Et vous ne connaissez pas quelqu’un par ici qui achèterait un bateau ?

— Ici, à Jevičko ?

— Ja, ici, ou dans les parages. Je voudrais que cette grosse affaire vienne ici, dans my country.

— C’est gentil de votre part, capitaine.

— Ja, c’est que les autres sont de très grands voleurs. Et ils n’ont pas d’argent. Vous qui êtes dans les newspapers, vous devez connaître des gens importants ici, comme les bunkers et les shipowners, comment dit-on, les armuriers, non ?

— Les armateurs. Non, on ne les connaît, pas, Monsieur Van Toch.

— Ben c’est vraiment dommage, s’attrista le capitaine.

M. Golombek eut une idée :

— Vous ne connaîtriez pas, par hasard, Bondy ?

— Bondy ? Bondy ? réfléchissait le capitaine. Attends, c’est un nom qui me dit quelque chose. Ja, à Londres, il y a un Bond Street et c’est des gens très riches qui y habitent. Est-ce qu’il n’a pas une affaire sur ce Bond Street, votre M. Bondy ?

— Non, il est à Prague, mais je crois bien qu’il est né ici, à Jevičko.

— Eh, parbleu ! s’esclaffa joyeusement le capitaine. Tu as raison, mon gars. Celui qui avait une boutique de drapier sur la grand-place. Ja, Bondy, comment s’appelait-il ? Max Bondy. Alors, il a une boutique à Prague, à présent ?

— Non, ça, c’était sans doute son père. Le Bondy dont je parle, c’est G. H. Bondy. Le président G.H. Bondy, capitaine.

— G.H… le capitaine secouait la tête. G.H… il n’y en avait pas ici de G. H. À moins que ce ne soit Gugusse Bondy, mais il n’était pas président. Gugusse, c’était un petit Juif à taches de rousseur. Ce n’est certainement pas lui.

— Mais si, Monsieur Van Toch. Ça fait des années que vous ne l’avez pas vu.

— Ja, tu as raison, acquiesça le capitaine. Quarante ans, mon gars. Possible que le Gugusse est déjà grand. Et qu’est-ce qu’il fait ?

— Il est président du conseil d’administration de la M.E.A.S., vous savez c’est la grande usine qui fabrique des chaudrons et des choses de ce genre, puis encore président d’une vingtaine de sociétés et de cartels. Un très grand homme, Monsieur Van Toch. On l’appelle le capitaine de notre industrie.

— Le capitaine ? Alors je ne suis pas le seul capitaine de Jevičko ! Bon sang, alors le Gugusse, il est lui aussi capitaine. On devrait se voir. Et il a de l’argent ?

— Vous pensez bien. Des tas d’argent, Monsieur Van Toch. Il a bien quelques centaines de millions. C’est l’homme le plus riche du pays.

Le capitaine Van Toch devint extrêmement grave :

— Et c’est un capitaine, lui aussi. Eh bien, merci, mon gars.