C’est un très grand secret, worth of millions. Le capitaine Van Toch s’épongea le front de son mouchoir. — Alors, bon sang, elle arrive cette bière ?

— Tout de suite, capitaine.

— Ja. Ben oui, il faut que vous le sachiez, Monsieur Bondy, c’est des bêtes très gentilles et très braves, ces lézards-là. Je les connais, mon gars.

Le capitaine donna un grand coup sur la table.

— Et ceux qui disent que c’est des diables, c’est des menteurs. A damned lie, Sir. C’est plutôt vous qui seriez un diable et moi qui serais un diable, moi le Captain Van Toch, Monsieur. Vous pouvez m’en croire.

G. H. Bondy prit peur. « Le delirium, se dit-il. Où est-il passé, ce sacré Povondra ? »

— Il y en a plusieurs milliers là-bas, de ces lézards, mais ils se faisaient beaucoup manger par les… au diable, comment les appelle-t-on ici, les sharks ?

— Les requins.

— Ja, les requins. C’est pour cela qu’ils sont si rares, ces lézards, Monsieur, il y en a à un seul endroit dans ce golfe que je ne peux pas vous nommer.

— Ils vivent donc dans la mer, ces lézards ?

— Ja, dans la mer. Seulement, la nuit, ils montent sur la plage, mais dans un moment ils devront aller dans l’eau.

— Et à quoi ressemblent-ils ? (M. Bondy essayait de gagner du temps en attendant ce maudit Povondra.)

— Ben, ils sont grands comme des phoques, mais quand ils trottent sur leurs petites pattes de derrière, ils sont hauts comme ça, montrait le capitaine. Ils ne sont pas jolis, ça non. Ils n’ont pas d’écorce sur eux.

— Des écailles ?

— Oui, des écailles. Ils sont tout nus, Monsieur Bondy, comme des grenouilles ou des espèces de salamanders. Et leurs petites pattes de devant, elles sont comme des menottes d’enfant, mais elles ont seulement quatre doigts. Ben oui, c’est des pauvres petits, ajouta le capitaine avec compassion. Mais des bêtes intelligentes et gentilles, Monsieur Bondy.

Le capitaine s’accroupit et se mit à avancer dans cette position en se dandinant :

— Voilà comme ils trottent les lézards.

Et le capitaine s’efforçait d’imprimer un mouvement onduleux à son puissant corps accroupi ; il tenait ses mains devant lui comme un chien qui fait le beau pour mendier un sucre et il regardait M. Bondy de ses yeux bleu myosotis qui semblaient implorer la sympathie. G. H. Bondy en fut fortement ému, il se sentait même honteux. Et, pour comble, le silencieux M. Povondra apparut dans la porte avec une cruche de bière et haussa les sourcils avec indignation à la vue des agissements du capitaine.

— Mettez cette bière ici et allez-vous-en, éructa vite M. Bondy.

Le capitaine se leva. Il haletait :

— Voilà comment elles sont, ces petites bêtes, Monsieur Bondy. Your health, dit-il encore en buvant à grands traits. Tu as de la bonne bière ici, mon gars. Ben vrai, une maison comme la tienne…

Et le capitaine sécha ses moustaches.

— Comment les avez-vous trouvés, ces lézards, capitaine ?

— C’est justement ça, ma petite histoire, Monsieur Bondy. Ben, c’est arrivé comme ça : je pêchais des perles à Tana Masa… Le capitaine s’interrompit. — …Ou bien dans ces parages-là. Ja, c’était une autre île, mais ça, pour l’instant, c’est mon secret, mon gars. Les gens sont de grands voleurs, Monsieur Bondy, et il faut surveiller sa bouche. Et quand ces deux foutus Cingalais étaient sous l’eau pour couper les shells à perles…

— Des coquillages ?

— Ja. Des espèces de coquillages qui tiennent aux rochers aussi fort que les Juifs tiennent à leur foi. Il faut les couper au couteau. Et alors les lézards sont venus regarder les Cingalais et les Cingalais ont pensé que c’étaient des diables de mer. C’est des gens qui n’ont pas d’instruction du tout, ces Cingalais et Bataks. Alors, ils disaient qu’ils avaient vu des diables. Ja,

Le capitaine claironna vigoureusement dans son mouchoir.

— Tu sais, mon gars, ça me travaillait.