Certes il descend dans le particulier. Il est descendu, il descend dans l’acte de la création ; de même l’incarnation, l’Eucharistie, l’inspiration, etc. Mais c’est un mouvement descendant, jamais montant, un mouvement de Dieu, non de nous. Nous ne pouvons opérer une telle liaison qu’autant que Dieu nous la dicte. Notre rôle est d’être tournés vers l’universel.

C’est peut-être là la solution de la difficulté de Berger sur l’impossibilité de relier le relatif à l’absolu. C’est impossible par un mouvement montant, mais c’est possible par un mouvement descendant.

On ne peut jamais savoir que Dieu commande telle chose. L’intention orientée vers l’obéissance à Dieu sauve, quoi qu’on fasse, si on place Dieu infiniment au-dessus de soi, et damne, quoi qu’on fasse, si on appelle Dieu son propre cœur. Dans le premier cas, on ne pense jamais que ce qu’on a fait, ce qu’on fait ou ce qu’on fera puisse être un bien.

Usage des tentations. Il tient au rapport de l’âme et du temps. Contempler un mal possible pendant longtemps sans l’accomplir opère une espèce de transsubstantiation. Si on y résiste avec une énergie finie, cette énergie s’épuise en un temps donné, et quand elle est épuisée, on cède. Si on reste immobile et attentif, c’est la tentation qui s’épuise – et on recueille l’énergie regradée.

Si on contemple de même un bien possible, de la même manière – immobile et attentif – il s’opère aussi une transsubstantiation de l’énergie, grâce à laquelle on exécute ce bien.

La transsubstantiation de l’énergie consiste en ceci que, pour le bien, il vient un moment où on ne peut pas ne pas l’accomplir.

De là aussi un critérium du bien et du mal.

Chaque créature parvenue l’obéissance parfaite constitue un mode singulier, unique, irremplaçable de présence, de connaissance et d’opération de Dieu dans le monde.

Nécessité. Voir les rapports des choses, et soi-même, y compris les fins qu’on porte en soi, comme un des termes. L’action en résulte naturellement.

Obéissance : il y en a deux. On peut obéir à la pesanteur ou au rapport des choses. Dans le premier cas, on fait ce à quoi pousse l’imagination combleuse de vides. On peut y mettre, et souvent avec vraisemblance, toutes les étiquettes y compris le bien et Dieu. Si on suspend le travail de l’imagination combleuse et qu’on fixe l’attention sur le rapport des choses, une nécessité apparaît à laquelle on ne peut pas ne pas obéir. Jusque-là, on n’a pas la notion de la nécessité ni le sentiment de l’obéissance.

Alors on ne peut pas être orgueilleux de ce qu’on accomplit, quand même on accomplirait des merveilles.

Mot du mousse breton au journaliste qui lui demandait comment il avait pu faire cela : « Fallait bien ! » Héroïsme le plus pur. On le trouve dans le peuple plus qu’ailleurs.

L’obéissance est le seul mobile pur, le seul qui n’enferme à aucun degré la récompense de l’action et laisse tout le soin de la récompense au Père qui est dans le caché, qui voit dans le caché.

À condition que ce soit l’obéissance à une nécessité, non pas à une contrainte (vide terrible chez les esclaves).

Quoi qu’on donne de soi à autrui ou à un grand objet, quelque peine qu’on supporte, si c’est par pure obéissance à une conception claire du rapport des choses et à la nécessité, on s’y détermine sans effort, bien qu’on accomplisse avec effort. On ne peut faire autrement, et il n’en résulte aucun retournement, aucun vide à combler, aucun désir de récompense, aucune rancune, aucun abaissement.

L’action est l’aiguille indicatrice de la balance. Il ne faut pas toucher à l’aiguille, mais aux poids.

Il en est exactement de même pour les opinions.

Dès lors, ou la confusion ou la souffrance.

Vierges folles. – Cela signifie qu’au moment où l’on prend conscience qu’il y a un choix à faire, le choix est déjà fait – dans un sens ou dans l’autre. Bien plus vrai que l’allégorie sur Hercule entre le vice et la vertu.

Quand dans l’homme la nature, étant coupée de toute impulsion charnelle et privée de toute lumière surnaturelle, exécute des actions conformes à ce que la lumière surnaturelle imposerait si elle était présente, c’est la plénitude de la pureté. C’est le point central de la Passion.

Le juste rapport avec Dieu est, dans la contemplation l’amour, dans l’action l’esclavage. Ne pas mélanger. Agir en esclave en contemplant avec amour…

On se porte vers une chose parce qu’on croit qu’elle est bonne, et on y reste enchaîné parce qu’elle est devenue nécessaire.

Les choses sensibles sont réelles en tant que choses sensibles, mais irréelles en tant que biens.

L’apparence a la plénitude de la réalité, mais en tant qu’apparence. En tant qu’autre chose qu’apparence, elle est erreur.

L’illusion concernant les choses de ce monde ne concerne pas leur existence, mais leur valeur. L’image de la caverne se rapporte à la valeur. Nous ne possédons que des ombres d’imitations de bien. C’est aussi par rapport au bien que nous sommes captifs, enchaînés (attachement). Nous acceptons les fausses valeurs qui nous apparaissent, et quand nous croyons agir, nous sommes en réalité immobiles, car nous restons dans le même système de valeurs.

Actes effectivement accomplis et cependant imaginaires.