Les ayant suivis en se courbant, elle arriva au pied d’un mur dressé en pleine lumière et trop haut pour qu’elle pût espérer le franchir. Un pavillon le flanquait à droite, qui ne semblait pas habité. Les volets en étaient clos. Elle s’approcha doucement. Avant le pavillon, il y avait une porte dans le mur, verrouillée, et, dans la serrure, une grosse clef. Elle ôta les verrous, tourna la clef et tira.

Elle n’eut que le temps d’ouvrir et de sauter dans la rue : ayant jeté un coup d’œil en arrière, elle avait vu une ombre qui courait à sa poursuite.

La rue était déserte. Cinquante pas plus loin peut-être, s’étant retournée, elle aperçut l’ombre qui semblait gagner de vitesse. L’épouvante la secoua, et, malgré son cœur qui haletait et ses jambes qui se dérobaient, elle avait l’impression exaltante que personne n’aurait pu la rattraper.

Impression fugitive : ses forces la trahirent d’un coup, ses genoux plièrent, et elle fut sur le point de tomber. Mais alors des gens passaient dans une autre rue très animée où elle s’engageait. Un taxi se proposa. Quand elle eut donné l’adresse et qu’elle se fut enfermée, elle vit, par la lucarne du fond, l’ennemi qui s’engouffrait dans une autre voiture, laquelle démarra aussitôt.

Des rues… des rues encore… La suivait-on ? Arlette n’en savait rien et ne cherchait pas à le savoir. Sur une petite place, où l’on déboucha soudain, des autos en station se succédaient. Elle frappa à la vitre.

« Arrêtez, chauffeur. Voilà vingt francs, et continuez rapidement pour dépister quelqu’un qui s’acharne après moi. »

Elle sauta dans un des taxis et redonna son adresse au nouveau chauffeur.

« À Montmartre, rue Verdrel, 55. »

Elle était hors de danger, mais si lasse qu’elle s’évanouit.

Elle se réveilla sur le canapé de sa petite chambre, près d’un monsieur agenouillé qu’elle ne connaissait pas. Sa mère, attentive et inquiète, la regardait anxieusement. Arlette essaya de lui sourire, et le monsieur dit à la mère :

« Ne l’interrogez pas encore, madame. Non, mademoiselle, ne parlez pas. Écoutez d’abord. C’est votre patron, Chernitz, qui a prévenu Régine Aubry que vous aviez été enlevée dans les mêmes conditions qu’elle. La police a été aussitôt alertée. Plus tard, apprenant l’affaire par Régine Aubry, qui veut bien me compter au nombre de ses amis, je suis venu ici. Votre mère et moi, nous avons guetté dehors toute la soirée, devant la maison. J’espérais bien que les gens vous relâcheraient comme Régine Aubry. J’ai demandé à votre chauffeur d’où il venait : « De la place des Victoires. » Pas d’autres renseignements. Non, ne vous agitez pas. Vous nous raconterez tout cela demain. »

La jeune fille gémissait, agitée par la fièvre, et par des souvenirs qui la tourmentaient comme des cauchemars. Elle referma les yeux, en chuchotant :

« On monte l’escalier. »

De fait, quelqu’un sonna. La mère passa dans l’antichambre. Deux voix d’homme retentirent, et l’une d’elles proféra :

« Van Houben, madame. Je suis Van Houben, le Van Houben de la tunique de diamants.