Il avait même d˚ descendre et demander un mouchoir pour bander sa blessure, mais rien de précis ne se dessinait. Pourtant, Grangibus tenait absolument à utiliser l'embuscade de Tintin et à en chauffer un, disait-il. C'est pourquoi, ayant communiqué son idée à Lebrac, il fit semblant de se faufiler seul du côté du buisson occupé par Tintin, pour assaillir de flanc les ennemis. Mais il s'arrangea du mieux qu'il put pour être vu de quelques guerriers de Velrans, tout en ayant l'air de ne pas remarquer leur manúuvre. Il se mit donc à ramper et à marcher à quatre pattes du côté du haut et il ricana sous cape quand il aperçut Migue la Lune et deux autres Velrans se concertant pour l'assaillir, s˚rs de leur force collective contre un isolé.
Il avança donc imprudemment, tandis que les trois autres se rasaient de son côté.
Lebrac, à ce moment, poussait une attaque vigoureuse pour occuper le gros de la troupe ennemie et Tintin, qui voyait tout de son buisson, prépara ses hommes à l'action :
- «a va " viendre ", mes vieux, attention !
Grangibus était à six pas de leur retraite du côté de Velrans quand les trois ennemis, surgissant tout à coup d'entre les buissons, se jetèrent furieusement à sa poursuite.
Tout comme s'il était surpris de cette attaque, le Longeverne fit volte-face et battit en retraite, mais assez lentement pour laisser les autres gagner du terrain et leur faire croire qu'ils allaient le pincer. il repassa aussitôt devant le buisson de Tintin, serré de près par Migue la Lune et ses deux acolytes.
Alors Tintin, donnant le signal de l'attaque, bondit à son tour avec ses cinq guerriers, coupant la retraite aux Velrans et poussant des cris épouvantables.
- Tous sur Migue la Lune ! avait-il dit.
Ah ! cela ne fit pas un pli. Les trois ennemis, paralysés de frayeur à ce coup de thé‚tre inattendu, s'arrêtèrent net, puis crochèrent vivement pour regagner leur camp et deux s'échappèrent en effet comme l'avait prévu Tintin. Mais Migue la Lune fut happé par six paires de griffes et enlevé, emporté comme un paquet dans le camp de Longeveme, parmi les acclamations et les hurlements de guerre des vainqueurs.
Ce fut un désarroi dans l'armée de Velrans, qui battit en retraite sur le bois, tandis que les Longevernes, entourant leur prisonnier, beuglaient haut leur victoire. Migue la Lune, entouré d'une quadruple haie de gardiens, se débattait à peine, écrasé sous l'aventure.
- Ah ! mon ami, " on s'a fait choper ", fit le grand Lebrac, sinistre ; eh bien, attends un peu pour voir
Euh ! euh ! euh ! ne me faites point de mal, bégaya Migue la Lune.
- Oui, mon p'tit, pour que tu nous traites encore de pourris et de couilles molles !
- C'est pas moi ! Oh ! mon Dieu ! qu'est-ce que vous voulez me faire ?
- Apportez le couteau, commanda Lebrac.
- Oh! " moman, maman " ! qu'est-ce que vous voulez me couper ?
- Les oreilles, beugla Tintin.
- Et le nez, ajouta Camus.
- Et le zizi, continua La Crique.
- Sans oublier les couilles, compléta Lebrac, on va voir si tu les as molles !
- Faudra lui lier le sac avant de couper, comme on fait avec les petits taureaux, fit observer Gambette, qui avait apparemment assisté à ces sortes d'opérations.
- S˚rement ! qui " c'est qu'a la ficelle " ?
- N'en v'là, répondit Tigibus.
- Me faites point de mal ou je le dirai à ma " moman ", larmoya le prisonnier.
- Je me fous autant de ta mère que du pape, riposta Lebrac, cynique.
- Et- à m'sieur le curé! ajouta Migue la Lune, épouvanté.
- Je te redis que je m'en refous
- Et au maître, fit-il encore, miguant plus que jamais.
- Je l'emmerde
Ah ! voilà que tu nous menaces par-dessus le marché maintenant! Manquait plus que ça! Attends un peu, mon salaud !
Passez-moi le ch‚tre-bique
Et, l'eustache en main, Lebrac aborda sa victime.
Il passa d'abord simplement le dos du couteau sur les oreilles de Migue la Lune qui, croyant au froid du métal que ça y était vraiment, se mit à
sangloter et à hurler, puis satisfait il s'arrêta dans cette voie et se mit en devoir de lui " aff˚ter ", comme il disait, proprement ses habits.
Il commença par la blouse, il arracha les agrafes métalliques du col, coupa les boutons des manches ainsi que ceux qui fermaient le devant de la blouse, puis il fendit entièrement les boutonnières, ensuite de quoi Camus fit sauter ce vêtement inutile ; les boutons du tricot et les boutonnières subirent un sort pareil ; les bretelles n'échappèrent point, on fit sauter le tricot.
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