Il n’aime
que les créatures (qu’avons-nous d’autre à aimer ?) mais comme
intermédiaires. À ce titre, il aime également toutes les créatures, y compris
soi-même. Aimer un étranger comme soi-même implique comme contrepartie ; s’aimer
soi-même comme un étranger.
L’amour de Dieu est pur quand la joie et la souffrance
inspirent une égale gratitude.
L’amour, chez celui oui est heureux, est de vouloir partager
la souffrance de l’aimé malheureux.
L’amour, chez celui qui est malheureux est d’être comblé par
la simple connaissance que l’aimé est dans la joie, sans avoir part à cette
joie, ni même désirer y avoir part.
Aux yeux de Platon, l’amour charnel est une image dégradée
du véritable amour. L’amour humain chaste (fidélité conjugale) en est une image
moins dégradée. L’idée de sublimation ne pouvait surgir que dans la stupidité
contemporaine.
Amour du Phèdre. Il n’exerce ni ne subît la force. C’est là
l’unique pureté. Le contact avec le glaive comporte la même souillure, qu’il se
fasse du côté de la poignée ou du côté de la pointe. À celui qui aime, le froid
du métal notera pas l’amour, mais donnera le sentiment d’être abandonné de Dieu.
L’amour surnaturel n’a aucun contact avec la force mais aussi il ne protège pas
l’âme contre le froid de la force, le froid du ter. Seul un attachement
terrestre, s’il renferme assez d’énergie, peut protéger contre le froid du fer.
L’armure est faite de métal comme le glaive. À celui qui n’aime que d’un amour
pur, le meurtre glace l’âme, qu’il en soit l’auteur ou la victime, et tout ce
qui, sans aller jusqu’à la mort même, est violence. Si l’on désire un amour qui
protège l’âme contre les blessures, il faut aimer autre chose que Dieu.
L’amour tend à aller toujours plus loin. Mais il a une
limite. Quand la limite est dépassée, l’amour se tourne en haine. Il faut, pour
éviter cette modification, que l’amour devienne autre.
Parmi les êtres humains, on ne reconnaît pleinement l’existence
que de ceux qu’on aime.
La croyance à l’existence d’autres êtres humains comme tels
est amour.
L’esprit n’est forcé de croire à l’existence de rien (subjectivisme,
idéalisme absolu, solipsisme, scepticisme : voir les Upanishads, les
Taoïstes et Platon, qui tous, usent de cette attitude philosophique à titre de
purification). C’est pourquoi le seul organe de contact avec l’existence est l’acceptation,
l’amour. C’est pourquoi beauté et réalité sont identiques, C’est pourquoi la
joie et le sentiment de réalité sont identiques.
Ce besoin d’être le créateur de ce qu’on aime, c’est un
besoin d’imitation de Dieu. Mais c’est un penchant à la fausse divinité. À moins
qu’on n’ait recours au modèle vu de l’autre côté du ciel…
Amour pur des créatures : non pas amour en Dieu, mais
amour qui a passé par Dieu commence par le feu. Amour qui se détache
complètement des créatures pour monter à Dieu et en redescend associé à l’amour
créateur de Dieu.
Ainsi s’unissent les deux contraires qui déchirent l’amour
humain : aimer l’être aime tel qu’il est et vouloir le recréer.
Amour imaginaire pour les créatures. On est attaché par une
corde à tous les objets d’attachements, et une corde peut toujours se couper. On
est aussi attaché par une corde au Dieu imaginaire, au Dieu pour qui l’amour
est aussi attachement. Mais au Dieu réel on n’est pas attaché, et c’est
pourquoi il n’y a pas de corde qui puisse être coupée. Il entre en nous. Lui
seul peut entrer en nous. Toutes les autres choses restent en dehors, et nous
ne connaissons d’elles que les tensions de degré et de direction variables
imprimées à la corde quand il y a déplacement d’elles ou de nous.
L’amour a besoin de réalité. Aimer à travers une apparence
corporelle un être imaginaire, quoi de plus atroce, le jour où l’on s’en
aperçoit ? Bien plus atroce que la mort, car la mort n’empêche pas l’aimé
d’avoir été.
C’est la punition du crime d’avoir nourri l’amour avec l’imagination.
C’est une lâcheté que de chercher auprès des gens qu’on aime
(ou de désirer leur donner) un autre réconfort que celui que nous donnent les œuvres
d’art, qui nous aident du simple fait qu’elles existent. Aimer, être aimé, cela
ne fait que rendre mutuellement cette existence plus concrète, plus constamment
présente à l’esprit. Mais elle doit être présente comme la source des pensées, non
comme leur objet. S’il y a lieu de désirer être compris, ce n’est pas pour soi,
mais pour l’autre, afin d’exister pour lui.
Tout ce qui est vil ou médiocre en nous se révolte contre la
pureté et a besoin, pour sauver sa vie, de souiller cette pureté.
Souiller, c’est modifier, c’est toucher.
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