La Guerre des Boutons

Louis PERGAUD

LA GUERRE DES BOUTONS

1.

Cotainer signifie muser et bavarder inutilement - se dit surtout en parlant des commères.

2.

tienze :quinze.

3

Robeuiller, de beuiller : voir ou bayer. - Regarder avec

un étonnement niais.

4 -

Elastique.

5.

Kisse-- ou gicle : seringue faite avec une branche de sureau.

6- Tope : espèce de pistolet en sureau.

7-

Traje : sentier, raccourci

8.

Moutier : église.

La déclaration

de guerre

quant à la guerre... il est plaisant à considérer par combien de vaines occasions elle est agitée et par combien légères occasions éteinte: toute l'Asie se perdit et se consomma en guerre pour le maquerelage de Paris.

Montaigne (Livre second, ch. XII).

- Attends-moi, Grangibus ! héla Boulot, ses livres et ses cahiers sous le bras.

- Grouille toi, alors, j'ai pas le temps de cotainer moi !

- Y a du neuf ?

- «a se pourrait

- quoi ?

- Viens toujours

Et Boulot ayant rejoint les deux Gibus, ses camarades de classe, tous trois continuèrent à marcher côte à côte dans la direction de la maison commune.

C'était un matin d'octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l'horizon aux collines prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers étaient nus, les pommiers étaient jaunes, les feuilles de noyer tombaient en une sorte de vol plané, large et lent d'abord, qui s'accentuait d'un seul coup comme un plongeon d'épervier dès que l'angle de chute devenait moins obtus. L'air était humide et tiède. Des ondes de vent couraient par intervalles. Le ronflement monotone des batteuses donnait sa note sourde qui se prolongeait de temps à autre, quand la gerbe était dévorée, en une plainte lugubre comme un sanglot désespéré d'agonie ou un vagissement douloureux.

L'été venait de finir et l'automne naissait.

Il pouvait être huit heures du matin. Le soleil rôdait triste derrière les nues, et de l'angoisse, une angoisse imprécise et vague, pesait sur le village et sur la campagne.

Les travaux des champs étaient achevés et, un à un ou par petits groupes, depuis deux ou trois semaines, on voyait revenir à l'école les petits bergers à la peau tannée, bronzée de soleil, aux cheveux drus coupés ras à

la tondeuse (la même qui servait pour les boeufs), aux pantalons de droguet ou de mouliné rapiécés, surchargés de " pattins " aux genoux et au fond '

mais propres, aux blouses de grisette neuves, raides, qui, en déteignant, leur faisaient, les premiers jours, les mains noires comme des pattes de crapauds, disaient-ils.

Ce jour-là, ils traînaient le long des chemins et leurs pas semblaient alourdis de toute la mélancolie du temps, de la saison et du paysage.

quelques-uns cependant, les grands, étaient déjà dans la cour de l'école et discutaient avec animation.