni.

Des larmes de colère brillaient dans les yeux du malheureux jeune homme, et c’est d’une voix étouffée qu’il poursuivait :

– Comment, avec de pareilles excitations, incessantes, obstinées, mon imagination ne s’exalterait-elle pas !… Est-ce vivre que d’être hanté sans relâche par le spectre de mon père assassiné !… J’avais trouvé ce moyen, un duel ; vous me l’enlevez, ma mère me l’enlève. Mais alors, au nom du ciel ! dites-moi ce qu’il faut que je fasse, car je dois faire quelque chose, je veux me venger, et il faut en finir… Voyons, parlez, donnez-moi un conseil… Ah ! je ne le vois que trop, vous allez me dire comme ma mère : « Attendons ! » Quoi ?… Un miracle ? Eh ! je n’ai pas la foi, il ne se fait plus de miracles, et nous attendrons tant que M. de Combelaine mourra dans son lit, de sa belle mort…

Ce qui ajoutait encore au désespoir de Raymond, c’était la pensée que M. de Combelaine et ses amis le tenaient peut-être pour un de ces fanfarons terribles en paroles, plus que modérés en actions.

– Comme ces gens-là doivent rire de nous !… disait-il à Léon Cornevin.

M. de Combelaine n’en riait pas tant que cela, ainsi que ne le tardèrent pas à le prouver les événements.

En sortant de l’École polytechnique, Raymond Delorge était entré à l’École des ponts et chaussées, et il venait d’être nommé ingénieur.

Quant à Léon, les emplois du gouvernement lui répugnant, il s’était fait attacher à une compagnie de chemins de fer ; et, comme son intelligence était supérieure et son savoir très grand, comme il était en outre un travailleur infatigable, on lui avait fait espérer d’abord, puis plus tard formellement promis une situation en rapport avec son mérite et les services qu’il avait déjà rendus à la compagnie.

Cette situation, il se croyait à la veille de l’obtenir, lorsqu’un matin le directeur le fit appeler, et de l’air le plus embarrassé lui annonça que le conseil, malgré son avis et ses observations, avait disposé de cette place en faveur d’un autre candidat.

Le directeur ajoutait qu’il en était d’autant plus désolé que l’élu, un homme peu capable, n’avait pas ses sympathies…

– C’est un malheur, répondit froidement Léon Cornevin, mais croyez bien, monsieur, que je ne vous en veux aucunement…

En réalité, et malgré toute sa philosophie, Léon était atterré.

La décision du conseil était d’autant plus extraordinaire que son heureux concurrent ne sortait pas, comme lui, de l’École polytechnique, et que les compagnies ont un faible bien connu pour les anciens élèves de l’école.

De plus, tous les « chers camarades » formant une sorte de franc-maçonnerie, on avait dû le défendre chaudement.

Il s’étonnait aussi qu’on ne lui eût pas, à tout le moins, prodigué cette eau bénite de cour dont on bassine d’ordinaire les plaies d’amour-propre des gens désappointés…

Son directeur ne lui avait laissé entrevoir aucune compensation dans l’avenir.

– C’est tout à fait incompréhensible, disait-il à sa mère, encore plus affligée que lui de cette cruelle déception.

Il ne tarda pas à avoir le mot de l’énigme.

De telles difficultés lui furent suscitées dans le service dont il était chargé, qu’après avoir essayé d’en douter, il dut, à la fin, reconnaître qu’on brûlait de se débarrasser de lui.

On ne voulait pas, on n’osait peut-être pas le congédier, mais il était clair qu’on espérait, à force de tracasseries, l’exaspérer et l’amener à donner sa démission.

Mais pourquoi ? pourquoi ?…

– Mon cher Cornevin, lui dit l’ingénieur en chef, qui était comme de raison un « cher camarade », vous avez dans le conseil des ennemis acharnés…

– Moi !… fit Léon abasourdi.

