Ersatz
coupable de la décréation.
La création est un acte d’amour et elle est perpétuelle. À chaque
instant notre existence est amour de Dieu pour nous. Mais Dieu ne peut aimer
que soi-même. Son amour pour nous est amour pour soi à travers nous. Ainsi, lui
qui nous donne l’être, il aime en nous le consentement à ne pas être.
Notre existence n’est faite que de son attente, de notre
consentement à ne pas exister.
Perpétuellement, il mendie auprès de nous cette existence qu’il
nous donne. Il nous la donne pour nous la mendier.
L’inflexible nécessité, la misère, la détresse, le poids
écrasant du besoin et du travail qui épuise, la cruauté, les tortures, la mort
violente, la contrainte, la terreur, les maladies – tout cela c’est l’amour
divin. C’est Dieu qui par amour se retire de nous afin que nous puissions l’aimer.
Car si nous étions exposés au rayonnement direct de son amour, sans la
protection de l’espace, du temps et de la matière, nous serions évaporés comme
l’eau au soleil ; il n’y aurait pas assez de je en nous pour abandonner le
je par amour. La nécessité est l’écran mis entre Dieu et nous pour que nous puissions
être. C’est à nous de percer l’écran pour cesser d’être.
Il existe une force « déifuge ». Sinon tout serait
Dieu.
Il a été donné à l’homme une divinité imaginaire pour qu’il
puisse s’en dépouiller comme le Christ de sa divinité réelle.
Renoncement. Imitation du renoncement de Dieu dans la
création. Dieu renonce – en un sens – à être tout. Nous devons renoncer à être
quelque chose. C’est le seul bien pour nous.
Nous sommes des tonneaux sans fond tant que nous n’avons pas
compris que nous avons un fond.
Élévation et abaissement. Une femme qui se regarde dans un
miroir et se pare ne sent pas la honte de réduire soi, cet être infini qui
regarde toutes choses, à un petit espace. De même toutes les fois qu’on élève
le moi (le moi social, psychologique, etc.) si haut qu’on l’élève, on se
dégrade infiniment en se réduisant à n’être que cela. Quand le moi est abaissé
(à moins que l’énergie ne tende à l’élever en désir), on sait qu’on n’est pas
cela.
Une très belle femme qui regarde son image au miroir peut
très bien croire qu’elle est cela. Une femme laide sait qu’elle n’est pas cela.
Tout ce qui est saisi par les facultés naturelles est
hypothétique. Seul l’amour surnaturel pose. Ainsi nous sommes cocréateurs.
Nous participons à la création du monde en nous décréant
nous-mêmes.
On ne possède que ce à quoi on renonce. Ce à quoi on ne
renonce pas nous échappe. En ce sens, on ne peut posséder quoi que ce soit sans
passer par Dieu.
Communion catholique. Dieu ne s’est pas seulement fait une
fois chair, il se fait tous les jours matière pour se donner à l’homme et en
être consommé. Réciproquement, par la fatigue, le malheur, la mort, l’homme est
fait matière et consommé par Dieu. Comment refuser cette réciprocité ?
Il s’est vidé de sa divinité. Nous devons nous vider de la
fausse divinité avec laquelle nous sommes nés.
Une fois qu’on a compris qu’on n’est rien, le but de tous
les efforts est de devenir rien. C’est à cette fin qu’on souffre avec
acceptation, c’est à cette fin qu’on agit, c’est à cette fin qu’on prie.
Mon Dieu, accordez-moi de devenir rien.
À mesure que je deviens rien. Dieu s’aime à travers moi.
Ce qui est en bas ressemble à ce qui est en haut. Par-là l’esclavage
est une image de l’obéissance à Dieu, l’humiliation une image de l’humilité, la
nécessité physique une image de la poussée irrésistible de la grâce, l’abandon
des saints au jour le jour une image du morcellement du temps chez les
criminels et les prostituées, etc… À ce titre, il faut rechercher ce qui est le
plus bas, à titre d’image.
Que ce qui en nous est bas aille vers le bas afin que ce qui
est haut puisse aller en haut. Car nous sommes retournés.
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