Si on le met au niveau où le fini convient seul, peu importe de quel nom on le nomme.

Les parties basses de moi-même doivent aimer Dieu, mais non pas trop. Ce ne serait pas Dieu.

Qu’elles aiment comme on a soif et faim. Seul le plus haut a le droit d’être rassasié.

Crainte de Dieu dans saint Jean de la Croix. N’est-ce pas la crainte de penser Dieu alors qu’on en est indigne ? De le souiller en le pensant mal ? Par cette crainte, les parties basses s’éloignent de Dieu.

La chair est dangereuse pour autant qu’elle se refuse à aimer Dieu, mais aussi pour autant qu’elle se mêle indiscrètement de l’aimer.

Pourquoi la volonté de combattre un préjugé est-elle un signe certain qu’on en est imprègne ? Elle procède nécessairement d’une obsession. Elle constitue un effort tout à fait stérile pour s’en débarrasser. La lumière de l’attention en pareille affaire est seule efficace, et elle n’est pas compatible avec une intention polémique.

Le freudisme tout entier est imprégné du préjugé qu’il se donne pour mission de combattre, à savoir que ce qui est sexuel est vil.

Il y a une différence essentielle entre le mystique qui tourne vers Dieu la faculté d’amour et désir dont l’énergie sexuelle constitue le fondement physiologique, et la fausse imitation de mystique qui, laissant à cette faculté son orientation naturelle et lui donnant un objet imaginaire, imprime à cet objet comme étiquette le nom de Dieu. La discrimination entre ces deux opérations, dont la seconde est encore au-dessous de la débauche, est difficile, mais elle est possible.

Dieu et le surnaturel sont cachés et sans forme dans univers. Il est bon qu’ils soient cachés et sans nom dans l’âme. Autrement, on risque d’avoir sous ce nom de l’imaginaire (ceux qui ont nourri et vêtu le Christ ne savaient pas que c’était le Christ). Sens des mystères antiques. Le christianisme (catholiques et protestants) parle trop des choses saintes.

Morale et littérature. Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction. Rares sont les vrais contacts avec le bien et le mal.

Une science qui ne nous rapproche pas de Dieu ne vaut rien.

Mais si elle nous en fait mal approcher, c’est-à-dire d’un Dieu imaginaire, c’est pire…

Ce que la nature opère mécaniquement en moi, il est mauvais de croire que j’en suis l’auteur. Mais il est plus mauvais encore de croire que le Saint-Esprit en est l’auteur. C’est encore plus loin de la vérité.

Types différents de corrélations et passages entre contraires :

Par le dévouement total à une grande chose (y compris Dieu), donner toute licence en soi à la bassesse.

Par la contemplation de la distance infinie entre soi et ce qui est grand, faire du moi un instrument de grandeur.

Par quel critérium les distinguer ?

Le seul, je crois, est que la mauvaise corrélation rend illimité ce qui ne doit pas l’être.

Parmi les hommes (exception faite pour les formes suprêmes de la sainteté et du génie) ce qui donne l’impression d’être vrai est presque nécessairement taux et ce qui est vrai donne presque nécessairement l’impression d’être faux.

Il faut un travail pour exprimer le vrai. Aussi pour le recevoir. On exprime et on reçoit le faux, au moins le superficiel, sans travail.

Quand le vrai semble au moins aussi vrai que le faux, c’est le triomphe de la sainteté ou du génie. Ainsi saint François faisait pleurer ses auditeurs tout comme un prédicateur vulgaire et théâtral.

La durée, soit les siècles pour les civilisations, soit les années, et dizaines d’années pour l’individu, a une fonction darwinienne d’élimination de l’inapte. Ce qui est apte à tout est éternel. C’est en cela seul que réside le prix de ce qu’on nomme l’expérience. Mais le mensonge est une armure par laquelle l’homme permet souvent à l’inapte en lui-même de survivre aux événements qui, sans cette armure, le tueraient (ainsi à l’orgueil de survivre aux humiliations), et cette armure est comme sécrétée par l’inapte pour parer au danger (l’orgueil, dans l’humiliation, épaissit le mensonge intérieur). Il y a dans l’âme comme une phagocytose ; tout ce qui est menacé par le temps sécrète du mensonge pour ne pas mourir, et à proportion du danger de mort. C’est pourquoi il n’y a pas d’amour de la vérité sans un consentement sans réserve à la mort. La croix du Christ est la seule porte de la connaissance.

Regarder chaque péché que j’ai commis comme une faveur de Dieu. C’est une faveur que l’imperfection essentielle qui est dissimulée au fond de moi se soit en partie manifestée à mes yeux tel jour, à telle heure, dans telle circonstance. Je désire, je supplie que mon imperfection se manifeste tout entière à mes yeux, autant que le regard de la pensée humaine en est capable. Non pas pour qu’elle guérisse, mais, même quand elle ne devrait pas guérir, pour que je sois dans la vérité.

Tout ce qui est sans valeur fuit la lumière. Ici-bas, on peut se cacher sous la chair. À la mort on ne peut plus. On est livré nu à la lumière. C’est là, selon les cas, enfer, purgatoire ou paradis.

Ce qui fait qu’on recule devant les efforts qui rapprocheraient du bien, c’est la répugnance de la chair, mais non pas la répugnance de la chair devant l’effort.