– Positivement. Et sans notre directeur, qui est un brave homme et qui vous soutient envers et contre tous, sans moi, qui vous défends unguibus et rostro, il y a longtemps qu’on vous eût fait une avanie…

Le sens de cette dernière phrase étai trop clair pour que Léon Cornevin s’y méprît. Et cependant il voulut avoir l’avis de Me Roberjot.

– Croyez-moi, lui répondit l’avocat, ne luttez pas, vous seriez brisé… Votre ennemi est M. de Maumussy…

– Je le croyais, vous me l’aviez dit, à couteau tiré avec M. de Combelaine…

– Oui, mais la démarche de Raymond les a réunis contre l’ennemi commun… Or, comme votre compagnie sollicite une concession et a besoin de M. de Maumussy, n’hésitez pas, donnez votre démission…

Raymond pleura des larmes de rage, en apprenant cette indignité.

– Ah ! que ne m’avez-vous laissé tuer cette bête venimeuse de Combelaine ! s’écria-t-il.

Pourtant ce n’était rien encore.

Trois mois ne s’étaient pas encore écoulés depuis la démission de Léon, lorsque Paris fut épouvanté par l’attentat de la rue Le Peletier.

Un Italien, Felice Orsini, suivi de deux complices, était allé se poster devant l’Opéra, et avait essayé de tuer l’empereur en lançant sous sa voiture des bombes explosibles. L’empereur avait été préservé, mais quarante-sept personnes avaient été tuées ou blessées plus ou moins grièvement.

Ce qui paraissait étrange, c’est que la police n’eût pas su prévenir cet attentat du 14 janvier.

Elle était prévenue, cependant.

Avis lui avait été donné de la fabrication à Londres d’un certain nombre de bombes explosibles d’un système nouveau et excessivement meurtrières.

Avis lui avait été donné du départ pour la France d’Orsini et de Pieri.

Et pourtant Orsini, Pieri et leurs complices ne furent aucunement recherchés et séjournèrent à Paris près d’un mois, sans presque prendre la peine de se cacher…

Et pourtant, quelques heures seulement avant l’attentat, un des complices, Pieri, avait été arrêté rue Le Peletier, et trouvé nanti d’une bombe, d’un poignard et d’un revolver.

– À quoi donc pensait la police ! se disaient les Parisiens.

Et ils n’avaient pas tort de s’étonner.

Un ancien chef de la sûreté, Canler, ayant publié ses Mémoires, l’année suivante, y accusait très nettement la police d’incapacité, de négligence et peut-être de quelque chose de pis.

C’est donc sans la moindre surprise qu’on apprit que le préfet de police donnait sa démission.

– C’est bien le moins qu’il puisse faire, pensait-on.

Mais on commença à s’inquiéter sérieusement, lorsqu’on vit arriver au ministère de l’intérieur, en remplacement de M. Billault, un militaire dont la réputation de dureté et de brutalité était proverbiale, le général Espinasse, l’homme qui, au 2 Décembre, avait occupé le palais de l’Assemblée nationale.

« Ce ministre de l’intérieur avec un sabre au côté ne me dit rien qui vaille », écrivit un journal qui pour cette simple appréciation fut supprimé net.

Et cependant il avait raison, ce journal, car à peu de jours de là était votée la loi de sûreté générale, qui armait le gouvernement de pouvoirs discrétionnaires.

Certaines gens, plus impérialistes que l’empereur, ne se gênaient pas pour afficher leur satisfaction de voir « se resserrer la courroie qui, prétendaient-ils, commençait à se relâcher ».

L’un d’eux prononça ce mot cynique :

– Décidément l’attentat Orsini a du bon, il va nous permettre de nous débarrasser des gens gênants.

On s’en débarrassait, en effet.

Sur le premier moment, la police, qui avait une revanche à prendre de son ineptie, s’était mise à arrêter à tort et à travers, sans discernement ni mesure, une foule de pauvres diables qui n’en pouvaient mais.

On supposa que son zèle allait se refroidir, lorsqu’il fut clairement établi que l’attentant d’Orsini ne se rattachait à aucune conspiration, qu’il était une œuvre individuelle préparée hors de France et exécutée exclusivement par des étrangers.

Mais on se trompait.

Loin de diminuer, après le procès et l’exécution d’Orsini, le nombre des arrestations augmenta, non plus à Paris seulement, mais par toute la France.

On y mit plus de méthode, on tria plus habilement, et voilà tout.

Et de nouveau, comme aux beaux jours de 1852, des vaisseaux firent voile vers Cayenne et vers Lambessa, dont l’entrepont était encombré de suspects.

De même que tout le monde, Raymond Delorge et Léon Cornevin étaient sous l’impression pénible de tant de violences inutiles, quand un matin, comme ils venaient de se lever, ils virent arriver chez eux le valet de chambre de Me Roberjot.

Il apportait un billet très pressé de son maître, et n’ayant pu trouver de voiture, il avait couru, disait-il, tout le long du chemin.

Me Roberjot écrivait à Léon :

« Envoyez votre frère Jean faire un tour en Belgique ou en Angleterre. Qu’il parte aujourd’hui plutôt que demain, ce matin plutôt que ce soir. »

– Jean serait-il donc menacé ?… s’écria Raymond effrayé. Il m’a cependant juré qu’il ne s’occupe plus de politique.

Mais Léon hocha la tête.

– Mon frère, dit-il, par suite de sa condamnation à un mois de prison pour société secrète, se trouve sous le coup de la loi de sûreté générale, et de plus…

Il s’arrêta.

Il avait pour Raymond une trop sincère affection pour oser lui dire : – Et de plus M. de Combelaine doit avoir songé à ce moyen de se débarrasser de l’un de nous… »

– Hâtons-nous de prévenir ce pauvre Jean, reprit Raymond. Partons…

Depuis trois ans environ, Jean Cornevin ne demeurait plus avec sa mère rue de la Chaussée-d’Antin.

Peintre, travaillant beaucoup, chargé déjà de travaux importants, il lui avait fallu un atelier, et M. Ducoudray lui en avait déniché un, au boulevard de Clichy, dans une maison neuve.

La concierge de cette maison, qui était en même temps la femme de ménage de Jean, était debout sur sa porte, quand arrivèrent, hâtant le pas, Léon et Raymond.

Dès qu’elle les aperçut :

– Ah ! messieurs, s’écria-t-elle, messieurs, quelle affaire !…

Un même pressentiment serra le cœur des deux jeunes gens. Arriveraient-ils donc trop tard, hélas !

– Ce pauvre M. Jean vient d’être arrêté, poursuivit la portière, en s’essuyant les yeux du coin de son tablier. On vient de l’emmener dans un fiacre…

Raymond était devenu plus blanc que sa chemise et, se sentant chanceler sous ce coup, il s’appuyait au mur.

Plus fort, Léon se raidit contre sa douleur, écartant les appréhensions sinistres dont son esprit était assailli.

– Comment cela s’est-il passé ? demanda-t-il.

Mais déjà plusieurs boutiquiers du voisinage, qui avaient été témoins de l’arrestation, s’avançaient, la mine curieuse, prêtant l’oreille.

– Entrons dans ma loge, dit la portière, ici on nous entendrait.

Et les jeunes gens l’ayant suivie :

– Voilà donc la chose, commença-t-elle. Ce matin, dès qu’il a fait jour, cinq individus se sont présentés, demandant M. Jean Cornevin, artiste peintre. Justement j’allais lui monter son café au lait. Cependant, ces particuliers avaient une si drôle de mine que, foi d’honnête femme, j’allais leur répondre que M. Jean Cornevin était à la campagne, quand l’un d’eux, ouvrant son paletot, mon montra son écharpe en me disant : – Vous voyez, je suis commissaire de police. Ainsi, pas de farces. À quel étage demeure M. Cornevin ?

« Ah ! messieurs, tout mon sang ne fit qu’un tour, et de saisissement je faillis renverser mon café au lait.